À moins d’un an de l’élection présidentielle de 2018, l’opposition malienne a fait son auto-évaluation pendant les quatre années de la gouvernance IBK. C’était le mercredi 13 septembre lors d’un entretien que le président du Front social de l’opposition, Dr Aboubacar Sidiki Fomba, a bien voulu nous accorder.
À l’entame de ses propos, le président de la Commission du Front social de l’opposition a exposé les actions posées par l’opposition. À ce titre, il dira que l’opposition a déposé deux motions de censure depuis l’accession de IBK au pouvoir conformément aux articles 78 et 80 de la Constitution et de l’article 96 du Règlement intérieur de l’Assemblée nationale, dont l’une a été déposée contre le gouvernement Moussa Mara et l’autre contre le gouvernement Modibo Keïta.
Il ajoutera que dans la motion de censure déposée contre le gouvernement Moussa Mara, l’opposition a formulé des griefs contre la visite du premier ministre Mara à Kidal ayant contribué à la dégradation de la situation sécuritaire dans la partie septentrionale. L’opposition dans sa requête l’opposition qualifie cette visite d’inopportune.
Retard dans la mise en œuvre de la loi de programmation militaire
En ce qui concerne la motion de censure déposée contre le gouvernement Modibo Keïta, il a précisé que l’opposition a dénoncé entre autres le retard dans la mise en œuvre de la loi de programmation militaire face au péril de l’insécurité, l’incapacité du gouvernement à organiser les élections communales sur toute l’étendue du territoire national ainsi que le consentement du gouvernement à refouler les Maliens de l’extérieur. « L’opposition a également adressé cinq requêtes à la Cour Constitutionnelle. Celles-ci étaient formulées contre la loi sur les autorités intérimaires, le brouillage des urnes lors de l’élection législative partielle d’Ansongo, la violation par le président IBK de la loi sur le genre, la révision constitutionnelle ayant abouti au renvoi du projet en seconde relecture », a-t-il martelé.
Construction des routes les plus chères en Afrique
Dans le chapitre des différentes dénonciations faites par l’opposition, Dr Fomba a cité entre autres la saisine du bureau du Vérificateur général (Végal) sur les saignées financières notamment l’achat injustifié de l’avion présidentiel à des prix différents 7 milliards de FCFA, 17 milliards de FCFA et 20 milliards de FCFA. Aussi, l’opposition a dénoncé la surfacturation sur l’achat des armements militaires environ 29 milliards, la surfacturation sur l’achat de 1000 tracteurs cédés aux paysans à 13,6 millions de FCFA par tracteur au lieu du prix normal de 5,9 millions de FCFA par tracteur, dont 7,7 millions de FCFA de surfacturation sur chaque tracteur.
« Nous avons également dénoncé la distribution de l’engrais de mauvaise qualité dite désormais l’affaire de l’engrais frelaté dont les conséquences ont été désastreuses pour la campagne agricole, la construction des routes les plus chères en Afrique en l’occurrence la route de Dialokorodji qui coûtera plus de 400 millions de FCFA par kilomètre de goudron contre 200 millions de FCFA, le coût le plus élevé. Nous avons formulé des griefs contre le coût du pont de Kayes, estimé à plus d’un milliard par kilomètre de pont. Tous ces investissements sont financés par le budget national », a laissé entendre le président de la Commission du Front social de l’opposition.
À le croire, au cours des quatre années d’exercice du président IBK, l’opposition a épinglé la mauvaise gouvernance, le manque de vision du Chef de l’État, la mauvaise répartition des ressources de l’État, la cherté de la vie, la gestion patrimoniale des affaires publiques et le clientélisme ayant entrainé une paralysie des opérateurs économiques et léthargie des hommes politiques et des cadres de l’administration se livrant à des pratiques peu orthodoxes pour occuper des postes juteux.
Manque de politique agricole
En ce qui concerne les actions menées par l’opposition contre certaines réformes constitutionnelles engagées par le président IBK, Dr Fomba a indiqué le rejet du document de travail de la Commission des experts sur la révision constitutionnelle, dont l’État avait financé par l’État pour plus de 200 millions de FCFA, l’enveloppe de l’avis de Me Marcel Ceccaldi estimé à plus de 400 millions de FCFA, la promulgation d’un Code électoral porteur de conflits et de discriminations, le texte du projet de la révision constitutionnelle comportant les germes de la partition de notre pays en violation de l’article 118 de la Constitution ont été dénoncés par son regroupement.
« Nous avons mis à nu le non-respect des engagements pris aux syndicats, l’opération inopportune de libération des emprises des grandes artères de la capitale ayant augmenté considérablement le nombre de chômages, le manque de vision politique dans le domaine agricole afin de sauver 3,8 millions de Maliens de la faim. Cette situation a contribué à amplifier la fronde sociale contre la gouvernance IBK », a-t-il déploré.
Gestion solitaire de la question de Kidal par la France
Sur le plan de la réconciliation et de la sécurité, l’opposition a dénoncé notamment le manque de dialogue inclusif autour de l’accord pour la paix et la réconciliation issu du processus d’Alger, le manque de leadership du président IBK lors des négociations et de la mise en œuvre de l’accord, le sous-équipement de nos forces de défense et sécurité, les attaques contre les populations civiles et l’Armée malienne malgré la signature d’un accord de défense avec l’ancienne métropole, la gestion solitaire de la France de la question de Kidal.
Évoquant les initiatives, l’orateur s’est réjoui de la mise en place d’un cadre de concertation composé des représentants des groupes armés, de la majorité présidentielle, de l’opposition et des organisations de la société civile, dont le manque de volonté de la majorité a mis fin à cette initiative. Aussi, dit-il, l’opposition a initié le recueillement contre le terrorisme ayant abouti à une visite commune des partis politiques de l’opposition et de la majorité au camp du Mécanisme opérationnel de coordination (MOC) à Gao et dans les différents hôpitaux. « Nous avons initié la création de la Commission chargée du front social dont l’apport a été déterminant dans la résolution de la grève des magistrats, des syndicats d’enseignants et surtout dans le domaine de la santé à travers des visites de certaines cadres de l’opposition dans les centres de santé », a renchéri Dr Fomba.
Organisation des élections par une agence indépendante
De sa lecture, les actions de l’opposition ont exercé une forte pression sur le président IBK. Avant d’ajouter que cela se traduit par le remaniement ministériel chronique effectué par le Chef de l’État depuis son accession à la magistrature suprême de notre pays. « Le président n’avait aucun programme. Il comptait gérer le pays par des slogans creux ».
D’après lui, l’opposition dans sa logique de jouer toute sa partition dans le jeu démocratique de notre pays a créé une Commission chargée d’élaborer un manifeste impliquant toutes les composantes de notre société pour la tenue d’élection libre, crédible et transparente. À ce titre, précise-t-il, l’opposition avait dénoncé le manque de fichier biométrique, le manque de transparence dans l’organisation des élections ainsi que le manque de volonté de l’administration d’auditer le fichier électoral.
Pour finir, il a exhorté le gouvernement à confier l’organisation des élections à une agence indépendante et à élaborer une feuille de route pour un dialogue national inclusif autour des grandes questions de la nation. « L’opposition a participé activement à la formation et à toutes les activités de la plateforme Antè Abana initiée par les organisations de la société civile. Cette plateforme s’est battue, à travers des moyens démocratiques, contre le projet de révision constitutionnelle initié par IBK portant des germes de la partition de notre pays », a-t-il conclu.
MAMA PAGA