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François-Xavier Freland : « Sans rétablissement de la sécurité au Mali, aucun développement n’est possible »
Publié le vendredi 17 novembre 2017  |  Jeune Afrique
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Dans « Mali : au-delà du jihad », le journaliste français raconte comment ce pays traditionnellement tolérant a plongé dans le radicalisme religieux en dix ans, imposant une intervention militaire française pour sécuriser les populations. Interview.

C’est un récit personnel, loin des clichés, que nous livre François-Xavier Freland (collaborateur de JA), dans son dernier livre, Mali : au-delà du jihad (éditions Anamosa). Amoureux de ce pays, qu’il fréquente depuis 2002, l’auteur remonte aux origines du fanatisme religieux qui l’a frappé sur le tard. Le récit est humain mais la démarche est journalistique, ponctuée par des entretiens avec toutes les parties concernées : rebelles touaregs, jihadistes, hommes politiques, artistes, Maliens lambda… Un ouvrage qui permet de mieux cerner les subtilités de cette crise qui mine toute la région sahélienne…

Le Mali que j’ai connu en 2002 était d’abord un pays poétique, pas une terre de jihad
Jeune Afrique : Dans votre livre, vous livrez une approche quelque peu romantique de la situation au Mali, avec une pointe de nostalgie. Qu’entendez-vous démontrer ?

François-Xavier Freland : Rien, justement. Le journaliste est d’abord un observateur, un témoin, pas quelqu’un qui cherche à prouver une vérité, sa vérité. L’idée est de donner des clés à des lecteurs maliens ou autres pour comprendre ce qui s’est passé dans ce pays autrefois si tolérant. C’est vrai, certains passages empreints de nostalgie sont décrits dans un style poétique. Mais j’assume cette part de romantisme.

Le Mali que j’ai connu en 2002 était d’abord un pays poétique, pas une terre de jihad. Les Maliens sont des gens gais et spirituels à la fois, et leur musique est très mélancolique. Cela m’a beaucoup touché. Mon livre rend aussi hommage à ce Mali-là, d’une immense richesse culturelle. En même temps, il relève d’une démarche journalistique, c’est pourquoi j’ai donné la parole à toutes les parties impliquées : jihadistes, rebelles touaregs, officiels maliens, artistes, soldats français… J’ai commencé à couvrir ce pays en 2002. Mon livre décrit une société malienne aspirée par une crise sécuritaire qui dure depuis 2007.

Un Touareg admet difficilement d’être dirigé par ses anciens esclaves, qui sont actuellement au pouvoir à Bamako
Quelles sont, à vos yeux, les origines de cette crise ?

Il s’agit d’abord d’un conflit post-colonial résultant d’un découpage arbitraire des frontières, après le départ des Français, qui a généré une situation de tension. La question est complexe mais le problème sous-jacent est d’ordre identitaire entre les Touaregs et les populations du Sud.

Pour résumer, un Touareg admet difficilement d’être dirigé par ses anciens esclaves, qui sont actuellement au pouvoir à Bamako. Car les Maliens du Sud, les Subsahariens, ont longtemps été les esclaves de ceux du Nord, et cela persiste encore à travers les Bellas, une ethnie exploitée depuis des siècles. C’est en partie pour cela que les Touaregs n’ont jamais accepté la présence d’un État-nation avec pour capitale Bamako.

Mais cette réticence est aussi liée aux exactions commises par l’armée malienne sous Modibo Keïta, pour pacifier le Nord, qui ont laissé des traces dans les mémoires. Du côté de Bamako, on était pas mécontent de prendre une revanche sur le Nord en confisquant le pouvoir au lendemain des indépendances. Il ne faut pas oublier non plus que le Mali est issu du grand empire mandingue qui régna durant plusieurs siècles jusqu’aux frontières de ce qu’on appelle aujourd’hui l’Azawad.

D’autre part, vu de Bamako, on accuse les Touaregs de s’adonner à différents types de trafics. Historiquement, les régions touarègues ont toujours vécu dans des situations de « non-État », bénéficiant parfois de protections – comme celle des Français lors de la période coloniale.

Cela arrangeait beaucoup de monde que la bande sahélienne demeure une zone de non-droit
Votre livre ne s’attarde pas sur un facteur pourtant important dans l’exacerbation de ce conflit : les responsabilités régionales, qu’il s’agisse de l’Algérie ou de la Libye…

Ma démarche était de faire du journalisme de terrain. Je ne peux pas avancer des théories sur la base de conversations au téléphone. En tout cas, le livre évoque ces responsabilités régionales. Les acteurs que j’ai rencontrés confirment le rôle des pays de la région sahélienne. Par contre, les raisons de leur implication relèvent des supputations. Est-ce que cela cache des trafics ? Est-ce pour profiter des ressources naturelles ? Rien n’est vraiment sûr.

On avance souvent l’argument de l’exploitation des ressources naturelles pour justifier l’intensification d’un conflit. Honnêtement, je ne pense pas que cela soit un facteur central, comparé au malaise identitaire qui puise son origine dans la relation des Touaregs avec les populations du Sud. J’écris par exemple que Mouammar Kadhafi a tendu la main à Bamako tout en armant les Touaregs car ses derniers lui rendaient des services pour protéger son régime.

Quant aux Algériens, la thèse qui circule est qu’ils auraient laissé l’incendie se répandre chez leurs voisins pour s’assurer un peu de calme chez eux, sachant que les grands lieutenants d’Al-Qaïda au Maghreb islamique (Aqmi) sont originaires d’Algérie. Et puis cela arrangeait tout le monde que la bande sahélienne demeure une zone de non-droit afin de laisser prospérer les commerces transsahariens, nourris de trafics en tout genre.

Comment les Touaregs en sont-ils venus à adopter le discours ultra-radical des jihadistes ?

Dans ce livre, je cite Ibrahim Ag Bahanga, que je compare au commandant afghan Massoud. Je l’avais rencontré en 2008, dans son fief, à 250 km au nord de Kidal, dans une zone enclavée. Il avait attiré mon attention sur le fait que Bamako propageait l’idée que les Touaregs sont les amis des jihadistes alors que, pour lui, ces derniers étaient leurs principaux ennemis. Ibrahim Ag Bahanga arguait que son peuple défendait depuis toujours un islam tolérant et une vision plus moderne de la femme dans la société. Il ne voulait surtout pas que son clan soit associé à un conflit religieux obscurantiste.

Quelques années plus tard, il a trouvé la mort dans un accident mystérieux. Un de ses proches me confiera par la suite qu’il s’agissait sans doute d’un attentat perpétré par Al-Qaïda pour éliminer cet homme qui faisait encore barrage à la montée en influence des jihadistes dans les camps touaregs. Comme en Afghanistan après l’assassinat de Massoud, les jihadistes ont pu flirter plus facilement avec les rebelles après la mort d’Ag Bahanga, notamment à travers des personnages troubles comme Iyad Ag Ghali.

Ce dernier, qui était leur relais dans la région, a réussi à convaincre une partie des Touaregs de la nécessité d’avoir des alliés solides, à l’instar des jihadistes, pour être en mesure d’éjecter le régime malien de leurs terres. Je précise que les Touaregs ne partagent pas tous cet idéal jihadiste. Le clan laïque de Ag Bahanga est resté fidèle à sa vision indépendantiste. Mais pour des raisons purement politiques, Bamako considérait qu’Ag Ghali, qui préconisait le jihad dans tout le Mali, était moins néfaste qu’Ibrahim Ag Bahanga, qui se revendiquait d’un islam modéré mais voulait l’indépendance du Nord.

Sur le terrain, la grande majorité des acteurs étaient favorable à une intervention militaire française.
Vous défendez l’intervention militaire française au Mali, allant jusqu’à soutenir que sans elle, le jihadisme gagnerait Bamako. N’est-ce pas un peu excessif au vu des nombreuses critiques essuyées par cette intervention ?

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