Dix ans, même organisateur, même ville, même cadence, même affluence et des débats toujours riches et intenses. Le forum MEDays de Tanger n’a pris aucune ride. La présidence de la cérémonie d’ouverture par le président de l’Union africaine, Pr Alpha Condé, l’atteste fortement
La ville de Tanger ne va pas lâcher son bébé aussi facilement : le forum MEDays est désormais dans l’ADN de la ville la plus méditerranéenne du royaume chérifien. Le forum y est né en 2008, dans la foulée de l’ambitieuse Union pour la Méditerranée qui entendait réunir essentiellement les pays africains et européens, au-delà des deux rives de cette mer emblématique, symbole, d’un dialogue Nord-Sud sans frontières physiques.
Si cette organisation politique a pataugé dans son parcours, le forum qui en a tiré toute son inspiration résiste aux vicissitudes de la géographie et de la géopolitique. L’institut Amadeus, le « Think tank » marocain qui l’organise, s’est frayé un chemin dans le flot de structures créatrices de débats et de laboratoires d’idées et a fini par imposer les MEDays au Maroc, à l’Afrique et au monde comme un rendez-vous incontournable pour évoquer la croissance du Maroc, la marche de l’Afrique à l’aune de son union politique et économique en construction, le monde interconnecté et le village globalisé accompli.
En cette année 2017, le monde et notre continent bougent au gré des turbulences politiques, sociales, écologiques, démographiques et bien d’autres. C’est ce qui a inspiré les organisateurs à choisir de se pencher sur l’étude des défiances et des défis qui bouleversent notre monde pour cette 10ème édition des MEDays.
Au total, près de 4000 participants pour 150 intervenants dans 35 panels ont donné à ce dixième rendez-vous les couleurs recherchées. Celles d’un vrai anniversaire. Le Mali a, une fois de plus, été présent à ce rendez-vous des idées par une palette de personnalités aux profils variés.
Il s’agissait pour les chefs d’Etat et de gouvernements, les ministres, les parlementaires en exercice ou anciens, les experts divers de passer à la loupe les différentes problématiques de notre époque et « supputer les moyens et mesures nécessaires pour gagner le challenge de l’humanité, ce qui devrait ainsi faire des MEDays, une plateforme de solutions et d’expertises d’envergure internationale ».
Si la cérémonie d’ouverture est réputée être l’unique espacé réservé pour les discours officiels, pour une première fois, le président de l’Union africaine, avec le ton qu’on lui connait, a laissé les considérations protocolaires pour annoncer les couleurs de tout ce qui était attendu comme débat lors de ces MEDAYS10 : « les problèmes africains doivent être réglés par les Africains !» a martelé le chef de l’Etat guinéen lors de la cérémonie d’ouverture.
Les panelistes sont restés sur cette même lancée : l’Afrique doit se prendre en charge dans sa vision et les moyens qui vont avec. La deuxième journée était dédiée à l’entreprenariat, l’investissement avec des thèmes porteurs comme : « l’entreprenariat féminin : promouvoir la croissance par l’équité des genres », « Bric-Afrique : de la croissance à la co-émergence ».
S’agissant du panel « Investissement en Afrique ; comment faire face au risque pays ? », le CEO du groupe hôtelier Azalai, notre compatriote Mossadeck Bally, a été on ne peut plus clair : « Ce sont les investisseurs d’origine africaine qui doivent d’abord prendre le risque et ils le prennent déjà. Il n’y a aucun mal et cela n’est pas une entrave. Je n’ai aucun mal à aller en RDC investir, car je connais les réalités africaines, dont je suis issu ». Bally a été appuyé par l’Ivoirien Fahan Bamba, patron de Afrique Emergence et Investissement, évoluant dans la microfinance.
« Ma société est née dans la crise ivoirienne et elle a grandi avec », a-t-il lancé devant un parterre d’experts et d’étudiants. Un bel esprit d’optimisme enfourché par les panelistes plus « politiques » au moment de parler de l’Union africaine. Que ce soit l’ancien président de la Transition malienne, Dioncounda Traoré, l’ancien Premier ministre centrafricain, Martin Ziguélé, ou l’ancien chef de la diplomatie sénégalaise, Mankeur N’Diaye, tous s’accordent à dire que les lignes bougent et que chaque Etat doit prendre conscience qu’il a besoin des autres pour croître politiquement et économiquement.
Pour cela, il va falloir s’appuyer sur des Etats locomotives parmi lesquels Mankeur N’Diaye voit le Maroc dont il s’est félicité du retour à l’Union africaine mais surtout de sa prochaine adhésion à la CEDEAO.
L’Afrique aura aussi besoin d’accroitre son partenariat assez ancré avec l’Europe, très dynamique avec la Chine et surtout avec les BRIC (Brésil, Russie, Inde et Chine sans l’Afrique du Sud qui fait partie de l’Afrique), estimé l’ancien Premier ministre malien, Moussa Mara.
Dans ce brainstorming général autour de l’évolution du continent, il faut s’interroger sur quel regard avoir sur le choc des titans auquel la géopolitique mondiale assiste, cette sorte de « triptyque de la peur Trump, Poutine, Erdogan ». Il y a plusieurs grilles de lectures comme nous rappelle Rachel Marsden, chef de l’entreprise qui porte son nom, selon qui « l’opposition entre Trump et Poutine n’est plus idéologique, mais uniquement économique». Quant à l’impossible dialogue avec la Corée du Nord, il faudrait bien envisager le contraire pour le bien de l’humanité.
Les questions de santé, d’éducation, d’environnement, de marketing territorial ont eu toutes leurs places au cours des panels de discussions sur les quatre jours du forum.
Quid des think tank ? L’Institut Amadeus et les autres think tank africains ont saisi l’occasion de ce 10e Medays pour s’interroger sur eux-mêmes, en tant qu’expérience nouvelle en cours sur le continent, avec le thème : « Think tanks & soft power au moyen orient et en Afrique: les orfèvres de l’influence ».
Brahim Fassi Fihri, le président de l’Institut Amadeus et maître d’œuvre des MEDays est catégorique : il faut avoir les reins solides pour tenir un think tank et surtout organiser un tel forum. Au-delà des partenariats avec le secteur privé, il salue l’engagement constant de sa Majesté le Roi Mohamed VI pour faire des MEDays un véritable hub d’idées pour le royaume.
Son confrère Abdoullah Coulibaly, le président du Forum de Bamako qui se tient annuellement dans notre capitale, tout en se disant admiratif de la percée des MEDays en dix ans, reconnaît que les Think tank nécessitent des moyens, surtout en ressources humaines pour produire les idées et organiser les évènements.
C’est pourquoi il a salué l’idée d’un cadre de concertation entre think tank africains lancée dans la salle par un cador du secteur, Jawad Kerdoudi, président de l’Institut marocain des relations internationales (IMRI). Ce cadre est d’autant nécessaire que les productions des think tank africains doivent profiter aux décideurs africains et aux partenaires qui s’intéressent au continent, a ajouté Khaled Igue, patron du Think tank Club Afrique, installé en Europe pour mieux orienter sur l’Afrique.
Correspondance particulière
Alassane
SOULEYMANE