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Pour les réfugiés maliens de Mauritanie, le retour est un mirage
Publié le jeudi 5 octobre 2017  |  AFP
Réfugiés
© Getty Images par DR
Réfugiés maliens dans le camp de réfugiés près de M`bere Bassiknou dans la région du sud-ouest de Nema
Le 2 mai 2012. Plus de 320.000 personnes ont fui leurs foyers au Mali depuis la mi-Janvier, plus de la moitié cherchent refuge dans les pays voisins
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Mbera (Mauritanie), 5 oct 2017 (AFP) - C'est un archipel de tentes
éparpillées sur une mer de sable roux. En plein désert mauritanien, les
réfugiés du Mali, toujours plus nombreux, ne veulent plus entendre parler de
retour, refroidis par les déboires de ceux qui ont tenté l'aventure.
Arrivé comme la plupart en 2012 au camp de Mbera, à environ 50 km de la
frontière, lorsque le nord du Mali était tombé aux mains des groupes
jihadistes, Mohamed Ousmane Ag al-Khalifa est un de ceux là.
Six mois après la signature en juin 2015 d'un accord de paix entre le
gouvernement malien et l'ex-rébellion à dominante touareg, il est rentré avec
sa famille dans la région de Tombouctou (nord-ouest).
"Depuis que nous nous avons été obligés de quitter notre pays, nous suivons
la situation de loin. On nous a dit que la paix avait été signée au plus haut
niveau", explique ce berger quinquagénaire au teint mat, de la tribu touareg
des Kel Tagamart, vêtu d'un turban noir et d'un boubou vert pâle.
"La semaine suivant notre retour, les incidents ont commencé", se
souvient-il, entouré par sa femme, leurs quatre enfants, sa cousine et les
trois enfants de cette dernière.
"Nous n'avions pas les moyens de retourner en Mauritanie et à chaque fois
nous espérions que cela allait s'arranger", poursuit Mohamed Ousmane Ag
al-Khalifa, évoquant le banditisme et les attaques contre les convois
militaires.
"Là où nous vivons, sur le fleuve Niger, entre Goundam et Tombouctou, il y
a régulièrement des tirs de lance-roquettes contre l'armée, très souvent des
nomades sont touchés avec leurs bêtes". La situation a fini par devenir
intenable. "Nous ne pouvions plus avoir confiance en personne", soupire-t-il.
"Je m'étais habitué à la tranquillité et au sentiment de liberté de la vie
dans le camp", qu'il a retrouvé avec sa famille depuis août.
"Les conditions du retour, c'est-à-dire une vraie paix, sont très loin
d'être réalisées", approuve son épouse, Aïchetou Walet Mohamed Ousmane, en
boubou turquoise à fleurs roses, qu'elle entrouvre parfois pour allaiter son
bébé.
"Nous nous disons souvent que les gens qui sont restés au camp ont eu
raison", soupire-t-elle. "Bien sûr, nous rêvons de rentrer chez nous, mais moi
j'ai déjà fait l'expérience".

- 5.000 arrivées en un an -

Les groupes jihadistes ont été en grande partie chassés du nord du Mali par
le lancement en 2013, à l'initiative de la France, d'une intervention
militaire internationale qui se poursuit actuellement, mais des zones entières
du pays échappent au contrôle des forces maliennes et étrangères.
Quelque 195.000 Maliens ont quitté leur domicile, 55.000 sont des personnes
déplacées à l'intérieur du pays, et environ 140.000 sont des réfugiés au
Burkina Faso, en Mauritanie et au Niger voisins, selon l'ONU.
Avec plus de 51.000 personnes actuellement - dont plus des deux tiers
appartiennent aux minorités touarègue et arabe -, Mbera, aux quartiers et
îlots délimités par des clôtures de bois sec, concentre le plus grand nombre
de réfugiés maliens.
En juin 2016, la Mauritanie, le Mali et le Haut-commissariat des Nations
unies pour les réfugiés (HCR) ont signé un accord pour le rapatriement
volontaire des habitants du camp.
Plus de 1.500 personnes en ont bénéficié l'année dernière, selon le
responsable du HCR à Mbera, Henri-Sylvain Yakara.
Parmi elles, Issa Ag Mohamedoun, retourné à Haribongo, au sud-est de
Tombouctou.
"En 2016, tout le monde parlait de retour, de la paix qui revient. J'ai
laissé tous mes biens et je suis parti", raconte cet homme aux traits tirés,
coiffé d'un turban blanc, à l'ombre d'une grande tente abritant sa famille de
cinq enfants, dont la plus jeune est née depuis leur retour au camp, il y a
deux mois.
Pendant près d'une année, il a vécu sous la menace des groupes armés et des
brigands.
"Des voleurs m'ont ligoté et m'ont tout pris", explique-t-il. "Peu après,
j'ai rassemblé le peu qui me restait et nous sommes repartis pour Mbera".
Depuis un an, non seulement le flux de retours s'est tari, atteignant
seulement quelques centaines de personnes en 2017, mais il s'est inversé,
souligne le HCR, avec une nouvelle vague d'arrivées depuis juillet.
"Depuis septembre 2016, nous avons reçu plus de 5.000 personnes en
provenance des régions de Tombouctou, Goundam, Mopti, et Nampala", (nord-ouest
et centre), précise Henri-Sylvain Yakara.
Cet afflux coïncide avec une réduction des rations alimentaires, pour cause
de ressources budgétaires déclinantes, avec pour conséquence "des problèmes de
malnutrition chez certains enfants", déplore-t-il.
Mais entre la faim et la peur au ventre, Issa Ag Mohamedoun a choisi.
"Même si on me donne 10 millions de dollars je ne retournerai pas au Mali",
assène-t-il, "la vie est plus précieuse".
sst/mrb/jh/jhd
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