Jusqu’au 25 février 2018, la Fondation Cartier propose une rétrospective de l’œuvre de celui que l’on surnommait «L’œil de Bamako», Malick Sidibé. Parmi les 250 clichés exposés, datés de 1960 à 1980, de nombreux tirages sont inédits. Le photographe a su avec ses images capter l’effervescence d’une jeunesse malienne joyeuse, d’une génération en pleine révolution, avide de liberté.
Depuis l’indépendance du pays, le 22 septembre 1960, les jeunes ont soif de plaisirs. Ils se retrouvent au Club des As, au Club Saint-Germain-des-Prés, aux Beatles ou aux Caïds… La rumba, le twist, le rock and roll et les rythmes afro-cubains accompagnent ces fêtes toute la nuit. Le hula hoop et le cha-cha-cha envahissent les pistes de danse. Ces modes venues d’Europe et de Cuba font fureur dans cette époque pleine d’espoir.
Des photos comme Fans de James Brown ou Je suis fou des disques! sont aujourd’hui rentrées dans la légende. Et pour Time Magazine, Nuit de Noël, (tirée d’une fête au Happy Boys Club à Missira, près de l’hippodrome de Bamako) fait partie des «100 photographies les plus influentes de l’Histoire».
«Malick était la garantie d’une soirée réussie. (…) Il inspirait confiance, trop sincère pour "voler’"des images. Il signalait son arrivée par un coup de flash. "Malick est là!"La fête pouvait commencer. Immédiatement c’était l’ambiance, il donnait de la joie. Son plaisir, c’était leur plaisir. Malick portait un regard objectif et généreux, sans écart entre les élégants, les séducteurs, les amoureux qui s’exhibaient, et lui qui cherchait les belles poses. Il se transportait en eux pour donner les images les plus vraies», raconte André Magnin Commissaire général de l’exposition qui a bien connu le photographe.
L’exposition nous fait aussi découvrir sa série de photos prises sur les rives du fleuve Niger, où les adolescents aimaient se retrouver le dimanche. Et aussi les célèbres portraits que Malick Sidibé réalisait dans son studio dans le quartier de Bagadadji, à Bamako.
Il raconte: «Devant mon studio, c’était toujours très animé! J’avais disposé une grande enseigne, Studio Malick, de deux mètres sur un. C’était le seul endroit illuminé du dehors (…). J’étais le seul jeune reporter de Bamako à faire des photos dans les surprises-parties. Les jeunes de Bamako se regroupaient en clubs. Ils empruntaient leurs noms à leurs idoles - les Spoutniks, les Chats Sauvages, les Beatles, les Chaussettes Noires - ou au journal Cinémonde, qui venait de France (…). J’aimais la photographie en mouvement. Pendant les soirées, les jeunes influencés par la musique sont excités, déchaînés, comme en transe, ils se sentent bien dans leur peau. Quand je les regardais gesticuler avec tant de ferveur, je me disais: "Danser, c’est bon, dans la vie, il faut s’amuser, après la mort c’est fini!"»
Malick Sidibé, est mort le 14 avril 2016 à Bamako, à l’âge de 80 ans.