KOULIKORO. Au pied d'une colline, dans un camp
militaire de Koulikoro, à 60 km de Bamako, le cliquetis des armes résonne: ce
n'est pas la guerre, mais des soldats maliens s'entraînant sous les ordres
d'instructeurs européens qui les forment au combat contre les jihadistes.
D'abord à genoux, puis couchés sur le sol, ces soldats commencent par
apprendre à manier des Kalachnikov, sous l'oeil attentif d'instructeurs venus
de sept pays membres de la mission de formation de l'Union européenne (EUTM):
France, Royaume-Uni, Suède, Finlande, Lituanie, Luxembourg et Irlande.
"Nous sommes très motivés pour cette formation qui était nécessaire pour
nous. Après, nous irons au Nord combattre les terroristes", affirme le sergent
Moussa Maïga de l'armée malienne, parlant des islamistes armés qui ont occupé
pendant près de dix mois en 2012 cette région qui représente les deux tiers du
Mali.
Depuis le 11 janvier, les jihadistes en ont en partie été chassés par une
intervention armée franco-africaine, en soutien à l'armée malienne qui,
humiliée par la conquête fulgurante du Nord par les groupes armés début 2012,
reste incapable de les combattre seule sans une solide formation.
Face au sergent Maïga, le lieutenant-colonel Gérard Veillefosse, de l'armée
française, fait partie des 200 premiers formateurs de l'UE. "Le premier
objectif est d'assurer la coordination du groupe", assure l'officier français,
en notant que ces soldats ont auparavant été formés dans divers pays. "Ca ne
peut pas fonctionner, parce qu'ils ne sont pas habitués à travailler
ensemble", affirme-t-il, ajoutant: "Le ciment, c'est la cohésion".
Depuis le début de la formation il y a une semaine, le camp d'instruction
militaire de Koulikoro grouille de monde: vendeuses de frites et de viande,
maçons achevant la construction de hangars devant servir de salle de cours,
agents de nettoyage et militaires s'y côtoient.
Au centre du camp d'environ six hectares, un hélicoptère vient d'atterrir
près de tentes servant d'hôpital de campagne.
"C'est un exercice de transfert de blessés de guerre. Il faut se mettre
véritablement dans une situation de guerre. Je n'aime pas le mot +simulation+,
nous faisons comme si nous étions sur un terrain de conflit", explique
Boubacar Tiné, officier malien.
"Fiers d'être Maliens"
Non loin de là, deux formateurs finlandais marchent difficilement. Venant
d'un pays où il faisait -25°C quand ils l'ont quitté, ils ont encore du mal à
supporter les 40°C de Koulikoro...
Les premiers soldats maliens en formation viennent de tout le pays. Parmi
eux, des Arabes et des Touareg, deux communautés minoritaires souvent
assimilées aux islamistes par la majorité noire du pays.
"C'est vous qui voyez en moi un Touareg. Moi, je suis un militaire malien
avant tout. Nous voulons être formés pour défendre notre pays. Nous sommes
fiers d'être des Maliens", explique Chérif, sergent touareg.
Maniement des armes et discipline de groupe pour les simples soldats,
techniques de commandement pour les officiers.
Assis dans une salle du premier étage d'un bâtiment du centre
d'instruction, ces derniers écoutent avec beaucoup d'attention un homologue
français qui leur dit: "Lorsque vous donnez des instructions à un subordonné,
vous reprenez à haute et intelligible voix, pour qu'il comprenne bien que ce
sont des ordres".
L'ambition de la formation européenne est de mettre sur pied une armée
nationale qui intègre aussi ce que représente le respect les droits de
l'Homme, l'armée malienne actuelle étant régulièrement accusée d'exactions, en
particulier contre les Arabes et Touareg.
Au total, quatre bataillons d'environ 700 militaires maliens doivent être
formés. "Chaque formation va durer dix semaines et se fera en deux phases: une
formation militaire générale et, très rapidement, une spécialisation",
explique le lieutenant-colonel Philipe de Cussac, porte-parole de l'EUTM.
Une spécialisation "très pointue", selon lui, pour mettre sur pied "des
forces spéciales", former des tireurs d'élite, des experts en
télécommunications, génie, artillerie.
Les premiers soldats maliens formés par l'UE seront opérationnels dès le
mois de juillet et iront, pour beaucoup d'entre eux, dans le nord du Mali où
subsistent des poches de résistance islamiste.
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