Projet de révision constitutionnel, loi contre l’enrichissement illicite… On ne compte plus sur le bout des doigts les tentatives avortées du régime IBK, sous lequel tous les projets (bancals ?) semblent vouer d’avance à l’échec. Les conséquences du tâtonnement et de l’improvisation ? Ça y ressemble fort. La liste des échecs est en passe de se rallonger avec le report, annoncé dans les coulisses, des prochaines échéances électorales (communales et régionales). La décision de les tenir est contestée dans la classe politique, mais surtout par la Coordination des mouvements de l’Azawad (CMA) dont les désirs sont des ordres à Koulouba. Et nul ne serait surpris si IBK et son gouvernement courbent (à nouveau) l’échine devant les groupes armés. Ils sont, en effet, devenus des habitués des « reculades ». La preuve…
Dans un communiqué rendu public le 28 octobre dernier, la CMA appelle sans équivoque au report : « La Coordination des Mouvements de l'Azawad (CMA) informe l'opinion nationale et Internationale que, depuis le samedi 21 octobre, date de la rencontre des Parties (Gouvernement du Mali, CMA, Plateforme) signataires de l’Accord issu du processus d’Alger en présence des membres de la mission du Conseil de Sécurité de l’ONU à Bamako, avait identifié un ensemble de points prioritaires qui handicapent la mise en œuvre dudit accord. Ces points ont également été portés le 24 octobre à la dernière session du Comité de Suivi de l’Accord (CSA) afin de les inscrire dans un chronogramme consensuel réalisable, qui serait discuté entre les Parties Maliennes. Au même moment, nous constatons sur le terrain que le gouvernement persiste dans la logique unilatérale d’organiser les élections communales et régionales en convoquant le collège électoral sans discussions préalables avec les parties signataires. Au regard de cette situation, la CMA s’oppose à l’organisation des élections dans les régions de l’Azawad sans une prise en compte des aspects politiques inscrits dans l’Accord pour la paix et la réconciliation, notamment l’opérationnalisation des Autorités Intérimaires, l’organisation du retour des réfugiés/déplacés, la révision des listes électorales, la relecture des lois portant libre administration et codes des Collectivités Territoriales et bien d’autres aspects y afférents. La CMA demande au gouvernement du Mali de surseoir à la tenue de ces élections jusqu’à la mise en place des conditions optimales, idoines et transparentes pour la tenue de ce rendez-vous décisif pour l’ensemble des populations et ce, sous l’égide de la Communauté Internationale ».
La CMA n’est pas seule à émettre des réserves sur ces élections, mais son entrée dans la danse est perçue comme un signe annonciateur du recul du gouvernement. Celui-ci est, en effet, resté sourd aux dénonciations des partis politiques et d’éminents constitutionnalistes qui évoquent clairement une violation de la loi quant à la convocation de ces élections par le ministre de l’administration. Bréhima Fomba, constitutionnaliste, relève une violation de l’alinéa de l’article 87 de la loi n°2016-048 du 17 octobre 2016 portant loi électorale. Cette loi a «comme implication logique et naturelle à la charge du gouvernement, la mise en œuvre obligatoire des alinéas 3, 4 et 5 de l’article 39 relatifs à la révision exceptionnelle des listes électorales, afin d’identifier dans le fichier électoral et les en extraire, les électeurs membres des Forces armées et de sécurité. Il faut savoir qu’en introduisant le vote « intuitu personae » par anticipation des seuls électeurs membres des Forces armées et de Sécurité, le législateur a de ce fait, indirectement condamné le gouvernement à une révision exceptionnelle des listes électorale qui aurait dû intervenir depuis le 17 octobre 2016. Faute d’une telle opération qui n’a jamais eu lieu, il n’existe pas de listes électorales ni de listes d’émargement pour les membres des Forces armées et de sécurité qui ne peuvent en conséquence voter par anticipation. Si le gouvernement voudrait bien que ces élections aient lieu, il devrait se donner un temps pour expliquer des élections couplées, en faisant beaucoup de sketchs et de publicités. Mais, à moins de deux mois des joutes, les électeurs ne savent pas comment voter. Pour cette raison, le report s’impose pour une large communication…», explique-t-il.
Le gouvernement renoncera-t-il à ces élections ? Des Maliens répondent par l’affirmative. Au sein de l’opinion nationale, ceux qui y croyaient sont désormais dubitatifs, depuis la prise de position tranchée des rebelles de Kidal. On se souvient des fourberies de ces rebelles qui, à coup de chantage, ont plusieurs fois réussi à faire reporter les élections communales de novembre 2016. Elles devraient intervenir en 2013. Ainsi, sous la pression notamment de la CMA, des maires et conseillers ont exercé pendant trois ans sans l’onction de la légitimité populaire. Nul besoin de rappeler ici les manigances des bandits de Kidal lors du processus qui a abouti à l’Accord d’Alger. Que de compromis à compromissions dans le seul but de sauver un régime en perte de repères et qui visiblement agissait sous la pression de l’extérieur…
Loi contre l’enrichissement illicite
Le gouvernement avait plié l’échine face aux travailleurs de l’administration d’Etat qui protestent contre la loi portant répression de l’enrichissement illicite au Mali. Une grève de 3 jours (25 au 27 octobre 2017) et le dépôt d’un second préavis de grève d’une semaine (6 au 10 novembre 2017), ont suffi pour contraindre le gouvernement à revoir sa copie. L’organisation syndicale estime que plusieurs dispositions de cette loi violent les textes nationaux et internationaux. Ainsi, le syndicat de l’administration exigeait dans son préavis de grève déposé, le 10 octobre dernier sur la table du gouvernement, l’abrogation pure et simple de cette loi et toutes les dispositions qui s’y attachent. Finalement, après d’âpres discussions, le gouvernement a décidé de sursoir à son projet. C’est là une victoire des travailleurs, à travers le Syntade.
Aujourd’hui, des questions sont posées concernant le sort de l’Office créé pour la lutte contre l’enrichissement illicite. Une structure mise en place de toutes pièces pour orner le décor, dans un pays où d’autres structures, notamment la CASCA et le Bureau du Vérificateur général sont fonctionnels pour lutter contre la corruption et la délinquance financière.
Mais en réalité, IBK voulait avoir « sa » structure. C’est (encore) l’échec. Et surtout une reculade de plus…
Révision constitutionnelle
Autre reculade ! La révision constitutionnelle ratée, car mal ficelée, a tenu en haleine le peuple malien pendant un peu plus de deux mois. Le feuilleton a connu son épilogue par une série de rencontres du président de la République, Ibrahim Boubacar Keïta, avec les différentes composantes de l’échiquier politique, de la société civile, des leaders religieux et notabilités, des représentants de la plateforme « An Tè, A Bana-Touche pas à ma constitution ! ». Une opacité totale et une communication déficiente avaient entouré ce projet de Révision constitutionnelle, la plus impopulaire de l’histoire du Mali. Le pouvoir a reculé sans aucun doute suite aux différentes mobilisations en forme de démonstration de force lors des marches organisées et réussies des 17 juin,1er juillet et 15 juillet 2017 par la plateforme « An Tè, A Bana» qui a réussi le tour de force de rassembler des dizaines de milliers de Maliens pour battre le pavé. La contestation n’a fait que s’amplifier sur les réseaux sociaux, le front du non s’est élargi tant à l’intérieur qu’à l’extérieur du pays, avec des manifestations qui ont gagné presque toutes les régions du pays, la diaspora en France, aux États-Unis. Une mobilisation qui n’a jamais faibli et qui sans aucun doute a fini par porter ses fruits !
Aujourd’hui, l’autorité de l’Etat semble tout simplement inexistante. Avec la réputation et l’image d’homme à poigne qu’il a longtemps incarnées, le président de la République étonne tout naturellement lorsque c’est sous son règne que l’autorité de l’Etat montre les plus grands signaux de faiblesse. En plus de n’avoir rien pu changer à la tolérance permissive de l’incivisme dans le pays, le pouvoir s’est montré impuissant devant les revendications front social. En manque de vision, le régime actuel donne l’air d’opter pour la résignation comme unique solution devant les pressions sociales. La série a été déclenchée avec la grève de l’Untm et qui s’est conclue, au bout d’une brève résistance, par une augmentation indiciaire. Les magistrats ont ensuite enchainé et remporté un bras-de-fer similaire autour de leurs revendications. La liste n’est pas exhaustive. La dernière en date remonte à la semaine dernière avec les promesses d’indemnisation faites aux anciens travailleurs de HUICOMA, suite aux menaces de « femmes de Koulikoro de manifester publiquement à poils si les doléances de leurs époux n’étaient pas prises en compte ».
En somme, l’Etat, qui fait tout dans le tâtonnement et l’improvisation, n’a désormais que la dérobade comme moyen de résister.
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