La situation hydrologique de notre pays, cette année, connait de grosses difficultés. Elle se caractérise par un déficit hydrique sévère et le niveau de la retenue du barrage de Sélingué se situe à 3 mètres en dessous de la normale.
Aujourd’hui, une dure réalité se présente pour notre pays : le spectre de la sécheresse qui semble s’installer. En effet, l’hivernage a pris une autre tournure que prévue, avec l’installation tardive des pluies et l’arrêt précoce des précipitations. Conséquence : c’est le fleuve Niger et le niveau de retenue d’eau du Sankarani qui en font les frais, suivies de restrictions d’eau, malgré la nécessité d’irriguer pour les producteurs des zones des offices riz de Ségou et de Mopti, l’Office du moyen Bani et même dans une partie de l’office du Niger en pleine campagne agricole et où l’inquiétude s’est installée.
Face à cette situation, le département en charge de l’Energie et de l’Eau œuvre en faveur d’une stratégie de gestion rationnelle des réserves d’eau d’ici le prochain hivernage. La visite, vendredi dernier, du ministre Malick Alhousseini au barrage hydroélectrique de Sélingué et sa rencontre avec la commission de gestion intégrée des ressources en eau du Niger supérieur illustrent à suffisance l’urgence de la situation.
Situé à 140 kilomètres de Bamako, le barrage hydroélectrique de Sélingué est bâti sur le Sankarani, un des affluents du fleuve Niger. Il est composé de 4 turbines d’une capacité de 44 mégawatts à raison de 11 mégawatts chacune. Long de 2200 m sur 23 mètres de haut, le barrage est fonctionnel depuis 1981. Il joue un rôle fondamental aussi bien en fourniture d’électricité sur le réseau interconnecté en liaison avec Manantali que dans le système agricole de notre pays. Sa retenue d’eau en amont du barrage forme un lac d’environ 25 km2 et constitue la plus grande réserve d’eau du pays qui assure son fonctionnement en toute saison grâce à l’accumulation des eaux de pluies.
Seuil critique. Le ministre a pu constater la situation réelle de la retenue d’eau, des déversements ainsi que l’état de fonctionnement des turbines de la centrale. Selon le directeur général adjoint d’Energie du Mali, Ladio Sogoba, cette situation de pénurie d’eau est inquiétante : « C’est une campagne difficile qui s’annonce pour EDM et pour tous les utilisateurs du fleuve Niger. Jusqu’au 12 octobre, la retenue n’avait pas encore atteint son niveau de remplissage requis. Pour la première fois, nous enregistrons un déficit de plus de 3 mètres plus bas depuis 1984. Aujourd’hui, la production d’électricité est limitée mais le plus urgent pour nous c’est de sauvegarder la réserve d’eau disponible et de la gérer au mieux d’ici le prochain hivernage », a expliqué le technicien. Concernant la situation énergétique, il a indiqué qu’à ce jour, toutes les machines fonctionnent à des rythmes différents, mais marchent.
Tout en reconnaissant que la situation est assez critique, le directeur national de l’hydraulique, Yaya Boubacar soulignera que l’heure est à la réflexion et à la conception de scénarii pour adapter les besoins de consommation en eau à la quantité disponible à ce jour. En outre, il a déploré une baisse très précoce du niveau du fleuve qui peine à sortir de son lit mineur. Les seuils qui contrôlent l’alimentation des principaux lacs n’ont pas été atteints et note l’assèchement rapide du fleuve. Ce déficit se situe déjà à 3 mètres plus bas et la décrue évolue à un rythme de 10cm par jour, a t-il précisé.
Campagne agricole compromise. Par ailleurs, le niveau actuel de l’eau rend plus aléatoires toutes les irrigations des périmètres agricoles, d’où la réunion extraordinaire de la commission de gestion intégrée des ressources en eau de Sélingué et de Markala.
« Face à la situation, la commission a décidé de stopper les lâchers d’eau pour permettre d’épargner le seuil sanitaire d’eau disponible. Les services de l’agriculture et les offices, eux, doivent prendre des dispositions pour qu’il n’y ait pas de culture de contre-saison cette année. Idem pour les expansions d’aménagements agricoles. Il faut noter que le lâcher d’eau est décidé en fonction des apports pluviométriques », a t-il ajouté.
Le directeur de l’Office riz Ségou Salif Sangaré, a, de son côté, lancé l’alerte en disant que plus de 8 milles hectares en submersion contrôlée, sont déjà cultivés et n’attendaient que des lâchers. Il s’agit particulièrement des casiers de Tamani, Famana, Somo, Dougoufé, Ngara et Konodimini, mais aussi du grand casier Farako qui fait plus de 6.600 hectares, avec seulement 40 % de superficie récoltable. Tous ses périmètres déjà semés sont irrigués exclusivement par la crue du fleuve. Salif Sangaré a exprimé toute son inquiétude face à la décision de la commission. « Nous comprenons le caractère critique de la situation, mais c’est la survie des milliers de producteurs de nos zones qui est menacé », a lancé, très effaré, le directeur de l’office riz.
Quant au ministre, tout en reconnaissant le caractère délicat de la situation, il a préféré aller à l’apaisement en soulignant que l’année 2017 est une année exceptionnellement sèche. Toutefois, il a tenu à rassurer la population des dispositions déjà prises pour satisfaire les besoins des usagers conformément aux quantités d’eau disponibles. Le département de l’Energie et de l’Eau, en synergie avec d’autres départements sectoriels, développera un plan d’action dans les semaines à venir pour faire face à cette situation, a-t-il laisser entendre.
Doussou DJIRé