Début mars, l’armée tchadienne annonçait avoir tué Mokhtar Belmokhtar dans des combats à l’extrême-nord du Mali. Mort pour les uns, vivant pour les autres : plus d’un mois après son décès supposé, le sort du chef jihadiste est encore très flou.
Dans la soirée du samedi 2 mars, le général Zacharia Gobongue, porte-parole de l’état-major de l’armée tchadienne, prend la parole sur le plateau de la télévision nationale. « Les forces tchadiennes au Mali ont détruit totalement la principale base des jihadistes dans le massif de l’Adrar des Ifoghas, plus précisément dans la vallée d’Ametetai. Plusieurs terroristes ont été tués, dont le chef Mokhtar Belmokhtar, dit « Le Borgne » ».
Quelques jours plus tard, c’est au tour d’Idriss Déby Itno en personne d’affirmer que Mokhtar Belmokhtar et Abou Zeid - autre chef terroriste sahélien annoncé mort par plusieurs médias – ont bien été tués par ses forces au Mali. Le président tchadien ajoute que leurs dépouilles n’ont pas été exposées « par respect pour les principes de l’islam ». À Paris, Alger, et Bamako, c’est le silence radio. Personne n’infirme ou confirme l’information. Il faudra attendre le 23 mars pour que la présidence françaiseannonce à son tour la mort d’Abou Zeid, à travers un court communiqué. Concernant Mokhtar Belmokhtar, toujours rien.
Dimanche 15 avril, lors de l’émission Internationales (TV5 Monde/RFI/Le Monde), Idriss Déby réaffirme que « Mister Marlboro » est bel et bien mort, précisant qu’il s’était suicidé lors des combats. « Nous avons les preuves qu’il est mort, mais nous n’avons pas pu filmer car il s’est fait exploser. Nous n’avons pas voulu diffuser de telles images. Mais nous savons que les prisonniers faits sur place l’ont identifié. »
Réfugié en Libye ?
Pourtant, plusieurs autres sources continuent de démentir le décès de Mokhtar Belmokhtar. Pour les autorités algériennes, l’auteur de la sanglante attaque lancée fin janvier contre le complexe gazier d’In Amenas, dans le sud-est de l’Algérie, est toujours vivant. « Nous avons la certitude qu’il n’a pas été abattu et qu’il se trouve quelque part en Libye », confie ainsi à Jeune Afrique un haut responsable algérien.
Dès le début du mois de mars, un jihadiste anonyme d’Al-Qaïda au Maghreb islamique (Aqmi) déclarait au site mauritanien Sahara media, généralement bien renseigné sur les questions de terrorisme, que le chef jihadiste n’était pas mort « pour la simple raison qu’il se trouve dans la région de Gao où il mène les combats contre l’ennemi ». Un mois plus tard, début avril, un autre combattant islamiste indiquait à son tour que Belmokhtar était en vie.
D’après plusieurs spécialistes, le célèbre terroriste aurait pu trouver refuge en Libye, où il dispose de solides réseaux de soutien. Fin 2011, Mokhtar Belmokhtar s’est rendu dans la province du Fezzan, où il a acheté de nombreuses armes sorties des arsenaux de Mouammar Kaddafi. Pendant plusieurs semaines, il résidera discrètement dans le domaine agricole d’un ami, près d’Oubari, dans le sud-ouest du pays. En 2012, « Le Borgne » aurait par ailleurs été photographié en territoire libyen par un satellite américain. C’est d’ailleurs depuis la Libye que le commando jihadiste ayant mené l’attaque d’In Amenas s’était infiltré en Algérie.
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Benjamin Roger