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Journée culturelle Peulh- Bwa : EXERCICE DE MÉMOIRE, SAUVEGARDE DE LA PAIX ET DE LA RÉCONCILIATION
Publié le lundi 13 novembre 2017  |  L’Essor
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Les plaisanteries intenses et acerbes entre Peuls et Bwa sont le résultat d’une alliance sacrée

Le sage de Bandiagara, Thierno Bokar, dans « Kaïdara » d’Amadou Hampâté Bâ, enseigne que l’homme c’est d’abord sa culture. Celle-ci est au début et à la fin de l’existence de l’homme. En tous les cas, notre pays qui se caractérise par sa diversité ethnique et sociétale arbore bien sa diversité culturelle et ses identités.

Ainsi, l’alliance culturelle mythique, qui unit Peulhs et Bwa du Mali a été célébrée et magnifiée dans la capitale du Balanzan. Les dignitaires peulhs, les amis et sympathisants de la culture peulhe regroupés au sein de l’association « Tabital Pulaaku », et les Bwa dans leur diversité, s’étaient réunis le mois dernier à Ségou. Ils ont fait revivre leur cousinage à plaisanterie au profit de la paix et de la réconciliation dans notre pays. Cette rencontre a regroupé beaucoup de notabilités de Ségou et des associations des deux ethnies. L’institution du cousinage entre Peulhs et Bwa n’est pas un phénomène ludique ethnique dans notre pays. Les relations entre ces deux ethnies constituent un phénomène social dont la compréhension impose de prendre en considération une série d’aspects se rapportant au rituel du pouvoir, à l’identité, à la propriété et aux échanges de biens et de services entre ethnies alliées.

L’ex ministre Kassoum Denon figure parmi les parrains de cette rencontre culturelle. Il souligne que les relations de plaisanterie entre Bwa et Peulhs sont une forme d’amitié qui permet d’éviter des conflits. Il ajoute que les deux ethnies sont liées par une alliance mystique. Parfois au cours de l’évolution historique de notre société, des pactes ont été scellés entre les entités pour conquérir tel ou tel territoire ou pour faire face à un ennemi commun. Le conférencier peulh, le chercheur Mamadou, rappelle que l’institution du cousinage à plaisanterie entre les deux ethnies n’est pas fortuite. Les plaisanteries amères entre deux alliés sont des ironies, à la fois intenses et mordantes, qui ne fâchent aucun des deux partenaires. « Les croyances déterminent l’intensité et le sérieux avec lesquels les acteurs sociaux envisagent notre cousinage considéré comme « vrai ». Plus une alliance passe pour sacrée, plus lourdes sont les obligations et plus acerbes les plaisanteries entre alliés.

Les plaisanteries intenses et acerbes, qui existent entre Peuls et Bwa, recèlent une forme d’attachement aux valeurs culturelles. Elles sont le résultat d’une alliance sacrée. Sur le plan social, les conflits et les intentions de faire du mal sont strictement interdits », a développé le spécialiste de la culture peulhe. La transgression des règles, expliquera Mamadou Bah, peut avoir de graves conséquences. Selon un mythe généralement répandu, deux ancêtres font saigner leur bras, boivent leur sang dilué dans de l’eau et décident de vivre en paix dorénavant. Ils décident de ne plus entrer en conflit, deviennent des partenaires rituels, coopèrent et rient des plaisanteries mutuelles. Ce pacte de sang engage aussi leurs descendants respectifs. Il consacre la continuité de l’institution de la plaisanterie. Le pacte inaugural, comparable à l’instauration du « pacte de sang », confère un caractère sacré au contrat et une signification politique aux plaisanteries entre les parties contractantes. L’enseignant Bwa Félix Dakouo insiste sur le fait que les Bwa ont vécu longtemps à l’écart des autres ethnies voisines. Mais plus tard, ils seront violemment mêlés aux conquêtes politiques qui aboutirent au découpage et à la formation de royaumes et d’Etats centralisés, tant au Mali que dans l’ancienne Haute Volta, aujourd’hui Burkina Faso. Les Bwa ont été abandonnés à leur propre sort entre le Mali et le Burkina, sans que d’un coté ni de l’autre, on en vienne à rompre les liens sociaux de mariage par des frontières imaginaires.

« Les Bwa n’ont jamais cherché à conquérir un peuple. Ils n’ont jamais été conquis non plus par d’autres peuples. La liberté et la dignité sont deux valeurs fondamentales que les Bwa tiennent toujours à sauvegarder contre tout. Cette force de caractère les rend réfractaires à l’assaillant colonial, d’où la fameuse Révolte de 1916. Une révolte sanglante au cours de laquelle les Bwa ont affirmé leur liberté, refusant toute domination sur «leurs propres terres». Cet événement historique a réconforté les relations déjà existantes entre peulhs et Bwa », a développé l’orateur Bwa. Cependant, le conférencier a précisé que tous les peulhs sont les cousins des Bwa, à l’exception des Sidibé qui, en réalité, sont leurs frères.
« L’histoire nous apprend que l’ancêtre des Sidibé et celui des Bwa vivaient dans une même zone géographique. Ils étaient voisins. A un certain moment les familles vécurent des drames. Elles enregistrèrent des décès répétés de nouveaux nés.
Face à cette tragédie, les deux familles décidèrent de consulter les oracles. Les devins répondirent que pour mettre fin à cette tragédie les familles devaient désormais échanger les nouveau-nés dès leurs naissances. Ainsi les enfants Sidibé ont été allaités par les femmes Bwa et les enfants Bwa par les femmes peulhes. La série noire s’est arrêtée et les enfants vécurent en harmonie comme des frères. C’est ainsi que les Sidibé sont devenus les frères des Bwa », a soutenu l’orateur. Les jeunes furent enthousiastes en apprenant ce pan de l’histoire des deux ethnies.
Doussou DJIRÉ
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