La région de Mopti est devenue le centre névralgique de l’insécurité au Mali. Plus qu’au nord, la situation sécuritaire dans cette zone du pays est telle que l’Etat n’y exerce quasiment plus son autorité dans plus de la moitié de ce territoire, laissant le champ libre aux bandits, aux rebelles et surtout aux djihadistes de Hamadoun Kouffa d’appliquer leur loi et qui, depuis l’installation de l’état-major du G5 Sahel, accentuent la pression. Effet, l’on signale depuis quelques jours de fréquentes incursions de groupuscules armés qui se sont rendus maîtres de nombreuses localités. Aujourd’hui, une grande partie de la région est totalement ou partiellement occupée par des hommes armés. L’illustration la plus révoltante nous vient de Kouakourou, un village situé dans le cercle de Douentza. Face à cette situation, le pouvoir en place garde le silence. En réalité, cette désastreuse situation sécuritaire dans la région de Mopti traduit l’échec du président IBK qui, a une dizaine de mois de la fin de son mandat, ne peut que constater les dégâts au Nord et au centre du pays.
Cette localité est totalement occupée depuis des jours par une meute en armes. Selon des informations en provenance de Mopti, Kouakourou est actuellement coupé du reste du Mali. Et les populations sont terrées dans leurs domiciles. Elles n’ont plus le droit de franchir des limites fixées par les occupants. Et la localité est encerclée par ces groupes armés. Jusqu’ici aucune intervention des forces armées et de sécurité.
Ailleurs, de nombreuses attaques sont signalées. Aussi, de nombreux cas d’enlèvements de personnes soupçonnées ou accusées de collaboration avec l’administration.
En effet, la semaine dernière, le village de Sakaï (Kona) a été occupé. Après avoir fait irruption, des hommes armés, à motos, ont réuni tout le village sur la place publique pour « une journée de prêche ». A la tombée de la nuit, ils se sont retirés (tout bonnement).
Le lundi dernier, un véhicule de transport a été braqué entre Douentza et Boni. Les passagers ont été dépouillés de leurs biens. Fait grave : des passagères ont été violées par les assaillants. Le lendemain, mardi, c’est le village de Saré-Tina qui a été la cible d’un groupuscule de djihadistes. Le chef du village a été enlevé, puis relâché, après avoir reçu des menaces.
Un richissime éleveur du village de Kobi a connu le même sort.
Dans cette partie du Mali, la violence est montée crescendo atteignant les pires proportions. Il ne se passe pratiquement plus de jour sans qu’un chef religieux ou traditionnel, un élu local ou un citoyen ordinaire ne soit enlevé ou assassiné.
Attaques et braquages…
Faut-il le rappeler, 2017 a débuté de la pire des manières dans la région de Mopti. La preuve :
Le 2 janvier 2017: l’unité méhariste a repoussé des assaillants suite à des tirs ennemis contre le check-point entre Boni et Hombori, cercle de Douentza, région de Mopti.
Le 11 janvier 2017, une patrouille des Forces armées maliennes, chargée de sécuriser le tronçon Macina-Diafarabé, saute sur une mine dans la matinée, faisant 5 morts et 2 blessés.
Le 18 janvier 2017, c’est le drame: En début de soirée, Hamadoun Dicko, maire de Boni, est froidement assassiné par deux inconnus au moment où il se rendait dans sa famille après la mosquée. Quelques semaines plus tôt, un autre membre du conseil communal, Amadou Dicko, avait été enlevé dans la foulée d’un assaut contre la même contrée.
Le 22 janvier 2017: deux hommes armés ont pénétré dans la base d’une entreprise chinoise de travaux sur l’axe Macina-Ténenkou : 5 véhicules. Un acte commis par des groupes terroristes ou djihadistes qui sont contre tous les projets de développement dans la zone.
Le 24 janvier 2017, en fin de matinée, une explosion, suivie de tirs au passage du véhicule de tête de la mission d’escorte de convoi du GTIA Waraba à 20 km de Hombori, fait un mort et 2 blessés.
Le 29 janvier 2017, le chauffeur d’un mini car est tué à Boré, région de Mopti, par des bandits armés lors d’un braquage.
Dans la nuit du 30 janvier 2017vers 20h30, a eu lieu une attaque au poste de contrôle de la gendarmerie de Somadougou, situé à quelques 30 km de Sévaré sur la RN6, par des individus armés sur 3 motos. Les gendarmes ont riposté et fait dérouter les assaillants. Bilan : un civil blessé.
Le 2 février 2017, un gendarme et un civil sont tués dans l’attaque d’un poste de sécurité à Ténenkou, région de Mopti.
Le 5 février 2017, aux environs de 2 heures du matin, des gendarmes en patrouille sur le fleuve Niger, sont pris pour cible. Deux sont morts sous les balles de l’ennemi. Cette énième attaque s’est déroulée au poste de Tonkoronko et les patrouilleurs gendarmes, au nombre de 6 au moment des faits, venaient contrôler des mouvements suspects sur le fleuve. Surpris par des coups de feu, deux seraient morts sur le coup et un autre après.
Dans la nuit du 4 au 5 février 2017, des assaillants ont attaqué le poste de sécurité de l’armée malienne à Madina Coura, à quelques 5 km de Mopti. Bilan : 4 gendarmes ont été tués.
Ces deux dernières attaques sont intervenues le jour de l’arrivée à Bamako des chefs d’Etat du G5 Sahel pour essayer de savoir si « la situation sécuritaire au Mali a des répercussions dans la sous-région sahélienne ».
L’escalade de violence
La situation sécuritaire dans la région de Mopti est donc très précaire. Vingt mois après la signature de l’Accord pour la paix et la réconciliation au Mali, l’escalade de la violence continue de plus belle. La situation est telle que même des ministres en ont fait les frais, à l’image de Tiéman Hubert Coulibaly, ancien ministre de la défense et des anciens combattants. C’était suite à l’occupation, le vendredi 2 septembre 2016, par les djihadistes de la localité de Boni, située dans le centre du Mali, plus précisément à 90 km de Douentza. A leur arrivé dans la ville, les forces de sécurité malienne ont préféré se replier sur Douentza. Ainsi durant des heures, les terroristes ont installé leur quartier dans la localité, avant de l’évacuer. Une journée avant, dans la nuit du mercredi 31 aout au jeudi 1er septembre, un convoi de l’armée malienne avait été attaqué à une dizaine de kilomètres de Boni.
Selon un bilan dressé par l’armée malienne, 3 soldats ont perdu la vie et 2 autres ont été blessés, et d’autres sources indiquent la disparition de 7 soldats.
Le 1er septembre 2016, l’attaque du poste de gendarmerie de Bélénitiéni situé à 10 kilomètres au nord de San a fait des dégâts matériels importants. Face à l’ampleur de la situation, le samedi 3 septembre, les ministres de la Défense et de la Sécurité ont tenu une rencontre avec les gouverneurs au ministère de la Défense. Il a été décidé de « renforcer la présence de l’Administration y compris des FAMa partout sur le territoire national, en vue de soulager les populations éprouvées par la crise sécuritaire ». Mais, le même jour, au journal télévisé de 20 heures, le décret de limogeage du ministre de la Défense a été lu. Il est remplacé par Abdoulaye Idrissa Maïga.
La situation dans la région de Mopti est de nature à faire planer aujourd’hui la menace d’une rébellion armée, à l’image de la rébellion historique du nord qui braque tous les projecteurs sur notre pays, devenu la risée du monde entier. Tous les signes et signaux évidents qui ont servi de motif au déclenchement de la rébellion de Kidal se dessinent à Mopti, à savoir sous-développement, insécurité, délaissement et non protection par l’Etat, voire même absence de celui-ci. De plus en plus, des groupes et milices d’auto-défense, de groupuscules de règlements de comptes se créent à travers la 5è région. De même, se développe une haine accrue à l’égard des agents et symboles de l’Etat. Un Etat qui ne peut protéger les populations. Celles-ci se meurent, particulièrement les populations implantées dans les cercles de Ténenkou, Youwarou, Douentza, Bankass et Mopti. En longueur de journée, elles font l’objet d’exactions de toutes sortes : meurtres, assassinats, coups et blessures, enlèvements de bétails, vols d’engins et d’objets de valeurs de la part des rebelles, des djihadistes, de l’armée et autres bandits de grand chemin. Les autorités maliennes n’ont quasiment jamais réagi aux cris de détresse aux associations de la 5è région basées à Bamako.