Délivrance de chèques plusieurs mois après sa démission ; disparitions mystérieuses d’un véhicule 4×4 de service, d’une moto DT offerte par une ONG, d’ordinateurs, de forts soupçons de malversations pèsent sur le président sortant du Conseil de cercle de Tominian, Ange Marie DAKOUO ; élu député pour le compte de l’URD, à la faveur des législatives partielles des 4 et 26 décembre 2016.
Étant élu à l’Assemblée nationale, le président du Conseil de cercle ne pouvait plus continuer à exercer ses fonctions à la tête d’une Collectivité. En effet, la Loi N° 02-010/du 05 Mars 2002 portant loi organique fixant le nombre, les conditions d’éligibilité, le régime des inéligibilités et des incompatibilités, les conditions de remplacement des membres de l’Assemblée nationale en cas de vacance de siège, leurs indemnités et déterminant les conditions de la délégation de vote stipule en son article7 : ‘’le mandat de député est en outre incompatible avec les fonctions de membres du Gouvernement, de la Cour Constitutionnelle, de la Cour Suprême, du Haut Conseil des Collectivités ou de membre d’organes exécutifs des collectivités territoriales’’.
C’est donc conformément à la Loi que le désormais honorable Ange Marie DAKOUO, par une lettre en date du 25 janvier 2017, a présenté sa démission du poste de président du Conseil de cercle de Tominian au ministre de l’Administration territoriale, de la décentralisation et de la réforme de l’État.
Si cela est normal, ce qui intrigue par contre, c’est que 5 mois après sa démission de son poste, M. DAKOUO continue à délivrer des chèques au nom du Conseil de cercle dont il n’est plus le président. La preuve : les chèques N° 5169592 de la Banque malienne de solidarité (BMS), d’un montant de 5 532 850 FCFA, en date du 22/5/2017, à l’ordre de BENI PHARMA ; N° 5169591, d’un montant de 7 317 815 FCFA, en date du 22/5/2017 à l’ordre de la PPM Ségou, de la même banque. Il y a deux chèques délivrés le même jour, par la même personne qui n’a plus compétence.
L’on se demande alors par quelle tour de passe-passe, le nouveau député a pu avoir sur lui le chéquier du Conseil de cercle de Tominian, 5 mois après sa démission officielle.
Il est par ailleurs reproché à l’ancien président la disparition d’un véhicule 4×4 appartenant au Conseil de cercle dont il avait l’usage. Selon l’une de nos sources, ce véhicule a fait l’objet d’entretiens en 2009-2010 pour près d’un million de francs CFA. A-t-il été vendu par son utilisateur ? Le mystère reste entier.
Il ne s’agirait pas de la seule indélicatesse, puisque le président sortant est accusé d’avoir emporté environ 6 ordinateurs appartenant au Conseil de cercle de Tominian.
Son successeur, Douba MOUNKORO, a été élu le jeudi 20 juillet dernier sur fond de précipitation. En effet, a-t-on appris, la date du renouvellement du bureau du Conseil de cercle étant proche, le Gouverneur de la région de Ségou avait demandé que l’adjoint du nouvel élu à l’Assemblée nationale puisse assurer l’intérim. Ce qui n’aurait pas été du goût du président sortant qui aurait manœuvré pour que son remplaçant soit élu et surtout qu’il provienne des rangs de son Parti, à savoir l’Union pour la République et la Démocratie (URD). S’agit-il de couvrir ses arrières ? En tout cas, dans le cercle, les commentaires vont bon train sur cette élection qui est considérée comme un passage en force, même si la loi ne s’y opposait pas.
Interrogé sur les faits qui lui sont reprochés, Ange Marie tente de balayer d’un revers de la main : ‘’cette affaire de chèques est un faux problème’’. C’est le caractère altier de celui qui faisait la courbette devant le dernier venu qui reprend le dessus.
Le président de Conseil, qui a démissionné le 25 janvier admet qu’il, a signé des chèques le même mois pour, justifie-t-il, que le centre de santé n’ait pas des difficultés de fonctionnement. Il poursuit : ‘’ces chèques ont été contresignés en mai 2017 par le médecin-chef. Moi, je n’ai même pas vu la couleur de l’argent’’. Ce qui reste à vérifier lorsqu’on sait que les voies de la filouterie sont insondables.
À la question de savoir pourquoi un président de Conseil démissionnaire devrait-il signer un chèque, il répond : ‘’il y avait un vide. L’intérimaire était là de janvier à févier. Or la loi ne prévoit pas de prolongation de l’intérim. Et que dans tous les cas, ce n’est pas la première fois qu’il quitte les Collectivités pour l’Assemblée nationale’’.
Les réponses de l’honorable Ange Marie attestent qu’à Tominian, on se promène avec des chèques signés à l’avance et qu’il suffit de contresigner pour sortir les sous. Cela tranche nettement avec l’orthodoxie financière.
Les mêmes réponses suscitent un certain nombre d’interrogations. Est-il légal de faire un chèque antidaté après avoir été élu député à l’Assemblée nationale ? Le président intérimaire sortant n’avait-il pas plus de légitimité qu’un président qui a officiellement démissionné, d’autant plus qu’il avait l’onction du représentant de l’État au niveau régional ? Quelle est la responsabilité personnelle du président démissionnaire dans l’avènement du vide, lorsqu’on sait qu’il lui est reproché d’avoir manœuvré pour que sa succession soit assurée par un de ses proches ? Autant de questions qui laissent persister des zones d’ombre dans la manière dont les choses ont été conduites. Autant dire qu’Ange Marie s’est défendu, sans réellement convaincre, en raison de la frilosité de ses arguments.