L’Association malienne des procureurs et poursuivants, attachée au renforcement des valeurs républicaines et des droits de l’homme, a organisé, mercredi dernier, une conférence de presse pour mettre en garde le ministre Mohamed Ali Bathily et son fils Mohamed Youssouf Bathily, alias Ras Bath, accusés de ternir l’image des magistrats.
En effet, le procureur du tribunal de première instance de la Commune IV, Dramane Diarra, est aujourd’hui en conflit avec le père et le fils Bathily, un conflit déclenché par un litige conjugal. En effet, le 29 octobre 2017, à Koutiala, le ministre Mohamed Ali Bathily accusait le procureur de la Commune IV d’avoir arraché la femme d’un homme pour la donner à un autre. Son fils a pris le relais sur les réseaux sociaux en accusant, à son tour, le procureur Dramane Diarra d’avoir donné une valeur juridique au mariage religieux qui, selon lui, n’est que l’esclavage sexuel imposé à la femme. Il lui reproche aussi de s’immiscer dans une affaire qui échapperait à sa compétence territoriale.
Au coeur de ce feuilleton judiciaire dont la presse en a fait son chou gras ces derniers temps, une femme du nom de Mariam Keita qui se trouverait dans un lien de mariage religieux. Elle aurait abandonné son domicile conjugal pour contracter un second mariage à l’état civil avec un autre homme en Commune II du District de Bamako. Le procureur de la Commune IV est saisi d’une plainte pour bigamie et adultère. Une enquête est ouverte et l’affaire a bruité lorsque le ministre Bathily a fait sa sortie à Koutiala.
Son fils, qui est chroniqueur de radio, aurait saisi l’occasion pour régler ses comptes avec le procureur Dramane Diarra qui l’avait condamné dans une autre affaire. Se posant en justicier, Ras Bath s’en prend au procureur en arguant que le mariage célébré à l’Etat civil met fin au mariage religieux qui n’a aucune valeur juridique au Mali, a laissé entendre le président de l’Association malienne des procureurs et poursuivants en expliquant que depuis quelques temps Ras Bath ne cesse de s’en prendre aux magistrats qu’il qualifie «d’ennemis de la République». «Par ses excès, Ras Bath est en train d’exposer dangereusement le corps de la magistrature et principalement les procureurs à la vindicte populaire. Je ne vois pas le plaisir qu’il tire en incitant dans ses discours les populations à la violence contre les juges. Nous ne pouvons plus nous asseoir et regarder le pire se produire, quand bien même des moyens légaux sont à notre disposition», a expliqué Chérif Koné.
Par ailleurs, le magistrat a justifié sa rencontre avec les hommes de médias par le fait qu’un procureur a été, selon lui, injustement attaqué et outragé pour avoir donné à la loi tout son sens. Ce procureur a déposé une plainte que l’association soutient, a dit M. Koné. «Le juge, le magistrat sont aussi des citoyens qui ont besoin d’être protégés. En tout état de cause, que Ras Bath reconnaisse que cette femme était en abandon de domicile conjugal. Elle était tenue de se libérer des liens existants avant de s’engager dans un second mariage», a-t-il ajouté.
Par rapport à l’incompétence territoriale du procureur de la Commune IV de se saisir de cette affaire, Chérif Koné dira qu’il ne sait pas sur quelle base juridique Ras Bath tire son argumentation. « La femme qui est concernée est domiciliée à Djicoroni-Para et son mari est à Samaya. C’est donc du ressort judiciaire du procureur de la Commune IV et ce chroniqueur pense que nous devons faire en sorte que ce dossier soit examiné par le procureur de la Commune II parce que ce mariage a été célébré dans cette commune », a déclaré le président de l’Association malienne des procureurs et poursuivants. En outre, Chérif Koné a fait savoir qu’à cause des agissements de Ras Bath, le procureur de la Commune IV a été outragé dans son honneur et sa dignité dans l’exercice de ses fonctions. «En tant que citoyen, sa plainte est tout à fait légitime et nous la soutiendrons avec détermination jusqu’à ce que justice soit faite. L’on a longtemps cautionné des dérives et excès individuels en laissant certains trop faire au point de se croire tout permis. C’est regrettable de voir un groupe de jeunes manipulé et abusés à la merci de Ras Bath sur fond de mensonge, de calomnie et de délation. On ne peut pas se réclamer adepte du mouvement Rastafari et se lancer dans des domaines qu’on ne maîtrise pas, ou s’en prendre gratuitement et avec intention de nuire aux personnes respectables. Le Rastafarisme est avant tout une philosophie orientée vers le retour aux valeurs culturelles africaines. Des comportements vulgaires et grossiers n’ont jamais fait partie des valeurs culturelles maliennes toujours dignes d’intérêt et de respect», a développé le magistrat.
Par rapport à la loi sur l’enrichissement illicite, Chérif Koné a affirmé qu’une loi doit être juste et traiter les citoyens sur un pied d’égalité. «Personne n’est à l’abri de la corruption, mais cibler les magistrats et laisser ceux qui sont potentiellement exposés à cette infraction n’est pas une bonne chose», a-t-il dit.
Dans son intervention, le procureur de la Commune IV a précisé que sa plainte n’est pas contre Ras Bath, mais plutôt contre le ministre de l’Habitat, de l’Urbanisme et des Affaires foncières. «C’est ahurissant ce qui s’est passé. Le 29 octobre 2017, à Koutiala, le ministre Mohamed Ali Bathily disait que le procureur de la Commune IV a arraché la femme d’un homme pour la donner à un autre. A cet instant, mon procès verbal n’était pas encore orienté. Il l’a dit le 29 et son fils l’a repris le 31. C’est à partir du 1er de ce mois que j’ai orienté mon PV. Il y a un laxisme au niveau des autorités, notamment au niveau de l’exécutif. C’est extrêmement grave ce qui s’est passé. Ce ministre a avili l’institution judiciaire. Nous n’allons pas accepter cela», a-t-il martelé.