Les élections du 17 décembre sont attendues pour donner le signal d’un nouveau départ dans les régions, où les collectivités sont dirigées par des conseillers en place depuis 2009 et dans lesquels les populations semblent ne plus se reconnaître. Il faut mettre fin à leur « mandat blanc ».
Au Mali, les scrutins locaux, régionaux et communaux partiels sont prévus pour le 17 décembre, selon les décrets de convocation du collège électoral adoptés, le 5 octobre dernier, en Conseil des ministres. Avant le 1er novembre, à minuit, les partis politiques et les groupements de partis doivent déposer leurs listes de candidature.
Ces trois types de scrutin interviennent alors que le gouvernement a décidé de prolonger l’état d’urgence, à partir de ce mardi 31 octobre, pour renforcer les pouvoirs des forces de sécurité. Instauré en novembre 2015, à la suite de l’attentat contre l’hôtel Radisson, l’état d’urgence a été prorogé à plusieurs reprises. Ce qui sert de baromètre à l’état d’insécurité actuel dans lequel le Mali se trouve, du fait notamment des attaques terroristes.
En novembre 2016, en raison de l’insécurité, les élections communales n’avaient pu se tenir dans certaines communes du Centre et du Nord. En tout, il s’agit de 59 communes, où se tiendront le 17 décembre des élections communales partielles pour remplacer des conseillers municipaux dont les mandats sont échus en 2014.
Dans les régions, les collectivités sont gérées par des conseillers en place depuis 2009
Mais, ce sont l’élection des conseillers de cercle et celle des conseillers régionaux qui mobilisent les attentions et les énergies. Parce qu’elles sont « les plus importantes pour les populations », indique Aboubacar Maïga, candidat à la présidence du Conseil régional de Tombouctou au sein d’une coalition de partis politiques. Dans les régions, les collectivités sont gérées par des conseillers en place depuis 2009. « Ce qui pose le problème de leur légitimité de leur représentativité. Beaucoup de choses ont changé sur le plan sécuritaire, économique et politique. Il faut un renouvellement pour intégrer ces dimensions », explique-t-il. Pour ce journaliste, basé à Gao, la cité des Askia et qui a requis l’anonymat, « aujourd’hui, les populations ne sont plus représentées. Ce qui fait qu’il y a une crise de confiance entre les collectivités et les partenaires traditionnels au développement ».
Ces élections de proximité ne pourront se tenir dans les régions de Ménaka et Taoudéni, qui viennent d’être rendues opérationnelles. Au ministère de l’Administration territoriale, on explique qu’elles entrent « dans le cadre d’un approfondissement de la décentralisation comme le prévoit l’Accord. Elles seront cruciales pour doter les collectivités d’élus légitimes. Le mandat de ceux qui sont encore là est expiré. Il ne faut pas laisser leur mandat blanc se proroger ». « Ceux qui sont aujourd’hui en place n’ont pas la légitimité ni la légalité. Les populations ne se reconnaissent pas en eux », ajoute Aziza Mint Mohamed, député élue à Tombouctou.
Au nord, depuis avril, les autorités intérimaires ont été installées dans les cinq régions pour restaurer l’Etat et préparer les élections. L’élection des présidents de l’Assemblée régionale devra sonner le glas de leur mission. Pour les ex-rebelles de la Coordination des mouvements de l’Azawad (CMA), la plupart d’entre elles tardent à être opérationnelles. « L’organisation des élections dans ces conditions est une façon de les défenestrer », estime Ilad Ag Mahmoud, porte-parole de la CMA, joint par Sahelien.com. Un avis que ne partage M. Salaha, blogueur à Tombouctou, qui indique que depuis son installation, le président de l’autorité intérimaire de Tombouctou « se bat sur plusieurs fronts, notamment celui de la réconciliation, en multipliant les rencontres avec les populations. »
« Le contexte est très volatile et tout reste possible. Dans ces conditions-là, il est difficile d’envisager des élections au Nord, cela est incontestable », met en garde cette habitante de Tombouctou, qui pointe l’insécurité sévissant dans les villages, les campements au point que « les partenaires au développement comme l’Agence française de développement, la coopération suisse ont arrêté leurs activités. »
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Il reste que les problèmes liés à ces scrutins ne sont pas que d’ordre sécuritaire, si l’on en croit la Coordination des mouvements de l’Azawad (CMA, ex-rebelles indépendantistes), qui s’est fendue d’un communiqué, le 28 octobre, pour demander le report. « Dans la mise en œuvre de certaines dispositions politico-institutionnelles de l’Accord, le gouvernement évolue de façon unilatérale », affirme Ilad Ag Mahmoud, porte-parole de la CMA. Une « attitude unilatérale » qu’a dénoncée aussi, de son côté, le 23 octobre l’opposition politique qui dit avoir exprimé des préalables à toutes discussions sur les élections.
Ilad Ag Mahmoud explique qu’aucune mesure n’est prise pour le retour des réfugiés et déplacés internes. Ils étaient 143 103 réfugiés et 498 170 déplacés internes à la fin juin 2017, selon les chiffres Haut-conseil des réfugiés (HCR). Une autre pomme de discorde : le nouveau code des collectivités territoriales, dont la promulgation par le président Keïta, le 2 octobre dernier, a été dénoncé par la CMA et la Plateforme des mouvements du 14 juin 2014, qui crient « à une violation flagrante de l’Accord ». Pour la CMA, « l’Accord dans son article 6 donne aux régions le plein pouvoir de s’auto-administrer, en faisant du président de l’Assemblée régionale le chef de l’exécutif régional et de l’administration. Par conséquent, le gouverneur joue un rôle à posteriori de légalité ». Cette disposition, estime Moussa Mara, ancien Premier ministre et président du parti Yelema (Par ailleurs candidat à la mairie du district de Bamako), « est battue en brèche » par la nouvelle loi portant code des collectivités.