Engagé dans un processus de relance du tourisme depuis 2016, le ministre en charge du secteur, Nina Wallet Intallou, nous a accordé une interview pour dévoiler les axes de sa politique de relance du tourisme après la crise multidimensionnelle
L’Essor : Mme le ministre, vos actions suscitent beaucoup d’espoir. Peut-on connaître les axes de relance et de développement du secteur artisanal et touristique qui avait été littéralement assommé par la crise sécuritaire, dans notre pays ?
Mme Nina Wallet Intallou: Je remercie l’Essor pour l’intérêt qu’il accorde à mon département et tiens à gratifier les autorités pour l’appui et l’accompagnement constants dans la mise en œuvre de notre Politique nationale de promotion du secteur de l’artisanat et du tourisme.
Par rapport à la relance de ce secteur, quand je suis arrivée à la tête de ce département, le secteur était dans des difficultés réelles car la crise avait anéanti les efforts. Les touristes ne se bousculaient plus aux portillons et les guides se tournaient les pouces car la plupart des établissements hôteliers avaient fermé leurs portes. Il fallait trouver une alternative pour faire face à cette situation, d’où le développement du tourisme local et le tourisme d’affaires. Il a aussi fallu initier des événementiels pour inciter la population locale à s’investir dans la relance du tourisme local ou national. Ainsi, nous avons la Journée mondiale du tourisme à Woroni dans la Région de Sikasso, à Sangha et Djenné dans la Région de Mopti et enfin le SIAMA à Bamako.
Nous avons initié plusieurs événementiels dans les régions pour soutenir les acteurs de l’artisanat et du tourisme. Ces actions sont venues à un moment où les artisans et autres acteurs touristiques avaient perdu espoir de relance du tourisme dans les zones touristiques. L’organisation de ces activités se justifie par l’apport du secteur qui utilise plus de 46 % de la population active avec une rentrée annuelle de plus de 30 milliards de Fcfa par an (2014-2015)
L’Essor : Depuis 2011, notre pays est inscrit sur la liste rouge dans les aéroports internationaux comme une destination touristique à éviter. N’est-ce pas là un sentiment d’appréhension qui vous anime sur la question ?
NWI : Je pense qu’il ne faut pas lier le tourisme au terrorisme. Le terrorisme est international et il existe, aujourd’hui, partout dans le monde. Plusieurs pays subissent le terrorisme mais ils ne sont pas inscrits dans la zone rouge. On peut citer à titre d’exemples la Syrie, l’Irak et d’autres pays. Pourtant ces destinations ne sont pas mentionnées sur la liste des pays à éviter malgré une forte poussée de terrorisme.
Ce qui est aberrant, même Bamako notre capitale est sur la zone rouge. Certes l’insécurité existe mais elle ne doit pas créer un sentiment de xénophobie chez nous et conduire à stigmatiser les étrangers.
Le secrétaire général de l’Organisation mondiale du tourisme (OMT), Taleb Rifai a souligné dans les médias, que le tourisme ne doit pas être collé au terrorisme. Nous sommes en train de faire des plaidoyers auprès des chancelleries pour qu’elles retirent au moins Bamako de la zone rouge. A ce propos, j’ai invité plusieurs ambassades à aller à Djenné pour montrer au monde que c’est encore possible de visiter les merveilles de notre pays.
L’Essor : Mme le ministre, vous avez organisé les journées du tourisme durable à Sangha pour relancer le tourisme dans le « pays dogon ». Quel dividende avez-vous tiré de cette initiative ?
NWI : C’était extraordinaire de visiter Sangha. Je n’avais jamais visité cette merveille et l’organisation des Journées du tourisme durable dans le pays dogon m’a permis de découvrir Sangha et ses sites. Les dividendes sont pertinents parce que plusieurs hôtels qui avaient fermé boutique depuis plus de 5 ans ont rouvert leurs portes avec beaucoup d’espoir. La grande satisfaction demeure la renaissance de l’espoir. Ces journées ont donné de l’espoir aux acteurs mais aussi à la population de croire que le tourisme n’est pas mort et qu’il est encore possible d’aller à Banani, Sangha, voire au-delà. Les Journées du tourisme durable ont aussi été l’occasion pour les artisans et acteurs touristiques de renouveler leurs carnets de visite.
La particularité de l’activité de Shanga était de montrer que les autorités pouvaient encore aller au pays dogon. Il s’agissait aussi de montrer que l’insécurité n’est pas propre à cette localité et elle ne doit pas freiner des actions qui ont été minutieusement construites pendant des siècles par des hommes engagés pour le développement de leur nation.
Au-delà de la satisfaction morale, nous avons soutenu des femmes artisanes, des associations de guides et la mairie de Sangha, mais surtout planter plus de 500 pieds d’arbres pour réduire le phénomène de désertification qui avance à grand pas.
L’Essor : Beaucoup de nos sites touristiques, notamment dans le Mandé et le Wassoulou restent encore peu connus des touristes. Avez-vous des stratégies pour inciter les touristes à voir ces sites, chargés aussi d’histoire et de symboles ?
NWI : Pour moi, notre pays regorge de sites touristiques car chaque localité a son histoire et ses merveilles. Il nous appartient à nous, Maliens de connaître l’histoire de nos contrées et de mieux vendre nos sites touristes. Nous avons beaucoup de perspectives pour la relance du tourisme, après le SIAMA, prévu en novembre, nous allons créer des ceintures autour de la capitale pour permettre aux nationaux de bien visiter les alentours de Bamako. Ce projet vise la promotion de l’artisanat et du tourisme mais aussi à inciter nos compatriotes à mieux connaitre notre pays. Il y a des choses à voir à Kangaba, Kita, Ouléssébougou, Sélingué et dans le Djitoumou… Nous allons développer le tourisme de proximité en organisant des activités artisanales et touristiques tout en sensibilisant la population à mieux connaitre notre culture.
Nous allons également établir un partenariat avec les collectivités territoriales pour bien structurer les événements que nous allons organiser dans les alentours de la capitale. Déjà, les plus hautes autorités accordent une importance capitale à ce que nous faisons, malgré notre budget de moins de 1% du budget national.
L’Essor : Quel message délivrez-vous à nos compatriotes, notamment les cadres pour qu’ils s’inscrivent dans une vision globale de promotion du tourisme local ?
NWI : Encore j’invite les grandes chancelleries à revoir leur copie afin de retirer notre capitale de la zone rouge et nos compatriotes et partenaires à nous rejoindre pour promouvoir l’un des secteurs pourvoyeurs d’emplois et de renforcement de l’économie. Enfin j’exhorte tout le monde, qu’il soit cadre, officiel, jeune ou femme à se donner le temps de découvrir notre pays dans sa diversité touristique. C’est dans cette diversité que nous allons vivre dans la paix, la cohésion sociale et dans la solidarité. Vive le Mali.
Propos recueillis
Par Amadou SOW