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Ne touchez pas aux albinos ! Nantenin Keita, de la Fondation Salif Keita, fait le point.
Publié le mercredi 15 novembre 2017  |  Le Reporter
Paralympiques-2016:
© AFP par YASUYOSHI CHIBA
Paralympiques-2016: Nantenin Keita, la fille du chanteur Salif Keita, en or sur 400 m
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Début août 2017, un homme a tenté d’enlever un jeune albinos âgé de 13 ans à Golonina dans le district de Bamako. La Fondation Salif Keita pour les Albinos est intervenue, l’homme a été arrêté. Où en est l’affaire ?

Il a été remis en liberté sous caution jusqu’à la date du jugement que nous ne connaissons pas encore. Je crains que nous ne le revoyions plus. Notre assistante à Bamako a subi beaucoup de pressions pour que nous retirions notre plainte, elle a été harcelée, menacée, mais nous n’avons pas cédé. Nous avions peur que la famille du garçon se laisse influencer, mais elle n’a pas retiré sa plainte. C’est vraiment une belle avancée.

Comment expliquez-vous que des gens s’en prennent aux Albinos ?
Ils suivent les conseils d’autres gens, de marabouts par exemple. Je suis Malienne, je sais que les marabouts comme d’autres personnes ont certains dons, certains pouvoirs. Ils disent à ceux qui les consultent «Pour résoudre votre problème, ramenez-moi ça, je vais faire ça avec». Comment peuvent-ils demander ne serait-ce qu’un cheveu d’un albinos pour arranger quelqu’un ?! Je crie haut et fort que le bonheur d’un être humain ne vaut pas le sacrifice de la vie ou du bonheur d’un autre être humain. Si tu veux être heureux, tu te le cherches toi-même, tu ne sacrifies pas celui d’un autre pour l’atteindre !

Cette tentative d’enlèvement du garçon n’est pas la première. Il y a des disparitions, des assassinats et des mutilations d’albinos partout, au Mali comme ailleurs en Afrique. Certains gouvernements, comme ceux de la Tanzanie et du Mozambique prennent des mesures contre ces crimes, le gouvernement du Mali n’a pas encore atteint ce niveau-là. Nous estimons que l’Etat a un rôle à jouer pour la défense des albinos.

Nous avons eu espoir lors de la nomination du ministre Thierno Amadou Diallo, lui-même albinos, et initiateur de l’association SOS Albinos, mais jusqu’à maintenant, rien n’a été fait pendant ce quinquennat, hormis un don global de 500 000Fcfa alloué à l’ensemble des organisations maliennes qui s’occupent des albinos. La somme a été donnée à une association qui était censée la redistribuer à toutes les autres. En ce qui concerne la Fondation Salif Keita, nous n’avons rien reçu. Nous regrettons que tous ceux qui aident les albinos n’agissent pas ensemble, la cause avancerait plus vite.

Est-ce que la Fondation Salif Keita cherche à entrer en contact avec les personnes qui mêlent les albinos à leurs pratiques occultes ?
Non, car on ne les voit pas. Ce ne sont pas des gens qui se montrent. Pour la tentative d’enlèvement du garçon en août dernier, nous avions évoqué l’idée d’incriminer le marabout aussi, mais ça ne s’est pas fait.
Autrefois en France, on disait des gens aux cheveux roux qu’ils étaient liés au diable, on s’en prenait à eux comme en Afrique on s’en prend aux albinos. Qu’est-ce qui provoque ces croyances ?

C’est la différence. Quand on est différent de ce que les gens ont l’habitude de voir, ils croient que quelque chose se cache derrière la différence, et qu’ils peuvent l’utiliser… Eh bien non ! Les êtres humains sont tous différents. Les albinos n’ont rien de «spécial» si ce n’est cette particularité génétique héréditaire qui affecte notre pigmentation. Nous sommes très nombreux sur terre. Il y a aussi des animaux et des plantes albinos. L’albinisme est une particularité, c’est tout. Personne n’a le droit de nous toucher pour arriver à ses fins !

Parlez-nous de la Fondation Salif Keita pour les albinos ?
Je tiens à repréciser que nous ne sommes pas les seuls à agir au Mali, il y a d’autres organismes d’aide aux albinos. La Fondation Salif Keita est basée à Bamako. Sur place, nous avons une assistante, un secrétaire, et une personne qui travaille en free-lance. Une toute petite équipe donc, que mon père et moi-même secondons le plus possible, malgré nos agendas respectifs et la distance.

Nous avons 700 membres. Nous nous occupons principalement des Maliens. Nous souhaitons en effet concentrer nos actions sur le local pour être encore plus efficaces et ne pas nous disperser. Nous avons une antenne de la Fondation ici en France chargée de récolter des dons pour les albinos du Mali. Dernièrement, nous avons reçu plus de 400 tubes de crème solaire, don de la marque Avène du Groupe Pierre Fabre, et 300 paires de lunettes de soleil, don de la marque Les Opticiens mutualistes. Nous les en remercions. Il existe une Fondation Salif Keita aux USA, elle est gérée de façon autonome.

Quelles actions la Fondation Salif Keita mène-t-elle pour informer les albinos et leur famille des dangers que d’autres pourraient leur faire courir ?
Nous parlons à nos membres, nous leur expliquons, ils le savent de toutes façons, ils sont de plus en plus vigilants. Suite aux tentatives d’enlèvement qui avaient eu lieu en mai dernier au Mali, notre assistante à Bamako a mené une campagne d’information auprès de nos membres pour leur expliquer ce qui se passait. Elle ne se lasse pas de répéter à tous «faites attention à vos enfants, ne suivez pas n’importe qui».

C’est comme ça que le petit garçon a été sauvé en août. Il a refusé de suivre l’homme, il a immédiatement prévenu sa famille qui a pu repérer l’individu et le faire arrêter.
À partir de maintenant, et pendant un an, le Mali sera en période électorale aux niveaux local et national, cela augmente-il les dangers pour les albinos ?

J’ignore ce qui s’est passé au Mali lors de périodes similaires. Ce qu’on peut craindre au Mali c’est que des gens croient qu’en «se servant» des albinos, ils augmentent leurs chances, comme cela s’est malheureusement passé dans d’autres pays. Mais les choses évoluent. Les albinos commencent à prendre soin d’eux-mêmes, et connaissent de mieux en mieux les dangers qui les menacent. Je suis quelqu’un d’assez optimiste, donc j’espère qu’au Mali tout le monde évolue sur cette question. J’espère que personne n’osera attenter à l’intégrité physique d’un albinos à des fins électorales. J’espère.

Je vous laisse le mot de la fin, Nantenin.
Comme je vous le disais, je suis optimiste. Les albinos s’assument de plus en plus. Beaucoup sont maintenant fiers de ce qu’ils sont. C’est un point très positif. Suite à la dernière tentative d’enlèvement, j’ai eu énormément de soutien de la part des internautes sur les réseaux sociaux. C’est une preuve que les mentalités changent, une preuve que la plupart des gens comprennent vraiment qu’aucune vie humaine ne peut être sacrifiée pour assurer le bonheur d’une autre.

Françoise WASSERVOGEL
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