Encore aujourd’hui, bon nombre d’africains s’insurgent quant à l’assassinat du guide de la révolution libyenne, Mouammar Kadhafi. Son aura de panafricain brille toujours et certains le présentent même comme un martyr mort pour la défense de l’intérêt de l’Afrique. Et comme un symbole, une dizaine d’associations et de mouvements dont « le balai citoyen » du Burkina Faso et « y’en a marre » du Sénégal, a porté plainte à la Cour Pénale Internationale contre l’ancien président français, Nicolas Sarkozy. Ce regroupement réuni sous le nom de Front International de la Société Civile Panafricaine (FISPA) accuse Sarkozy d’être le principal instigateur de l’intervention militaire en Libye qui déboucha sur la mort du guide libyen. Il s’agit d’une plainte qui soulève de nombreuses interrogations…
Pourquoi Sarkozy seul ?
A titre de rappel, l’intervention militaire en Libye était la somme de plusieurs volontés émanant d’Etats dont la France, la Grande-Bretagne, les USA et le Qatar. Sarkozy n’était pas le seul qui voulait en découdre avec le régime en place, puisqu’il était accompagné de Blair et d’Obama, entre autres.
Alors, pourquoi une plainte contre Sarkozy seul ? Ce dernier jouit d’une mauvaise presse en Afrique. Son discours condescendant à Dakar sur l’homme africain et son attitude en faveur des indépendantistes de la rébellion touareg au Mali sont restés en travers de la gorge, en plus de nombreux autres prises de position, comme celle de la lutte contre l’immigration irrégulière. Rappelons également que Kadhafi ne put compter sur la solidarité de ses « frères africains » qui n’ont pu montrer leur désaccord quant à l’intervention militaire en Libye en 2011. Intervention militaire qui, faut-il le rappeler, a été autorisée par la résolution 1973 de l'ONU adopté à dix voix sur quinze par le Conseil de Sécurité. Si les « frères africains » du Guide n’ont pu placer mot, que dire alors de ses « frères arabes » qui sont encore allés plus loin en participant activement à l’opération militaire. Des pays arabes comme le Qatar et les Emirats Arabes Unis ont pris part à cette intervention militaire.
Une plainte symbolique ?
Sur le plan juridique, la plainte du FISPA n’a aucune valeur. Selon le statut de Rome qui régit le fonctionnement de la CPI, seules trois modalités de saisine sont possibles : le conseil de sécurité de l’ONU, un Etat parti au statut et le procureur. Toute autre démarche est nulle.
La démarche du FISPA est-elle empreinte de démagogie ?
Le FISPA veut «défendre l'Afrique, la démocratie, la dignité et les droits de l'homme». Mais, alors que sur le continent, les périls et conflits ont pignon sur rue, pourquoi entreprendre une telle action qui a très peu de chances d’aboutir et qui prend pied sur des évènements qui datent de plus de six ans. Ce Front pourrait dénoncer, par exemple, le jeu trouble de la France au Mali qui refuse de prend entièrement le parti d’un Etat souverain contre des rebelles irrédentistes ou encore l’exploitation très peu équitable des mines d’uranium du Niger par Areva. Les périls ne manquent pas sur le continent et ce n’est pas en rétropédalant que l’on va les résoudre. Certes, l’intervention militaire en Libye a déstabilisé au-delà du pays lui-même, une bonne partie du Sahel. Mais plutôt que de fustiger et porter des accusations, chercher des solutions est une piste bien plus viable.
Pour une bonne défense des intérêts de l’Afrique, il est nécessaire de prendre en compte les différentes pesanteurs en œuvre sur le plan international en dépassionnant le plus possible la problématique de la prise en charge du continent par les africains eux-mêmes. Et si, pour que l’Afrique atteigne l’émergence, il faut une Révolution, elle doit avoir lieu surtout sur le continent, dans les mentalités et l’état d’âme. Car il ne sert à rien de dénoncer les mauvaises pratiques des occidentaux en Afrique, si nous leur donnons la latitude de le faire, en permettant à nos dirigeants d’être des fortunés à la tête de pays où la misère règne.