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Chronique du web : L’urgence à agir contre l’immobilisme
Publié le lundi 9 octobre 2017  |  Infosept
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Sous nos latitudes, on devrait savoir rendre grâce au Seigneur et se satisfaire, par moments, de notre situation de pays les moins avancés, de pays très endettés, de pays, pour certains, en voie de sous-développement. Je suis volontairement provocateur mais, soyez-en rassurés, je ne cherche pas à dédouaner N’Tji, N’Golo ou M’Piè pour son manque de leadership et sa gouvernance calamiteuse. Je voudrais simplement dire qu’en nous privant, pour l’instant, des délices du développement – avec son corollaire de richesse et de consommation surabondante-, la nature nous épargne, pour la plupart d’entre nous, de certaines affres qui prospèrent ailleurs.

Même si nous commençons à être perméables à certaines de ces affres (mondialisation de la bêtise oblige), reconnaissons-le, les échelles ne sont pas comparables. Imagine-t-on un citoyen malien, burkinabè ou sénégalais s’armer lourdement pour massacrer gratuitement et avec jubilation les participants à un concert de Salif Kéita, Smokey ou Youssou N’Dour ? Même dans le contexte du terrorisme islamiste qui préoccupe le Mali et tout le Sahel depuis maintenant plusieurs années, la chose me paraît inimaginable, surréaliste et quasiment impossible pour mille raisons que je ne pourrais pas exposer dans ces colonnes. Le massacre dont s’est rendu coupable Stephen Craig Paddock le 1er octobre dernier à Las Vegas pendant un festival de musique country en plein-air, le Route 91 Harvest, échappe à tout entendement.

Que ce retraité aisé de 64 ans, sans histoire apparente mais accro aux jeux d'argent, ait pu louer une chambre d’hôtel au 32e étage de l'hôtel-casino Mandalay Bay Resort and Casino pour commettre un tel forfait, qu’il ait pu procéder à un repérage des lieux à la manière d’un tueur à gage ou d’un sniper des Marines sans attirer le moindre soupçon sur son projet criminel, qu’en outre il ait pu tirer méthodiquement pendant plusieurs minutes avec des fusils d'assaut sur une foule en liesse dont le seul tort a été d’exprimer sa joie de vivre,… et finalement qu’il se soit donné lâchement la mort…, me laisse sans voix. Chaque fois que j’y pense, j’ai la chair de poule. Mes nuits sont hantées et il me vient même à l’idée d’exiger des Nations-Unies de créer une Mission aux Etats-Unis dédiée à la protection des populations susceptibles d’être victimes de violence gratuite. Quelle idée farfelue ! Il faut être un grand malade pour simplement imaginer un tel scénario mais plus, haïr l’espèce humaine pour le réaliser.

Certes, l’Amérique reste encore une terra incognita et le territoire, par excellence, du gigantisme et de tout ce qui sort de l’ordinaire, mais faire un tel carton gratuitement et s’y être préparé avec la minutie d’un orfèvre, cela indique clairement que les lignes de l’horreur ont bougé. Que plus rien ne nous surprendrait de la part de ce pays que nous aimons tant et qui est le leader du monde de l’innovation, de la créativité et du rêve accessible. Y compris celui de réaliser ses fantasmes les plus lugubres, ses desseins les plus morbides, ses folies les plus meurtrières.

De là-haut, l’âme des 59 personnes massacrées, la souffrance des centaines de blessés (500 au moins) et de leur proche ainsi que le remords d’une société incapable de protéger les siens vont durablement accabler les dirigeants américains et tous ces illuminés de la NRA (la National Rifle Association), le puissant lobby des armes à feu, qui se croient revenus aux heures sombres de la guerre d’indépendance. Pourtant, et j’imagine que c’est aussi votre avis, il n’y a aucune fatalité en cette matière. Le pays et ses hommes peuvent se ressaisir en jouant sur les lois dont, j’en conviens avec vous, l’histoire renvoie à des épisodes obscurs de la vie mouvementée de ce grand pays. Des anonymes et des institutionnels font un excellent travail de l’ombre pour amener les américains à changer leur relation aux armes à feu dans le sens d’une législation plus rigoureuse.

Barack Obama, en son temps, s’était montré un chantre de ce courant mais s’est heurté à la muraille du Congrès majoritairement aux mains des Républicains favorables au statu quo ante. Ses larmes, le 05 janvier 2016 lorsqu’il évoquait le martyre des 20 enfants abattus par un déséquilibré à l'école de Sandy Hook en décembre 2012, n’y ont rien fait. Mais son émotion, réelle et sincère, fut un électrochoc qui continue d’interpeller malgré l’immobilisme du camp des conservateurs sur la question du contrôle des armes à feu.

Les oreilles des américains les moins égoïstes résonnent encore de ce cri de colère de Barack Obama : "A chaque fois que je pense à ces enfants, ça me met en colère". La colère seule ne suffira peut-être pas à faire déplacer la montagne de la NRA, mais elle indiquera sûrement le chemin de l’action. Barack Obama en était aussi convaincu : "Nous devons ressentir cette urgence absolue maintenant, car les gens meurent. Et les excuses constantes pour l'inaction ne marchent plus. Ne suffisent plus". Si l’on pose le postulat que chaque mort par balle est une mort évitable, alors il y a des chances que les américains se ressaisissent pour se protéger mieux contre leurs propres turpitudes. Ils y seront aidés par l’œil de Caïn.

Serge de MERIDIO
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