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Yambo Ouologuem, « un autre passant considérable », est mort
Publié le dimanche 15 octobre 2017  |  sahelien.com
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Yambo Ouologuem est mort hier, samedi 14 octobre, à l’hôpital Sominé-Dolo de Sevaré, des suites d’une courte maladie, à l’âge de 77 ans. Celui qui aura marqué la littérature africaine d’une empreinte indélébile est donc parti « pour ce village qui n’a pas de chemin de retour », pour reprendre René Maran dans Batouala. Arthur de Rimbaud disait de Mallarmé qu’il était « un passant considérable ». Aimé a dit aussi de Damas qu’il était « un passant considérable ». Yambo Ouologuem en est un.

Yambo Ouologuem a été le premier romancier africain à recevoir le prestigieux prix Renaudot (1968) pour son premier roman Le devoir de violence. Et cela, pour reprendre Adam Thiam, à une époque où « les Noirs étaient plus accompagnés vers les bouches d’égout que les marches de podium ». Il s’agit, comme l’auront remarqué les rares personnes qui l’ont lu sur le continent, d’un roman iconoclaste, qui prend le contre-pied du discours qui visait alors à donner de l’Afrique une image idyllique, rose, bucolique. Que dit Ouloguem ? Il dénonce le rôle que les Noirs eux-mêmes ont joué dans l’esclavage. Il s’agit d’une sorte de tours d’horizon de l’histoire de l’Afrique, traversée par la violence, le cannibalisme, le viol, l’esclavage. Une société où règne la loi du plus fort.

Une œuvre dont la lecture, outre qu’elle donne froid dans le dos, nous appelle à nous poser beaucoup de questions sur nous-mêmes et sur l’évolution actuelle du monde. En 1968, il n’a pas été compris et a payé l’audace d’avoir été « coupable » d’un roman aussi « gênant ». Une accusation de plagiat a été portée contre lui et a ruiné une carrière littéraire aussi prometteuse. Une « liquidation littéraire », disons-le clairement.

Dans son pamphlet Lettre à la France nègre, il écrit (P. 12):

« Certes, il peut sembler suspect qu’un Nègre se dresse contre les Nègres, de même qu’il serait incompréhensible qu’un Juif dénonce la juiverie… Mais tout autre est mon propos.

J’estime en effet que les Nègres ont jusqu’ici vécu en esclaves, dans la mesure même où ils se définissaient toujours (non par rapport à eux-mêmes) mais d’abord et avant tout par rapport au Blanc. D’où : singerie et racisme à rebours, idéologies suspectes susurrées sur la soie de la peau noire… A tel point que la France finit toujours par devenir pour les Nègres un alibi. Et cet alibi-là dispense de penser les vrais problèmes de l’Afrique, et de la France.

A l’heure où l’on s’apitoie sur le Biafra, on oublie qu’il y a, aussi, le Vietnam, lequel, depuis plus de vingt ans, n’est autre que le Biafra des jaunes…

C’est dire qu’il n’y a pas, à proprement parler, de « problème noir », mais seulement des problèmes humains, que l’homme noir, par la dérision de sa condition, colorie.

Du jour où les Nègres accepteront de s’entendre dire des vérités désagréables, ils auront alors commencé à s’éveiller au monde ».

Après la réédition aux Editions Le Serpent à plumes, en 2003, du devoir de violence, retiré de la vente en 1968 par Le Seuil, ainsi que de Lettre à la France nègre, a suivi celle des Mille et une Bible du sexe, chez Vent d’ailleurs, dans la collection pulsations dirigée par Jean-Pierre Orban. Publié en 1969 sous le pseudonyme d’Utto Rudolf aux Editions Dauphin, ce livre marque la volonté de Yambo Ouologuem d’écrire dans un genre typiquement européen. La réédition des œuvres de Ouloguem était, aux yeux de beaucoup, une façon de lui rendre hommage ou justice. Car Yambo Ouologuem n’a pas eu la reconnaissance qu’il méritait. Aucune avenue, aucune rue, aucun boulevard, aucune université ou faculté ne porte son nom. Ce qui montre encore une fois à quel point le leadership tue dans un pays. Or, c’est le seul moyen de faire connaître celui dont nos étudiants ignorent tout aujourd’hui. Celui dont on parle peu et qui reste inconnu à beaucoup de personnes dans la jeune génération. D’ailleurs, le Prix Yambo Yambo Ouloguem, qui était décerné à chaque rentrée littéraire, a changé de nom pour devenir le prix Baba Ahmed.

Mais il y a une vieille vérité qui dit que les idées ont la vie dure, et c’est pourquoi on parle encore plus de Platon, Socrate, Marx, Engels, Benjamin Franklin que du dernier but de Messi ou de Ronaldo. Les idées de Yambo Ouologuem resteront et continueront d’éclairer. Ses talents littéraires, qui continuent de fasciner, ne seront jamais démentis.
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