PolitiqueModibo Koné candidat à l’élection présidentielle 2018 : « Au regard de la situation qui prévaut dans mon pays depuis quelques années, je souhaite me rendre disponible »
Modibo Koné, plus connu par le commun des Maliens à travers son bref passage à la tête de la CMDT, est par ailleurs un cadre malien, plutôt bien connu dans la sphère des grands projets structurants de la sous région, financés par la BOAD.
Le chapeau de la première partie de l’interview qu’il a accordée à Financial Afrik est assez édifiant sur le parcours de l’homme, qui au cours des 20 dernières années, a piloté « des projets de grande envergure comme l’échangeur Multiple à Bamako, l’autoroute Bamako-Koulikoro, l’échangeur et les voiries de Ségou, le financement du développement de la chaine des hôtels Azalai, le projet du grand contournement de la ville de Lomé, l’aménagement des périmètres agricoles à Molodo, Bewani et Ké-Macina, le projet en Partenariat Public Privé du Pont Henri Konan Bédié, l’échangeur du boulevard Giscard d’Estaing à Abidjan, l’autoroute Dakar-Diamnadjo, le nouvel Aéroport international Blaise Diagne de Dakar ». Mais Modibo Koné va écourter sa mission, quitter définitivement la BOAD et rentrer au Mali.
Est-ce pour être candidat à l’élection présidentielle de 2018 ? « Au regard de la situation qui prévaut dans mon pays depuis quelques années, je souhaite écourter ma mission pour me rendre disponible… », explique-t-il. Se présentant comme un « soldat du développement », il expose sa vision sur les réformes nécessaires à la transformation de l’Afrique, et particulièrement son pays, le Mali.
Bourse au Japon
« Ma conviction de toujours a été que le Mali, à l’instar de plusieurs pays africains, est immensément riche de ses terres arables et de son sous-sol minier. Toute la question a été de savoir comment transformer ce potentiel immense en perspectives pérennes pour les milliers de jeunes qui n’ont d’autres choix que l’immigration clandestine souvent au péril de leur vie ». C’est ainsi que l’ancien PDG de la Compagnie Malienne pour le Développement du Textile (CMDT), Modibo Koné, dans cette interview accordée à Financial Afrik, aborde la question de la transformation agricole au Mali. Ajoutant que le paradoxe malien n’est pas une fatalité, Modibo Koné se dit animé de cette conviction qui l’avait amené à mettre l’accent sur « la modernisation de la transformation de notre coton en recherchant des financements auprès de bailleurs de fonds sous-régionaux comme la Banque Ouest Africaine de Développement (BOAD) ».
Selon lui, l’idée était d’abord de réhabiliter l’outil d’égrenage au niveau de Sikasso, Koutiala et d’autres sites. En tout, 5 usines ont été remises à neuf. A cela, s’ajoutait la construction de 3 usines dont l’une financée par la BOAD. L’investissement envisagé concernait toute la chaîne de valeur. Jusque-là, le Mali s’était limité à la transformation du coton grain à la fibre et en d’autres produits comme l’aliment bétail (ce dernier volet est laissé aux privés maliens), a indiqué Modibo Koné.
Comment Modibo Koné est il parvenu à obtenir le financement ? « J’ai tout de suite échangé avec des industriels du coton européens et asiatiques, le but étant de financer l’acquisition de nouvelles usines et de réadapter les anciennes afin d’accroître nos capacités d’égrenage. J’avais au cœur de ma stratégie la transformation locale du coton malien pour permettre de créer plus de richesses et plus d’emplois dans le pays. Ma conviction est qu’il est temps d’aller plus loin dans la valorisation de la matière première.
De la première transformation, nous devons passer à la deuxième transformation, c’est-à-dire au passage de la fibre à la filature. C’est passer en fait à ce qui constitue le socle même du tissu industriel ». L’impact est important car un kilo de fibres transformé en filature devrait valoir dix fois plus, ajoute Modibo Koné. Les recettes que le Mali tirait de l’activité devraient donc augmenter de dix fois grâce au développement de l’industrie textile en aval. L’effet d’entrainement du coton malien, réputé de qualité supérieure en raison du climat sec du pays, devrait favoriser la naissance d’unités industrielles textiles (jean, tee-shirt, serviettes, etc) spécialisées et compétitives.
Concrètement, l’idée était de créer de la valeur ajoutée par rapport à la production locale, en mettant en place 4 filatures au départ. Chaque filature devait créer au moins 4 000 emplois directs et améliorer ainsi les recettes d’exportation en faisant jouer divers dispositifs et conventions dont l’AGOA. « Nous avions mobilisé à peu près 150 milliards de FCFA auprès d’Eximbank Chine et environ 25 milliards auprès de la BOAD. Pour résumer, je dirais que cet investissement devait créer plus de 150 000 emplois directs et impacter tout le pays », a indiqué Modibo Koné.
L’agriculture en Afrique étant plutôt une affaire familiale, et qui s’exerce sur de petites superficies, comment peut-on promouvoir la transformation dans ce cadre ? Modibo Koné explique : l’agriculture en Afrique est principalement familiale. Cependant, il est bon de noter que cette agriculture est la plus représentée dans le monde, car elle concerne 2,6 milliards de personnes, soit près de 40% de la population mondiale au sein de 500 millions d’exploitations agricoles. L’agriculture familiale constitue le premier fournisseur de biens alimentaires ; elle est donc une source de revenus importante pour de nombreuses populations.
Nous savons que la transformation optimise les revenus, donc permet une nette amélioration du niveau de vie des populations. Mettre en place des unités de transformation au sein des exploitations familiales peut s’avérer coûteux. La solution réside dans le regroupement des exploitants au sein de filières ou de regroupements d’intérêt et dans la mutualisation des équipements de transformation. Par ailleurs, la recherche de financement est plus aisée lorsque l’on est regroupé.
Modibo Koné va-t-il quitter définitivement la BOAD pour être candidat à l’élection présidentielle de 2018 ? Cela n’est plus qu’un secret de Polichinelle, au regard de sa réponse. « J’ai passé ces 25 dernières années au service de la sous-région, au sein d’une des plus grandes institutions de financement du développement en Afrique. Le temps de la retraite est proche, mais au regard de la situation qui prévaut dans mon pays depuis quelques années, je souhaite écourter ma mission pour me rendre disponible. Vous savez, l’amour pour son pays est au-delà de certaines considérations, pour moi le temps de rentrer est arrivé.
Une fois à Bamako dans quelques semaines, les Maliennes et les Maliens décideront à quel niveau ils souhaitent que je puisse aider. Pour ce qui me concerne, je ne souhaite pas voir mon pays sombrer, pris dans l’étau des divisions, du terrorisme, de la situation désastreuse d’une jeunesse au chômage, des conflits ethniques, d’une économie complètement atone qui accroit la pauvreté. Nous pouvons réussir notre développement en nous appuyant sur notre avantage comparatif, qui est l’agriculture, ces hectares non aménagés qu’il faut cultiver pour une transformation économique et sociale qui reste, malgré tout, à la portée du Mali ».