C’est au-delà de 23 heures dans la nuit du mardi au mercredi dernier que les deux parties, syndicat et gouvernement, ont constaté l’échec des négociations. D’où la grève du SYNTADE en cours. Il ne pouvait en être autrement au regard des défectuosités dans le texte de loi créant et régissant l’Office Central de Lutte contre l’Enrichissement Illicite (OCLCEI). Et le saviez-vous ? Une des conditionnalités du vote de ladite loi par l’Assemblée Nationale a été le non-assujettissement des députés au texte en question quand bien même ils bénéficient d’un financement public. Ils ne sont pas les seuls. Il ne s’agit, non plus, de la seule fausse note.
Il s’agit de la Loi N° 2014-015 du 27 mai 2014 portant création de l’Office Central de Lutte Contre l’Enrichissement Illicite (OCLEI). Elle est remise en cause à cause de son caractère jugé discriminatoire et stigmatisant car frappant uniquement les services financiers, d’assiette ou de recouvrement.
En réaction, cette catégorie de fonctionnaires, à travers des correspondances adressées aux Ministres de l’Economie et des Finances, de l’Urbanisme et des Affaires Foncières et à celui du Commerce, demande l’abrogation pure et simple de ladite loi dans toutes ses dispositions. Aussi, le SYNTADE a adressé une lettre circulaire de désapprobation à tous les Secrétaires généraux des Sections syndicales, des Divisions et des Comités Syndicaux du SYNTADE quant à l’application des dispositions de ladite loi.
A première vue, l’on dira que le SYNTADE se dresse ainsi contre une mesure d’assainissement de la vie sociopolitique et administrative ! Peut-être bien ! Il s’avère plutôt que c’est la loi elle-même qui est bancale et discriminatoire parce que ne concernant que les seuls services de recouvrement. Ce qui constitue une stigmatisation ! Et pourtant, elle (la Loi N° 2014-015) est censée frappée toute structure publique et parapublique bénéficiant d’un financement public, c’est-à-dire de l’Etat.
Il nous revient malheureusement que les députés ont conditionné le vote de ladite loi à l’Hémicycle par leur retrait pur et simple de la liste des personnes physiques et morales assujetties. Et c’est à cette condition que le projet de loi a été voté. En somme, les députés ne sont pas concernés. Idem les maires et autres élus locaux et/ou nationaux bénéficiant pourtant du financement public.
Par ailleurs, inviter les agents et cadres concernés à déclarer leurs biens et les voisins à les dénoncer au besoin, est contraire à nos valeurs sociétales et peut s’avérer source de graves conflits sociaux. A titre illustratif : un fonctionnaire est bien susceptible de bénéficier d’un héritage familial. Et puisque la notion de testament écrit et même verbal est quasi inexistante dans nos sociétés, il sera très difficile, voire impossible pour ce fonctionnaire d’Etat de justifier éventuellement sa fortune.
Il y a mieux ou pis ! Dans les zones d’immigration par excellence, les familles reçoivent des richesses émanant souvent des pays d’accueil du père, du fils ou du frère dont le départ a été préalablement financé par la structure familiale toute entière. Mais les biens durement acquis sont enregistrés et convoyés sur place au nom d’une personne selon son statut ou sa fonction sociale laquelle se charge de la gestion. Il s’agit en somme d’un bien commun mais géré par un seul individu susceptible d’être un fonctionnaire d’Etat voire un cadre de l’administration des recettes fiscales. Demander à ce dernier de justifier de tels biens, c’est ouvrir une boite à Pandore pour qui sait les conditions et circonstances dans lesquelles les biens en question sont d’abord acquis à l’extérieur puis expédiés au pays par nos compatriotes expatriés ou immigrés.
Aussi, comme l’a souligné le secrétaire général de l’UNTM, «cette loi veut dire, en clair, que les collègues de service, les voisins du quartier, les amis, les frères dans les familles et mêmes les époux devraient maintenant se méfier les uns des autres. Car, n’importe quel fonctionnaire, soupçonné par l’Office à la suite de la dénonciation d’un citoyen, pourrait accuser un collègue de service, un parent ou ami avec lequel il a des rapports difficiles ou mêmes conflictuels».
Autrement dit, une épouse mécontente peut menacer voire dénoncer seulement en vue d’empêcher son mari polygame d’épouser une seconde femme. Idem pour une coépouse ménagère en vue de nuire à sa rivale de fonctionnaire dans le même foyer ; un(e) ex-époux ou épouse vis-à-vis de l’autre. Quand bien même les dénonciations voire les délations soient ou non vérifiées, le mal serait fait dans la mesure où une procédure serait d’ores et déjà engagée contre le «suspect».
Enfin, il y a bien lieu de s’interroger sur la nécessité de la création d’une telle entité (OCLEI). Et pour cause, il existe déjà des structures similaires dont les rapports dorment encore et toujours dans tiroirs. Il s’agit entre autres du Contrôle Général d’Etat, du Bureau du Vérificateur général, de la Cellule d’Appui aux Structures de Contrôle de l’Administration (CASCA), du Pôle Economique… N’aurait-il été judicieux d’exploiter au préalable les rapports parfois très accablants de ces structures et combattre l’impunité dont s’enorgueillissent d’ailleurs les délinquants financiers ?
La loi portant création de l’OCLEI, en tout état de cause, semble être taillée sur mesure et n’est donc pas impersonnelle. Toute chose qui la rend discriminatoire, immorale, périlleuse voire anticonstitutionnelle. Ce sont certainement les raisons pour lesquelles le mouvement de grève du SYNTADE a été largement suivi.
B.S. Diarra