Nommé à la tête de la Commission Dialogue et Réconciliation au Mali, Mohamed Salia Sokona, énarque de 65 ans, devra faire preuve de tact et de flegme dans un pays où les tensions communautaires sont à vif.
« Le président voulait un homme neuf, éloigné des chapelles politiques », explique un proche conseiller de Dioncounda Traoré. Cet homme « neuf », c’est Mohamed Salia Sokona, 65 ans, administrateur civil à la retraite. Le 29 mars, il a été nommé à la tête de la toute nouvelle Commission Dialogue et Réconciliation. Exit donc Tiébilé Dramé, le président du Parti pour la renaissance nationale (Parena), et Ousmane Issoufi Maïga, un ex-Premier ministre, qui avaient été pressentis, et dont les partisans manoeuvraient dans l’ombre.
Affable, courtois, sachant arrondir les angles... Les qualificatifs les plus flatteurs se succèdent lorsque l’on évoque à Bamako le nom de Sokona. Est-il pour autant l’homme de la situation ? Ancien ministre de la Défense d’Ibrahim Boubacar Keïta (1997 à 2000), il a aussi été ambassadeur du Mali au Burkina (2000 à 2003), puis en France (2003 à 2010). Mais ce que l’on préfère mettre en avant, dans l’entourage du chef de l’État, c’est son expérience de fonctionnaire : de 1975 à 1994, Sokona a été sous-préfet et préfet dans la région de Koulikoro, puis secrétaire général du ministère de l’Administration territoriale, après une incursion au ministère des Affaires étrangères en tant que délégué aux Maliens de l’extérieur. « Il a sillonné tout le pays, poursuit un conseiller de Traoré. S’il y a quelqu’un qui connaît les problèmes de chaque région, c’est bien lui. »
Loin de calmer l’opinion, la création d’une Commission Dialogue et Réconciliation et la nomination de l’énarque Sokona ont suscité une nouvelle polémique dans un pays où partis politiques et organisations de la société civile ont souvent nié les tensions communautaires. « Réconcilier qui et comment ? » s’interroge-t-on à la Coalition des organisations patriotiques du Mali [Copam]. « Cette commission est là pour tranquilliser la communauté internationale et remettre en selle ceux qui ont sabordé le pays. Et que fait-on de la justice, renchérit Malick Alhousseini, président du Collectif des ressortissants du Nord (Coren). Il est impossible de se réconcilier si les criminels, quels qu’ils soient, ne sont pas contraints de rendre des comptes. Le gouvernement veut décréter le pardon. Mais la paix et la réconciliation, cela se conquiert. »
"Racisme"
« Ma mission est délicate, reconnaît Sokona. Mais je n’ai pas l’intention d’échouer. » Première étape : le 10 avril, il a choisi les trente commissaires qui composeront la commission. Mais déjà l’un de ses vice-présidents, Méty Ag Mohamed Rissa, a fait parler de lui. Ce Touareg originaire de la région de Kidal, retraité des douanes, est accusé - à tort - d’être proche des indépendantistes du Mouvement national de libération de l’Azawad (MNLA). Il est en revanche bel et bien un proche du leader d’Ansar Eddine, Iyad Ag Ghali, aux côtés duquel il a combattu lors de la rébellion de 1990. Pour ne rien arranger, il a fustigé en février, dans une interview accordée au site d’information français Rue89, le « racisme terrible » des Noirs envers les « peaux claires ». Des déclarations qui ont resurgi ces derniers jours, le mettant en porte-à-faux avec ses nouvelles fonctions. Contacté par Jeune Afrique, il a refusé de se justifier. « J’ai déjà dit à ce journaliste ma façon de penser, explique-t-il, manifestement embarrassé. Mais je ne veux pas en reparler. Cela ne ferait qu’accroître la polémique. »
La mission de la commission s’annonce difficile. Outre les associations, ONG et partis politiques qui veulent être représentés, il faudra faire le tri dans les centaines de dossiers de plaignants qui affluent au palais de Koulouba.
17/04/2013 à 15h:04 Par Malika Groga-Bada