En 2016, quelque 53 tonnes d’or ont été extraites des entrailles du Mali. Mais bien peu, parmi les 17 millions d’habitants de ce grand pays ouest-africain, ressentent dans leur quotidien le fait que leur pays est le troisième exportateur africain de l’or.
En dépit de son exploitation industrielle, le métal jaune peine à générer suffisamment d’emplois pour absorber un chômage endémique qui pousse des milliers de jeunes à opter pour l’immigration clandestine.
Seule l’Agriculture est à même de créer suffisamment d’emplois au Mali, explique Modibo Koné, expert du développement, qui a participé à la structuration et au financement de plusieurs infrastructures (troisième pont d’Abidjan, l’échangeur multiple à Bamako) dans la sous région.
Dans son entretien exclusif accordé à Financial Afrik, le banquier déroule son raisonnement en prenant le cas spécifique du coton malien, l’un des plus cotés dans le monde. Problème, explique celui qui a dirigé la Compagnie Malienne de Développement des Textiles (CMDT), e Mali s’était jusque-là limité à la transformation du coton grain à la fibre et en d’autres produits comme l’aliment de bétail (ce dernier volet est laissé aux privés maliens).
Le pays stagne sur la première transformation, celle de la graine en fibre. Il fallait d’abord réhabiliter l’outil d’égrenage et augmenter la capacité à ce niveau. L’investissement envisagé concernait toute la chaîne de valeur. “En tout, 5 usines ont été remises à neuf. A cela, s’ajoutait la construction de 3 usines dont l’une financée par la BOAD“, détaille M. Koné.
Convaincu qu’il faut valoriser la matière première, Modibo Koné détaille l’impact financier et social du passage de la fibre à la filature: “C’est passer en fait vers ce qui constitue le socle même du tissu industriel. L’impact est important car un kilo de fibres transformé en filature devrait valoir dix fois plus. Les recettes que le Mali tirait de l’activité devraient donc augmenter de dix fois grâce au développement de l’industrie textile en aval”.
En clair, l’effet d’entrainement du coton malien, réputé de qualité supérieure en raison du climat sec du pays, devrait favoriser la naissance d’unités industrielles textiles (jean, tee-shirt, serviettes, etc) spécialisées et compétitives . Concrètement, l’idée était de créer de la valeur ajoutée par rapport à la production locale, en mettant en place 4 filatures au départ. Chaque filature devait créer au moins 4 000 emplois directs et améliorer ainsi les recettes d’exportation en faisant jouer divers dispositifs et conventions dont l’AGOA.
Mais comment financer de tels investissements? Le banquier y avait pensé: “Nous avions mobilisé à peu près 150 milliards de FCFA auprès d’Eximbank Chine et environ 25 milliards auprès de la BOAD. Pour résumer, je dirais que cet investissement devait créer plus de 150 000 emplois directs et impacter tout le pays”. Cette vision stratégique qui devait sortir le pays du coton de sa longue stagnation n’a pas eu les soutiens politiques nécessaires. Au final, l’inertie l’a emporté sur l’audace.
En tirant la CMDT de sa torpeur, M. Koné espérait réhabiliter en fait un territoire de 134.518 km² couvrant 3.153 villages. Ce sont 4.026.000 habitants, 235 communes, 171.000 exploitations et 6.846 organisations paysannes qui devaient ainsi multiplier leurs recettes par dix puis par 100. “Moi, je me suis battu pour rechercher des partenaires, moderniser les outils de transformation et sortir le cotonculteur malien de la pauvreté. Seuls ces enjeux ont été au coeur de ma gouvernance”.
Au sortir de cette expérience enrichissante, le banquier Modibo Koné est encore plus engagé que jamais sur les vertus de l’Agriculture, élément moteur de la transformation des pays africains, majoritairement dépendants de la terre. Le cas du Mali illustre en quelque sorte la stagnation d’un processus de transformation économique et sociale qui a commencé pourtant tôt.