Tels de petits et joyeux cabris, certains sursautent déjà, heureux à l’idée d’épingler un impénitent plagiaire qui aurait pris à son compte le prophétique rêve du pasteur noir américain Martin Luther King. En effet, le 28 août 1963 à Washington, devant une foule de quelque 250 000 personnes, ce leader noir avait prononcé son célèbre discours "I have a dream".
Ce discours est passé à la postérité comme l’une des harangues les plus messianiques du siècle dernier. Martin Luther King ne rêvait pas d’encastrer l’Amérique dans l’Afrique pour annihiler l’effet de la dérive des continents (tectonique des plaques), mais il rêvait simplement de voir émerger une « Amérique fraternelle où Blancs et Noirs se retrouveraient unis et libres ».
Entre nous, ce n’était pas trop demander ça ! Malheureusement, la concrétisation de ce rêve se fait toujours attendre et le fossé entre Blancs et Noirs américains s’élargit, par moments, jusqu’à l’absurde. Malgré les vicissitudes de l’histoire contemporaine de l’Amérique, le rêve de Martin Luther King est fondateur. En tous les domaines, le rêve est permis, autorisé et même souhaité. Le rêve a du bon en cela qu’il vous fait envisager une situation meilleure à celle du moment et vous propulse, par sa magie, telle Alice, « Au pays des merveilles », si ce n’est dans les très orientales « Mille et une nuits ».
A verser à l’actif de mon raisonnement, je me souviens vaguement d’un cours de biologie, au second cycle fondamental, dans lequel le maître nous entretenait des effets dévastateurs d’une expérience en laboratoire sur des souris qui mouraient systématiquement puisque privées de rêve. Le rêve serait donc biologique avant d’être politique ou autre chose. Mon rêve, dérisoire et farfelu, diriez-vous, c’est de voir se transformer le Nord du Mali en une gigantesque Silicon Valley qui attirerait les intelligences du monde entier mais aussi les ressources faramineuses générées par la mondialisation.
Là, il y a des étendues de terre à perte de vue qui sont à l’état de friches et qui n’attendent que la main de l’homme pour être mises en valeur. Là, il y a aussi des éléments et des matériaux qui feraient le bonheur d’industries les plus variées : soleil, vent, sable, pierres, cailloux… Cà et là, le paysage est d’une beauté absolument lunaire et pourrait être le décor grandeur nature de films à gros budget. Sous la terre de ce milieu hostile, il y a surtout des trésors insoupçonnés et quasi inépuisables qui feraient le bonheur de plusieurs générations de Maliens.
Je rêve donc de voir le désert se muer en paradis fiscaux pour attirer – le mot est faible – pour « siphonner » les ressources astronomiques qui errent de par le monde et qui cherchent les meilleures planques pour se « reproduire » à l’abri des regards indiscrets des Etats qui sont perçus par les grandes fortunes de ce monde comme des prédateurs sans pitié et sans état d’âme. Je ne dédouane pas les riches fraudeurs du monde qui prouvent, à tous les coups d’ailleurs, qu’ils ont une longueur d’avance sur les Etats et leurs bras armés. Je n’absouts pas non plus ceux, de plus en plus nombreux, qui prospèrent dans l’économie criminelle et qui rêvent de dérégulation et de désordres durables pour continuer leur business juteux.
Mais je prétends comprendre les Etats poussière dispersés dans les étendues marines qui sont devenus, par la force des choses, ces paradis fiscaux tant décriés par les Occidentaux. Qu’ils s’appellent Iles Cayman, Iles Marshall, Iles Cook, Iles Vierges britanniques, Jersey, Montserrat, Nauru, Niue, • Grenade, Guernesey ou Andore (la liste est très longue), ces pays labellisés « paradis fiscaux » sont exotiques, habités par des « Peuples premiers » et, pour certains, très profondément meurtris par les intempéries, conséquences des changements climatiques. De quel droit devrait-on les juger de capter les richesses qui viennent à eux ?
Il y a comme une forme d’indécence de la part des Grands de ce monde à vouloir toujours charger les plus petits qui, pourtant, ne sont parfois que leur reflet le plus abouti. Sans aucune forme de cynisme, que les nano-Etat prennent leur revanche sur les Grands n’est que justice. Nous devrions, dans le Sahel, nous inspirer de leur modèle économique et nous connecter résolument à la mondialisation si nous ne voulons pas donner raison à un certain Nicolas Sarkozy qui est convaincu que l’Afrique est en marge de l’histoire.
Après avoir raté le tournant de l’industrialisation, nous ne devrions pas nous permettre le luxe de rater celui des services. Et pour conclure mon rêve à haute voix, je perçois un havre de paix derrière les dunes de sable de notre désert et des coffres-forts remplis de lingots d’or et de devises de toutes sortes qui en servent d’horizon.