Depuis le 2 octobre dernier, plus aucun jour ne passe sans que des hommes, femmes et enfants kidalois ne sautent dans les rues de cette citée du Nord-Mali pour réclamer le départ des forces françaises de l’opération Barkhane. L’ampleur et le rythme qu’ont dernièrement donnés les manifestants à la fougue qui les anime dans leurs réclamations ont suscité des interrogations au point où nous sommes allés aux investigations. Le résultat est sans appel. Loin d’être un simple mouvement d’humeur des populations lassées du ‘’protectorat’’ français, ces manifs à répétition se révèlent l’expression d’une soif aigüe de vengeance.
À l’origine de cette soif, la mort de Cheick Ag Aoussa, survenue le samedi 8 octobre 2016. Celui qui était le numéro 2 et Chef d’état-major général du Haut Conseil pour l’Unité de l’Azawad (HCUA) et membre de la CMA, avait péri dans l’explosion de sa voiture au sortir d’une réunion de sécurité à laquelle il venait de participer avec les forces onusiennes dans les locaux du camp de la MINUSMA à Kidal. Les circonstances de cette mort demeurant incertaines jusqu’à ce jour, son camp qui avait dénoncé un «assassinat ciblé» a trouvé en cette perte une arrête restée au travers de la gorge. Il fallait, donc, venger la mort de cette figure emblématique pour l’ex-rébellion touarègue et, en particulier, pour les Ifoghas.
Nombreux sont ceux qui, à Kidal, sont épris de ce sentiment de règlement de compte à l’endroit des forces étrangères opérant dans la Région. Mais la personnalité qui fait aujourd’hui figure de tête de proue dans ce combat de vengeance n’est autre que la veuve de Cheick Aoussa. Les leaders de la CMA, visiblement condamnés à faire profil bas pour avoir officiellement cédé la gestion de leur fief aux forces étrangères, c’est la veuve Aoussa qui a pignon sur rue pour tirer les ficelles de toutes les manifestations dans la localité. Jouissant d’une immense fortune à elle, laissée par son mari défunt, elle compte profiter également de ses liens d’avec Iyad Ag Ghali pour assouvir sa soif, celle de dégager de Kidal, les soldats de l’armée française. Pas question chez elle de laisser passer un seul jour sans que la pression ne monte. Voilà pourquoi, pour ne pas faiblir d’ardeur, cette veuve cacique fait usage de toutes ses capacités de mobilisation en déboursant aussi bien qu’en sensibilisant dans les coulisses.
Et, selon nos informations, elle ne dispose pas que de ces tours dans son planning. Pour rapidement parvenir à ses fins, elle chercherait à se payer le renfort du mouvement citoyen ‘’ Trop c’est trop’’ qui n’a de cesse de se battre ici à Bamako pour la même cause, à savoir la lutte contre la présence des troupes françaises au Mali. Ce mouvement citoyen qui vient de séjourner à Kidal dans le cadre des préparatifs de la caravane de la paix et de l’unité qu’il entend organiser sous peu à travers tout le Mali, a eu droit à des yeux doux de la part de la veuve Aoussa.
Si l’on ignore pour l’heure le traitement que ‘’Trop c’est trop’’ réserve à cette main tendue de l’actuelle main cachée derrière les manifs quotidiennes de Kidal, l’on sait tout au moins que la cible est, certes, commune pour le combat que mènent les deux parties ; mais, cependant, leurs motivations divergent. À l’esprit revanchard qui anime l’actuelle Dame de fer du Nord tapie dans l’ombre à Kidal, s’oppose à l’idée d’un Mali libre et autonome qui caractérise le combat de la jeunesse ‘’Trop c’est trop’’. Et, pour qui sait que la jeunesse malienne, se réclamant de ce mouvement citoyen, a toujours responsabilisé l’ex-rébellion touarègue pour l’intervention française au Mali, il y a lieu de chercher à voir clair dans ce qui se passe actuellement à Kidal où les actes de manipulation des manifestations sont désormais mis à nue.