En effet, après l’annulation du marché des 200 véhicules, 10 ambulances et 10 citernes au profit de l’armée, à concurrence de 8,9 milliards de FCFA, dans des conditions non encore élucidées, l’entente directe entre CFAO Motors et le gouvernement du Mali pour la fourniture de 55 véhicules au compte de la Présidence (12), de la Primature (22), de la Commission Dialogue et Réconciliation (21), le tout pour un total de 2,2 milliards de FCFA, voici le deal avec Orange Mali, pour dépouiller l’Etat de 2,5 milliards de nos francs. De quoi s’agit-il?
Rappelez-vous d’abord du Fonds d’Accès Universel, qui n’est autre qu’une ressource publique payée au Régulateur par les opérateurs de téléphonie, conformément à leurs cahiers des charges, sous forme de redevance annuelle, qui ne leur appartient pas.
Ce fonds sert, par le biais du Régulateur, à désenclaver par la téléphonie les zones difficiles d’accès et financièrement peu rentables pour les opérateurs. A la faveur de la mobilisation générale lancée par le Président de la République, le 11 janvier 2013, pour contribuer à l’effort de guerre, la Sotelma et Orange Mali, deux sociétés excédentaires de la place, ont été sollicitées par les autorités compétentes. Jusqu’à aujourd’hui, aucune suite favorable n’a été donnée de leur part à cette requête.
C’est ainsi que le pouvoir a cru bon de détourner le Fonds d’Accès Universel de sa mission première, tout d’abord pour acheter du matériel roulant pour l’armée. Le hic, c’est qu’Orange Mali s’est opposée à cette décision souveraine du gouvernement du Mali, alors que Sotelma – Malitel n’a rien dit, sachant bien que le Fonds ne lui appartenait pas.
Alors, les grandes magouilles ont commencé à la Primature, Cité Administrative. Le patron d’Orange Mali, Jean-Luc Bohé, a été reçu en catimini. Des négociations ont été menées en l’absence du ministre de la Poste et des Nouvelles Technologies, Bréhima Tolo. Les conclusions de la rencontre ont été communiquées à ce dernier sous forme d’instructions.
Sans tarder, le ministre dogon prend sa plume pour écrire au Directeur général de l’Autorité malienne des télécommunications / TIC et des postes (AMRTP), Choguel Maïga. L’objet de la correspondance porte sur la «Mobilisation partielle des ressources réservées à l’accès universel». Le ministre Bréhima Tolo a fait savoir à M. Maïga qu’Orange Mali avait donné son accord pour l’utilisation d’une partie du Fonds d’accès universel, soit 7,5 milliards de nos francs.
Mais ce n’était pas tout, l’AMRTP devait aussi procéder à la rétrocession, au profit d’Orange Mali, de 2,5 milliards de nos francs. Ces fonds, selon le ministre, étant destinés à couvrir la moitié des dépenses occasionnées pour la remise en service des sites techniques détruits dans le Nord du pays.
Voilà un véritable scandale. Comment un fonds public peut-il servir à financer une société privée étrangère, de surcroit excédentaire? Il est vrai qu’Orange Mali a déclaré avoir perdu 5 milliards en tout au Nord. Mais, il ne revient pas à l’Etat de le dédommager, au détriment des petits commerçants, des hôteliers, de tous ceux qui ont perdu un membre ou de celles qui ont été violées dans le Nord du pays.
Encore une question. Comment peut-on dédommager Orange Mali mais pas la Sotelma, dont l’Etat détient 49% des actions? Il est vrai qu’Orange est réputée être généreuse envers le pouvoir. Mais de là à lui octroyer gracieusement l’argent du contribuable malien, il y a un pas que Diango Cissoko n’a pas hésiter à franchir.
C’est inacceptable, c’est intolérable, c’est une énorme faute de gestion. Heureusement pour notre pays, Choguel Maïga a refusé d’obtempérer, au motif que l’opération sur le Fonds d’accès universel était «anormale». Conséquence: les pressions se multiplient sur lui pour donner satisfaction à Orange Mali. Il continue à résister. Mais pourra t-il tenir longtemps, au risque de se voir limoger A suivre.