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Pierre Campmas, un pionnier du reportage sportif à radio-Mali : Parcours d’un journaliste militant et d’un reporter sportif
Publié le samedi 30 septembre 2017  |  Aujourd`hui
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Il y a tout juste une semaine que notre pays célébrait le 57ème anniversaire de son accession à la souveraineté nationale et internationale. Le 22 septembre 1960, était proclamée la République du Mali mettant ainsi fin à 70 ans de colonisation française. La lutte pour l’indépendance du Mali a été dure et rude. Elle a connu plusieurs phases, de nombreuses méthodes et divers moyens dont la presse. Dans L’Essor, organe de l’Us-Rda, un journaliste militant a inlassablement œuvré à l’ombre des dirigeants du Parti : il s’agit du …Français, Pierre Campmas. S’il a été moins vu derrière des éditoriaux et d’autres pamphlets, il a été par contre très visible, barbu, micro à la main, autour de la table de reportage de la Radio Nationale dans les deux principaux espaces aménagés de football à Bamako d’alors : le Stade Ouezzin Coulibaly et le Stade Mamadou Konaté. Çà et là, Pierre Campmas et d’autres Soudanais, tous passionnés du football, narraient les matches dans le procédé de retransmission en direct. En séjour africain pendant près de trois (3) décennies, ce Français anticolonialiste français a passé onze (11) années intensément consacrées à notre pays. Il fut un homme humble, se faisant appeler simplement ” Pierre ” dans les milieux populaires des Soudanais devenus Maliens !

Parmi les documents de référence sur l’histoire des médias modernes d’information dans notre pays, il y a incontestablement la thèse de doctorat de Sidiki N’Fa Konaté. L’actuel directeur général de l’audiovisuel public au Mali a pu écrire, au début des années 1980, et démontrer que Baladji Cisssé peut être considéré comme le “père de la boxe et du journalisme sportif” au Mali. Ancien pratiquant, entraineur puis dirigeant de la Fédération malienne de Boxe, le persévérant Baladji a, dans les années 1950, d’abord collaboré au Soudan Français dans lequel il signait des articles sur le sport. Il a ensuite été le fondateur et directeur des publications de Soudan Sports qui devient Mali Sports (1956). Entretemps, Baladji Cissé (1924-1997) avait fondé la Presse Divine, un journal gratuit à orientation islamiste (1953 – 1957). Pour la Radio, nombreux sont les spécialistes de la chose footballistique dont le très entreprenant Djibril Traoré qui, dans un magazine diffusé en décembre 2010 à la faveur des festivités du Cinquantenaire de l’indépendance du Mali, a su rappeler utilement les noms des pionniers du journalisme sportif dont les reporters radio Tiécoura Konaté, Salif Diarra, Cheick Tigui Coulibaly, Cheick Diabaté, Mohamed Macalou et Sané Mady Diallo. Il y avait aussi le Français Pierre Campmas. Le public sportif du Mali du début des années 1960 a bien connu ce journaliste facilement reconnaissable avec sa chevelure lisse et sa barbe impressionnante toujours bien soignée.



Né en 1925 à La Bastide Gabousse (Toulouse) d’une famille modeste, Pierre Campmas fit des études littéraires dans sa ville natale. Curieux et pressé de réaliser un rêve d’enfance, il séjourne en Afrique notamment au Sénégal puis au Soudan Français (Mali) et enfin Côte d’Ivoire. A Dakar, il exerce d’abord le métier de Commis de commerce (1947-1956) avant d’y faire la connaissance d’un autre Français, progressiste et militant anticolonialiste : Charles-Guy Etcheverry, propriétaire du journal Le Réveil, mis au service du grand RDA dont il devient l’organe central d’information et de propagande pour toutes les sections territoriales, toutes sous la direction fédératrice du médecin ivoirien Félix Houphouët-Boigny. Engagé dans cette cause émancipatrice africaine, Pierre Campmas y collabore avant d’être envoyé au Soudan d’alors par le même G. Etchevery pour diriger son quotidien paraissant à Bamako, Soudan Matin (1956-1957).

Après cette éphémère collaboration, P. Campmas rejoint au Soudan un autre Français, militant Rda, Jean Molinari, installé à Saye (situé entre Djenné et Macina) qui l’emploie comme gérant d’un campement hôtel. C’est de là que P. Campmas entre en contact avec plusieurs militants et responsables de l’Us-Rda, alors en pleine effervescence électorale du premier scrutin cantonal devant élire les conseillers territoriaux (députés) de l’Assemblée territoriale soudanaise (Ats), prévue par la Loi-cadre qui a accordé une semi-autonomie aux colonies françaises d’Afrique. La liste Rda conduite par le député-maire Modibo Kéïta (auquel se sont ralliés les conseillers de l’Union Dogon) remporte haut la main la victoire (avec 64 sur 70 sièges en jeu). Ainsi, se forma le 1er Conseil de Gouvernement au Soudan Français en mai 1957.

Dans la foulée de cette victoire électorale historique, Pierre Campmas est sollicité à Bamako par la direction de l’Us-Rda dont il assure l’animation du Secrétariat Permanent (l’actuel siège de l’Adema-Pasj à Bamako-Coura). De 1958 à 1967, “avec dévouement et désintéressement”, il devient un proche collaborateur, un conseiller et un ami d’Idrissa Diarra, secrétaire politique du Parti doublé de directeur politique de L’Essor, le journal de combat du Parti à la Charrue attelée. “De façon indirecte mais néanmoins active, j’ai pleinement adhéré et parfois participé aux grandes prises de position de l’Us-Rda, ceci jusqu’en 1964-1965”, écrivait l’étudiant Campmas dans son Rapport de DEA à l’Université de Toulouse en juin 1977. Il rappelait ainsi sa contribution militante (rédaction des Actes du Parti) prolongée dans ses activités de chargé de l’animation de L’Essor, demeurant l’organe de presse et de propagande de l’Us-Rda, le désormais Parti gouvernemental. Travaillant d’arrache-pied à l’ombre des dirigeants du Parti, P. Campmas joue le rôle de principal rédacteur d’information du quotidien d’information. Il en est aussi l’anonyme éditorialiste de la version hebdomadaire du même journal, lancée en 1958 par le Dr Mamadou Gologo gardant jalouseument sa triple casquette de secrétaire d’Etat à l’Information, de directeur de publication de l’Essor et de secrétaire général de l’Union des journalistes du Soudan.

Une popularité grandissante

En novembre 1962, pour des “raisons personnelles” publiquement inavouées, Pierre Campmas quitte “volontairement” la rédaction de L’Essor pour se consacrer à ses tâches d’Assistant du secrétaire politique tout en continuant sa collaboration de chroniqueur sportif à Radio-Mali dont certains de ses comptes rendus étaient malgré tout fournis à L’Essor. A Bozola où venait d’être inaugurée la Maison de la Radio (le 22 septembre 1962), P. Campmas se retrouve parmi les journalistes Soudanais, pionniers du reportage sportif. Sur les antennes de la Radio- Nationale, les matches de football étaient narrés en direct par ces reporters professionnels et grands amateurs de football. D’où la popularité plus grandissante de “Pierre” (comme l’appelait M. tout le monde) dans le milieu sportif que sur le plan politique.

En 1966, le régime socialiste l’Us-Rda se radicalise dans son orientation idéologique. Les divergences s’aiguisent au sein de la classe dirigeante du Parti unique de fait aux affaires. Les “durs” parviennent à s’imposer en réussissant à écarter progressivement ceux qui sont considérés comme des “modérés” dont le très influent secrétaire politique Idrissa Diarra, confident et mentor de Pierre Campmas. Ce dernier, dépassé par les événements, se trouve malgré lui dans une ambiance très “gênante” et “inconfortable”. Inquiet, Pierre Campmas assiste impuissant à l’accélération des luttes intestines entre dirigeants de l’Us-Rda. C’est dans une atmosphère très chargée et grosse d’incertitudes que le Français pro-Rda est victime d’une grave attaque d’infarctus. Evacuation médicale oblige, il quitte Bamako en juillet 1967 pour son pays natal. Il n’est plus revenu au Mali où, entretemps, ses amis politiques ont été, en fin de compte, destitués par le coup d’Etat militaire du 19 novembre 1968. Rétabli mais à défaut de rejoindre son “pays de cœur”, Pierre Campmas reprend le chemin des amphis de l’Université de Toulouse-Le Mirail. Il y mène des études en Histoire en consacrant tous ses travaux d’études et de recherche au parcours de l’Us-Rda : Mémoires de Licence (1972) et de Maîtrise (1975), Rapport de DEA (1977) et, suprême couronnement, une Thèse de Doctorat de 3ème cycle (Juin 1978). Une thèse bien notée par le Jury qui en a même souhaité son “édition rapide”. D’où le livre posthume “L’Union Soudanaise RDA. L’histoire d’un grand parti politique africain. Tome premier (1946 – 1960)”. L’ouvrage est publié en 1988, soit dix ans après la soutenance de ladite Thèse et six ans après la mort de son auteur. Une publication rendue possible grâce notamment au concours du Pr Sékéné Mody Cissoko, partageant à l’époque son savoir dans une université gabonaise.

Le natif toulousain atterrit alors en Côte d’Ivoire de Félix Houphouët Boigny

Mais, il faut nécessairement signaler qu’avant qu’il ne s’éteigne, Pierre Campmas nourrissait de plus en plus de la nostalgie du Mali. Muni de ses diplômes universitaires, il n’accepte guère de tourner le dos à l’Afrique qu’il a tant aimée. Il souhaitait avoir un poste au sein de la Coopération française pour servir toujours le continent africain. Prioritairement au Mali. Il n’y sera pas et, malgré des démarches, il ne parviendra pas à revoir “son Mali”, pour la simple raison que ses amis politiques de l’Us-Rda avaient perdu le pouvoir. Le natif toulousain atterrit alors en Côte d’Ivoire de Félix Houphouët Boigny, ce chantre du panafricanisme et grand leader charismatique du Rda. Et c’est dans la ville natale du chef de l’Etat ivoirien, Yamoussokro, que s’installe Pierre Campmas pour enseigner l’Histoire au Lycée de Garçons. Il y dispense des cours de 1978 jusqu’à sa mort le 27 janvier 1983.

Quelques semaines après, à Bamako, l’hebdomadaire sportif et culturel Podium (issu des flancs de L’Essor) publie un article d’hommage, intitulé ” Adieu, Pierre Campmas ! “. On peut y lire ces mots de reconnaissance : “La nouvelle de la mort de Pierre Campmas a bouleversé les nombreux amis qu’il compte au Mali. Ce Français de cœur a gagné la sympathie de bien de Soudanais dès les années 1956 […] Par une contribution digne d’un anticolonialiste militant, Pierre Campmas a facilité l’adaptation de notre journal [L’Essor, alors ronéotypé] aux exigences de notre pays, qui accéda à l’indépendance en 1960 avec un journal imprimé. Il a guidé les premiers pas de bien de journalistes de la presse écrite et de la Radiodiffusion Nationale du Mali dont il avait assuré la retransmission en direct des premiers reportages sportifs […]”. Repos éternel à nos pionniers disparus dont Pierre, le Malien !

La Rédaction



Il fut un Français psychologiquement Malien

L’Union Soudanaise Rda. L’histoire d’un grand parti politique africain. Tome premier (1946 – 1960)” est un ouvrage de référence sur le passé politique du Mali d’aujourd’hui, jadis appelé Soudan Français puis République Soudanaise. C’est la version éditée en 1988 de la Thèse de doctorat de 3ème cycle en Histoire soutenue, en juin 1978, à l’Université Toulouse-Le Mirail en France par Pierre Campmas. Cet ouvrage posthume a pu être réalisé grâce notamment à l’abnégation de deux éminents universitaires, deux historiens à la solide réputation : le Français Xavier Yacono (1912-1990) et le Malien Sékéné Mody Cissoko (1932-2012). Ils sont parvenus à bien exploiter et à mieux mettre à valeur le manuscrit que P. Campmas avait laissé au Professeur Sissoko aux fins d’édition sur recommandation du Jury de sa soutenance. L’ouvrage a mis presque une décennie pour paraitre à cause diverses raisons dont la disparition de l’auteur lui-même en janvier 1983.

Au-delà du sujet passionnant de l’étude, de l’objet complexe de la recherche scientifique et surtout du témoignage vivant de Pierre Campmas, l’ouvrage permet au lecteur de se faire une idée sur la personnalité fascinante et le parcours atypique de celui qui ” fut un des très rares Français qui s’étaient identifiés à la cause malienne “, comme l’a su bien souligné le Préfacier Xavier Yacono, l’un des grands spécialistes de la colonisation française en Afrique. Mieux, ajoute ce Français d’origine algérienne, Pierre Campmas fut “un Français psychologiquement devenu Malien”. Sans paternalisme ni condescendance, le Pr Yacono présente son ancien étudiant en peu de mots aimables : “On n’oublie pas certes pas la silhouette élancée et le visage émacié de Pierre Campmas. Ce n’était pas un étudiant comme les autres. Il avait commencé tardivement ses études supérieures, ce qui lui donnait une maturité d’esprit qu’on ne trouve pas chez les jeunes bacheliers et surtout des années d’expérience […] ” passées dans les rouages politico-médiatiques et footballistiques du Soudan puis du Mali, entre 1956 et 1967. (PP.7-8).

Une expérience bien saluée par l’Editeur de l’ouvrage, de surcroit un ancien militant du Rda, le Dahoméen (Béninois) Urbain Nicoué qui témoigne ainsi : “Vivement intéressé par l’évolution politique des pays africains en cette période de rapides mutations, Pierre Campmas vécut de l’intérieur la plus grande formation politique qu’était devenue l’US-RDA grâce à l’action intelligente, courageuse et efficace de ses dirigeants que l’auteur côtoyait quotidiennement […] Desservi par une sensibilité hors de pair, Pierre Campmas a pu acquérir une connaissance profonde des hommes et du peuple ”Soudanais” et une juste appréciation des situations générées par des événements, une approche objective des faits, dénuée de considérations doctrinales qu’aurait pu laisser augurer sa formation initiale, plutôt marxisante ” (4ème page de couverture).

Cette appréciation qualitative de l’homme est justement confirmée et sincèrement appuyé par le Pr Sékéné Mody Cissoko qui fut une des sommités universitaires qui a laissé entre Dakar et Libreville des traces d’éclaireur à la tête de l’Association des Historiens d’Afrique. Dans son Prologue signée avec une plume aussi narrative qu’analytique, le Pr Cissoko indique : “L’auteur, Pierre Campmas, n’est connu au Mali que d’un cercle restreint d’intimes. Il fait partie de ces quelques Français, progressistes, humanistes, missionnaires, chrétiens, qui en France et dans les colonies, choisirent de désavouer le système colonial et d’aider les Africains à s’émanciper du joug colonial”. En intellectuel honnête, notre regretté rigoureux historien reconnait : “nous n’avons connu Pierre Campmas que pendant les dernières années de sa vie [1980-1982 à Dakar]. C’était un homme volontairement effacé, réservé, qui n’aimait pas qu’on beaucoup parler de lui-même […] ” (PP.9-10).

Rien d’étonnant alors que ce journaliste humble, demandant peu pour donner beaucoup, puisse faire œuvre utile pour la presse de notre pays ! Une œuvre accomplie avec humilité et sobriété en compagnie d’autres pionniers du reportage sportif à la radio. On ne saurait faire cas du parcours atypique de Pierre Campmas dans la presse sportive malienne sans rendre un hommage bien mérité à tous, ces aînés Soudanais ou Maliens, dignes respectés devanciers acteurs de l’information, qui se sont dédiés au binôme Sports-Médias. Dans leurs styles propres, avec la plume ou le micro, ils ont fortement marqué de manière indélébile le journalisme sportif dans notre pays. Dans la presse écrite, nos pensées vont aux illustres pionniers : Feu Baladji Cissé, Ali Badara Kéïta, Soumana Sako (l’ancien Premier ministre), Gaoussou Drabo, Souleymane Drabo, Diaroukou Sangho, Mamadou Kouyaté ”Jagger”, Soumeylou Boubèye Maïga, Ousmane Maïga ”Pélé”, Mamadou Diarra, Feu Modibo Yacouba Traoré ”Zoba”, Feu Papa Moustapha Koïté et Malick Kanté.

Notre reconnaissance sans cesse renouvelée à l’égard de ces As du micro : Feu Tiécoura Konaté (qui fut d’ailleurs le 1er président de la FMT, l’actuelle Femafoot), Feu Sané Mady Diallo, Feu Cheick Tigui Coulibaly, Feu Fabala Diallo, Salif Diarra, Feu Koléssiro Cissé, Diomansy Bomboté, Feu Amadou ThiamSouleymane Doucouré, Feu Demba Coulibaly, Feu Pierre Diakité, Mamadou Kaloga, Boubacar Diallo, Feu Idrissa Dembélé, Feu Karim Doumbia et Papa Oumar Diop.

Toutes nos excuses anticipées pour d’éventuelles omissions dans notre citation de rappel. L’essentiel à retenir : ces pionniers ont, à divers degrés, contribué à la naissance et/ou à l’émergence d’une presse (sportive) professionnelle au Mali. Tous ont mérité de la patrie ! Tous méritent que la Nation leur soit reconnaissante !

Nos sources : -Campmas Pierre : ” L’Union Soudanaise RDA. Tome premier (1946 – 1960) L’histoire d’un grand parti politique africain “, Coll. La Recade, Communication Internationale, ACCT, Paris, 1988. -Konaté Sidiki N’Fa : “Les mutations communicationnelles au Mali : le cas de la presse & de la radio”, Thèse de Doctorat de 3ème cycle en Sciences et Techniques de l’Information et de la Communication, Université de Nice, 1983. – L’Essor du 26 juillet 1991.

– L’Evenement, N°05, Hors-série Cinquantenaire du Mali, Bamako, Décembre 2010. – Podium du 17 mars 1983. – Sidibe Ibrahima Baba : ”Les relations franco-maliennes à la recherche d’un nouveau souffle” in Gemdev et Université du Mali : “Mali – France. Regards sur une histoire partagée “, Editions Donniya (Bamako) – Karthala (Paris), 2005. – Tudesq André-Jean : “Journaux et radios en Afrique aux XIXème et XXeme siècle “, GRET, Paris, 1998.
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