La force conjointe soutenue par la France dans le Sahel a lancé officiellement sa première mission. Mais elle doit surmonter de nombreux obstacles pour être réellement opérationnelle.
Que sait-on de cette opération militaire dans le Sahel ?
La France et trois de ses cinq partenaires du G5 Sahel (Mali, Niger et Burkina Faso) ont lancé officiellement, la semaine dernière, une opération militaire commune aux confins de ces trois pays. Ni le Tchad ni la Mauritanie ne sont associés à la mission, baptisée « Hawbi », qui consiste surtout à monter des patrouilles dans des zones désertées par les États pour manifester auprès des populations et des djihadistes un retour de l’ordre. Créé en décembre 2014 sous l’auspice de la France pour engager les pays de la région à assurer leur propre sécurité, le G5 Sahel a été relancé en février 2017 et officiellement installé en juillet dernier.
Est-ce une première ?
Si « Hawbi » est, formellement, la première opération conjointe montée depuis juillet par le G5 Sahel, elle prend, en réalité, la suite de celles menées dans le Sahel depuis janvier 2013, date du début de l’intervention française au Mali (opération Serval – avec les Tchadiens en première ligne et des Maliens). L’idée d’associer les pays africains dans la lutte antiterroriste n’est pas nouvelle. Sa mise en œuvre, non plus. Les Français ont piloté environ une vingtaine d’opérations de ce type (nommées alors « opérations militaires conjointes transfrontalières », OMCT).
Le G5 Sahel est-il viable ?
Financièrement, ce n’est pas certain. Son budget de fonctionnement, estimé à 423 millions d’euros, n’est toujours pas bouclé malgré la mobilisation de la France. Pour l’heure, les cinq États membres ont promis de fournir 10 millions d’euros chacun, l’UE 50 millions et la France 8 millions : soit un total de 108 millions d’euros. Les États-Unis se sont engagés, le 30 octobre, à apporter 60 millions de dollars à cette force. Une première : Washington et le Royaume-Uni n’étaient pas, au départ, convaincus par ce dispositif. L’annonce américaine fait suite à l’intervention décisive de Barkhane pour secourir une patrouille américaine tombée dans une embuscade au Niger, le 4 octobre.
Sur le plan opérationnel, la fiabilité des partenaires n’est pas assurée. « Entre les discours officiels et la réalité du terrain, il y a un monde. Le président malien, par exemple, se méfie de son armée. Il la traite mal : d’ailleurs, on peut s’attendre à des remous graves à l’approche de l’élection présidentielle, en 2018 », confiait en septembre, à La Croix, un diplomate. « On devrait dire G4 Sahel + la Mauritanie qui est, en réalité, sortie du jeu », poursuivait-il. L’engagement du Tchad est aussi très relatif : Idriss Déby a déjà menacé de retirer ses hommes du Sahel en l’absence d’une compensation financière jugée suffisante.
Enfin, sur le plan stratégique, plusieurs acteurs de premier plan de la sous-région sont hostiles au G5 : à commencer par l’Algérie. « Alger ne vise qu’une chose : voir les Français quitter le Sahel », estime un diplomate. « Au Maroc, le G5 pose problème à ceux qui tiennent les ficelles du trafic de haschich et à ceux qui en profitent. »
Laurent Larcher