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Décès de Yambo Ouloguem : Devoir de reconnaissance à un écrivain GénialL soumis au silence
Publié le mardi 17 octobre 2017  |  L’Essor
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L’écrivain s’était retiré à Bandiagara pour mener une vie paisible. Il est décédé le samedi d14 octobre à l’hôpital Sominé Dolo de Sévaré – Mopti. Selon de nombreux témoignages, l’homme de lettres était confiné, ces derniers temps, à la maison et consacrait ses loisirs à l’écriture. Il était devenu peu loquace même les quelques rares visiteurs qu’il recevait n’arrivaient pas à lui tirer des commentaires sur l’Occident encore moins sur l’écriture.
Il naquît le 22 août 1940 à Bandiagara. Il écrit « Le Devoir de violence » en 1968, une œuvre qui a été accueillie positivement par la critique avant que l’auteur ne soit accusé de plagiat. La polémique l’oblige au mutisme. Il rentre au Mali à la fin des années 70 alors que le monde anglo-saxon s’intéresse à son œuvre. Jusqu’en 1984, il était directeur d’un Centre culturel près de Mopti qui éditait des manuels scolaires.
Le très célèbre roman ‘’Le Devoir de violence’’ a permis de Yambo Ouologuem de jouer un rôle important dans l’émergence d’une littérature de qualité, explique Mamadou Bani Diallo, Professeur de littérature comparée et directeur du Centre national de la lecture publique. Il a apporté un véritable renouveau aussi bien sur le plan esthétique que thématique à l’écriture africaine en général et au roman en particulier. Sur le plan thématique, poursuit notre interlocuteur, le roman de Yambo apporte un regard critique sur l’Afrique, contrairement à l’idéologie dominante à l’époque qui voulait tout peindre en bien. Yambo Ouloguem a voulu démonter qu’ autant ce n’était pas juste de dire que tout allait bien en Afrique, autant ce n’était pas vrai de dire que tout était négatif.
« L’Afrique s’éveillera le jour où elle acceptera des vérités désagréables», expliquait l’auteur lui-même. « Devoir de violence » a une allure de provocation voire d’iconoclaste. De ce fait, le livre a suscité des réactions violentes de la part des Africains comme Léopold Sédar Senghor du Sénégal. Ce qu’on lui reproche, c’est une forme de déviation par rapport à la beauté et à la civilisation africaines. En fait, ce roman raconte l’histoire d’un empire africain fictif qui a existé entre 1202 et 1945. Le règne des Saïfs, seigneurs féodaux, est caractérisé par la violence, l’exploitation des africains et la domination. Il dépeint la participation africaine au colonialisme à travers des chefs locaux qui vendaient leurs sujets aux marchands arabes et occidentaux. Pour le romancier, l’Afrique n’a pas attendu la colonisation pour connaître la violence.
Dans la forme, Yambo Ouologuem s’inspire des chroniqueurs arabes, des traditionnalistes africains. Un clin d’œil et une sorte de parodie de l’islam et du christianisme. C’est comme une façon de désacraliser les religions révélées. Certains l’accusent de faire des emprunts, qu’il n’a d’ailleurs jamais caché, raconte le Pr Diallo. Il s’agit bien d’une technique d’écriture qui consiste à reprendre des parties de texte d’autres auteurs mais de les retravailler et les reconstruire tout en les parodiant. C’est pourquoi, on l’accuse de plagiat. Pourtant avant lui, d’autres auteurs ont utilisé ce procédé dans l’écriture comme Graham Greene ou André Schwartz-Bart. Même Gustave Flaubert dans son roman « Le Dernier des Justes » utilisera ce procédé pour faire des parodies. C’est là où l’on découvre le génie et le talent de Yambo Ouloguem. Sa technique d’écriture apportait un changement particulier dans la littérature africaine.
Pour le Pr Mamadou Bani Diallo, aujourd’hui la critique littéraire lui a rendu justice. Pour cela, il n’y a aucun problème affirme le Pr Diallo. La critique a donc fait la lumière sur cette situation, on retient donc de lui l’écrivain qui a refondé le roman africain. Il publie « Lettre à la France nègre en 1969 », une satire. Dans cette série, il explique aux jeunes auteurs comment produire des romans à la chaine avec cette technique.
Yambo Ouologuem est le fils unique d’un propriétaire terrien et inspecteur d’académie à Bandiagara. Il fait ses études secondaires à Bamako avant de continuer en France, notamment au lycée Henri-IV où il se rend en 1960. Il apprendra de nombreuses langues africaines ainsi que le Français, l’Anglais et l’Espagnol.
Il obtiendra ensuite une licence es lettres puis en philosophie avant de décrocher un diplôme d’études supérieures d’Anglais. De 1964 à 1966, il enseignait au lycée de Charenton (Val-de-Marne), en banlieue parisienne, tandis qu’il finissait son doctorat en sociologie à l’École normale supérieure.
Yambo Ouloguem a publié en 1969 une encyclopédie pornographique, parue sous le pseudonyme d’Utto Rodolph, ‘’Les Mille et une bibles du sexe’’.
Cette œuvre jamais rééditée raconte les aventures sexuelles de quatre Français dans leur pays et en Afrique. « Le Devoir de violence » a été réédité par Le Serpent à plumes. D’après un journaliste du Temps, dont le texte est repris sur le site de la Maison Payot, l’auteur serait devenu marabout. Christopher Wise, qui a réédité en anglais Le Devoir de violence, a rencontré l’auteur et s’était entretenu avec lui. Chaque année lors de la rentrée littéraire du Mali, le prix Yambo Ouologuem récompense une œuvre écrite en Français.
Youssouf DOUMBIA
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