Lorsque débute la crise en Libye, le niveau de vie de la population n’a rien à envier à celui des populations occidentales. C’est le pays qui avait l’indice de développement humain le plus élevé du continent africain. Le PIB/hab était de 13.300 Usd, soit loin devant l’Argentine, l’Afrique du Sud et le Brésil. La croissance dépassait les 10% et le PIB/hab augmentait de 8,5%.
La Jamahiriya était un État social où des biens publics étaient mis à la disposition de la population : l’électricité et l’eau à usage domestique étaient gratuites ; tout le monde avait accès à l’eau potable. Les banques libyennes accordaient des prêts sans intérêts; les libyens ne payaient pratiquement pas d’impôts. La TVA n’existait pas. La dette publique représentait 3,3 % du PIB contre 84,5 % pour un pays comme la France, 88,9 % pour les États-Unis et 225,8 % pour le Japon. Le système public de santé, gratuit, était aux normes européennes, tout comme le système éducatif (le taux d’alphabétisation moyen était de 82,6 %). Les meilleurs étudiants libyens poursuivaient leurs études supérieures à l’étranger en bénéficiant d’une bourse du gouvernement. Les produits d’alimentation pour les familles nombreuses étaient vendus moitié prix sur présentation du livret de famille. Les voitures importées d’Asie et des États-Unis étaient vendues à prix d’usine. Le prix d’un litre d’essence coûtait à peine 8 centimes d’euros. Le pays, en dépit des sanctions qui lui avaient été imposées, avait tout de même réussi à constituer des fonds souverains à hauteur de 200 milliards de dollars placés dans des banques étrangères, occidentales notamment, et gérés par un organisme public, la Libyan Investment Authority (LIA), contrairement aux accusations faisant état d’enrichissement personnel. Peu de dirigeants au monde peuvent revendiquer un bilan pareil.
Par ailleurs, la Libye de Kadhafi fut un solide bouclier contre les vagues migratoires puisque de nombreux migrants sub-sahariens, notamment, choisissaient de s’installer en Libye au lieu de tenter la traversée de la Méditerranée. Et non seulement. Kadhafi fut un bouclier contre la circulation des terroristes islamistes qu’il combattait, bien avant les attentats du 11 septembre 2001. La Libye est le premier pays à avoir lancé, dès 1998, un mandat d’arrêt international contre Ben Laden pour un double assassinat perpétré, en 1994, contre deux fonctionnaires allemands sur le sol libyen. Mais tout au long de la campagne de l’OTAN contre la Libye, et même après, aucune des réalisations susmentionnées n’a été relevée et les populations occidentales n’en savent presque rien. Elles ne sauront jamais que celui qui leur a été présenté par leurs dirigeants et médias comme un méchant dictateur dilapidant les deniers publics de son pays, était en réalité un homme qui a énormément investi dans le bien-être de son peuple et protégé l’Europe des vagues migratoires et des mouvements terroristes.
La Libye est aujourd’hui un pays complètement ruiné. Trois gouvernements et une multitude de groupes terroristes se disputent le contrôle du pays. L’enlèvement du premier ministre Ali Zeidan à Tripoli, le 10 octobre 2013, est un triste exemple du climat chaotique qui règne dans le pays. Les dirigeants de la première heure du CNT ont fui le pays pour se réfugier à l’étranger. Les meurtres et les attentats sont devenus monnaie courante, contraignant des centaines de milliers de Libyens à trouver refuge dans d’autres villes ou dans les pays voisins. Les attentats ainsi que l’escalade des combats se succèdent dans tout le pays. Même le consulat des Etats-Unis à Benghazi a été la cible d’une attaque à l’arme lourde qui a coûté la vie à l’ambassadeur Christopher Stevens, torturé, sodomisé puis assassiné. Les violences et l’insécurité persistante ont poussé la plupart des pays occidentaux à évacuer leurs ressortissants et à fermer leurs représentations diplomatiques.
Tout le monde s’en va, y compris l’ONU et bon nombre d’ONG. Plus d’un million de migrants sont arrivés en Europe en 2015, au terme de périples périlleux. L’opération de sauvetage à grande échelle de l’UE a secouru près de 100 000 embarcations de fortune en Méditerranée. Malgré les efforts déployés, au moins 3 000 migrants libyens ont péri en mer. Le trafic de drogue a explosé, faisant de l’ex-Jamahiriya un pays de transit de la drogue, essentiellement à destination d’Europe… Le pays est devenu le nouvel eldorado des groupes intégristes islamistes. Dès le lendemain de la chute de Kadhafi, Al-Qaïda en a profité pour hisser son drapeau au-dessus du palais de justice de Benghazi. AQMI se promène dans le grand sud. Les islamistes d’Ansar al-Sharia se sont implantés à Benghazi et Derna, tandis que l’État islamique / Daesh a profité de l’insécurité permanente dans le pays pour s’y implanter.
Sambou Sissoko
Ce qui se passe réellement en Libye
Après la mort de Kadhafi, nous vous livrons réellement la situation qui prévaut en Libye.
Situation des forces en présence :
1- La milice de Misrata :
Elle comprenait environ 20.000 hommes ce qui en faisait la force la plus importante du pays. Les « Misrati » ont pour ambition de contrôler la vaste région centrale autour de Misrata, grande ville portuaire. Les frères musulmans, avec l’aide des services secrets d’Erdogan, essaient de l’infiltrer pour la contrôler. De leur côté les services italiens ont conservé des liens étroits avec Misrata et les frères musulmans.
2- La milice de Zintan :
C’est la seconde milice la plus importante en Tripolitaine. Elle a joué un rôle important pour la libération de Tripoli, lors des batailles dans le Djebel Nefoussa. Elle contrôle une partie des montagnes de l’ouest, des frontières avec l’Algérie et la Tunisie et la Hamada Al-Hamra, vaste étendue désertique qui s’étend jusqu’au grand Sud. Elle tient sous sa coupe le pétrole de la Tripolitaine et détient le fils de Mouammar Kadhafi, Seif al-Islam qu’elle refuse de livrer à la justice nationale et internationale.
3- Les milices du général Khalifa Haftar :
Le général a regroupé sous sa bannière des éléments de l’armée régulière libyenne, dont les forces de l’armée de l’air et a su attirer et obtenir l’appui de la milice de Zintan. Son PC se trouve à Al-Abyar (à l’est de Benghazi). Un grand nombre de conseils municipaux de l’Est – dont celui de Benghazi – se sont ralliés à sa cause, tout comme la Chambre des représentants de Tobrouk.
4- Les milices islamiques et Daech :
Un grand nombre de Libyens avaient déjà combattu avec Daesh en Iraq et Syrie. Ces combattants étaient rentrés en Libye en 2015 tout en conservant des relations étroites avec leurs contacts en Iraq et en Syrie. Ils s’étaient initialement établis à Derna et se sont nommés « Wilaya Barqa » sous le commandement d’Abou al-Mughirah Al-Qahtani, décrit comme le « chef délégué pour la Wilaya libyenne ». L’apport de combattants de Tunisie et d’Algérie et de transfuges d’autres groupes islamistes libyens était à l’origine de son expansion relativement rapide.
Enjeux actuels :
En Libye, l’année 2017 a commencé avec une situation profondément modifiée par rapport à janvier 2016 tant sur les plans politique que sécuritaire. Cette évolution constitue un succès pour la politique Russe et chinoise en méditerranée orientale et annonce l’échec de l’accord de Tunis de décembre 2014, réalisé sous l’égide de l’ONU et soutenu par les puissances occidentales.
1- Sur le plan sécuritaire, comme on pouvait l’entrevoir au début de l’année 2016, la greffe de Daech n’a pas réussi à prendre en Libye. L’État islamique a été chassé de sa ville-base de Syrte par la milice de Misrata après quatre mois de durs combats durant lesquels elle a subi des pertes importantes qui l’ont affaibli. Le Général Kalifa Haftar en a profité pour s’emparer presque sans combattre du croissant pétrolier Libyen, lui permettant avec son allié, la milice de Zintan, de contrôler désormais toute la production pétrolière et gazière libyenne qui a été relancée. Cette victoire a conduit le Conseil municipal de Misrata à donner des gages au général Kalifa Haftar. Elle met également en lumière l’impuissance de Fayez el-Sarraj. De plus, elle fournit une preuve supplémentaire de l’influence grandissante de la Russie en méditerranée orientale.
Cette impuissance trouve sa source dans le sentiment que Fayez el-Sarraj est l’homme lige de l’Occident. Or, le peuple libyen dont l’ADN tribal a subi pendant plus de 40 ans la greffe de la propagande nationaliste de Kadhafi et anti-occidentale des Frères Musulmans, perçoit dans sa majorité Fayez el Sarraj comme un valet d’un occident qui veut faire main basse sur les immenses ressources pétrolières et gazières de la Libye.
Fayez el-Sarraj est appuyé par les six pays de la communauté internationale (États-Unis, Grande-Bretagne, Allemagne, Espagne, Italie et France) qui exigeaient un retrait immédiat des forces de Haftar du croissant pétrolier. La coalition occidentale s’est trouvée confrontée au refus de l’Égypte, associée à la Russie et à la Chine de s’associer à une quelconque condamnation par le Conseil de sécurité de l’ONU de l’action de force entreprise par le général Haftar. Ce dernier, que l’on présentait comme un agent de la CIA, était allé en juin 2016 à Moscou demander le soutien russe. Il y est d’ailleurs retourné les 27 et 28 novembre 2016 pour une visite de 48 h.
2- Sur le plan politique, ces actions, qui sont probablement l’amorce d’un ralliement de Misrata au général Haftar, fragilisent le Conseil de Présidence issu de l’accord de Tunis de décembre 2014 et qui est présidé par Fayez el-Sarraj et dont les misratis étaient le principal soutien. Face à cette situation c’est clairement le Général Haftar qui tient dans ses mains l’avenir du pays à condition qu’il arrive à pérenniser son rapprochement avec Misrata.
Sambou Sissoko
APRES LA MORT DE KADHAFI : La Libye n’a plus les attributs d’un Etat !
Après la mort du guide la révolution Kadhafi, la Libye n’a plus les attributs d’un État. Il n’y a plus unité de la puissance publique. La place est tenue par des milices armées allant des idéalistes nationalistes en passant par toutes les chapelles du crime organisé. Le tout sous le regard bienveillant des compagnies pétrolières qui forent tranquillement pendant que les pauvres diables s’entretuent. Et personne ne s’y intéresse.
Trois principaux groupes rivaux se sont partagés la Libye et l’Occident en reconnaît un seul au gré de ses intérêts. Ce groupe-là est considéré comme représentatif de l’État Libyen au plan international. Mais sur le terrain, il ne contrôle qu’une partie du territoire. Et encore, c’est devant les Ambassades de ce groupe que des gens, certainement de bonne Foi, ont été invités à manifester pour camper un décor. À quelles fins? On va y voir clair tôt ou tard.
Encore une fois ce qui se passe en Libye ne relève pas d’une traite des esclaves entre arabes et africains. Cette piste nous éloigne des véritables enjeux. Ce qui est en cours en Libye ce sont des prises d’otages avec demande de rançons. Des criminels tirent profit de la zone de non droit qu’est devenue le pays pour abuser du désarroi des migrants éperdus devant les portes fermées de l’occident pour rançonner leurs familles. Une chaîne d’extorsion de fonds dont les payeurs ultimes sont les familles des migrants restées au pays est composée, malheureusement, d’africains bon teint en cheville avec des réseaux mafieux qui se servent en amont et en aval laissant le sale boulot aux….africains. Ceux qui ont accès aux Mamelles de l’aide européenne pour stopper la migration se servent en amont. Les autres rackettent les familles des jeunes pris dans la nasse. À titre d’exemple deux jeunes gambiens armés de Kalachnikov, à ce qu’il paraît, terrorisent littéralement les habitants d’une localité dénommée Baniwalid… Le banditisme n’a ni race ni couleur! Il cohabite souvent avec la déraison d’État…
Comme depuis si longtemps, c’est surtout en nous et autour de nous que se trouve la racine du mal. Cas pratique : un migrant est capturé par une bande X. Sa « valeur » est estimée lorsqu’on lui propose de le libérer moyennant une somme ( y). S’il peut s’en acquitter sur place il s’appauvrit mais conserve une valeur marchande s’il a de la famille au pays. Il peut rester dans le marché aussi longtemps qu’il pourra lancer des appels de fonds au pays. Dans certains cas, il peut être vendu à un agriculteur qui le fera travailler…gratuitement moyennant, s’il a de la chance, une « liberté » après services rendus et sévices subis. Le même système existe dans le Sud de l’Europe, en Italie et en Espagne. Les Africains qui travaillent dans les champs, sans protection sociale ni droits syndicaux sont-ils mieux que des esclaves? Combien d’africains sont dans les prisons italiennes ou ont été coulés dans du béton par la Camorra sicilienne? Les sans-papiers qui vivent aux États-Unis pendant des dizaines d’années, qui y travaillent avec des salaires de misère, sans aucun droit sont-ils moins que des esclaves? Alors évidemment que dans tous ces cas les « noirs » sont toujours les dindons de la farce! Mais le vrai ennemi c’est le système, l’ordre mondial de production et des échanges. Ne soyons pas détournés des véritables enjeux: comprendre la nature sournoise, et sans états d’âmes, du système capitaliste qui ne lésine sur aucun moyen pour perpétuer un ordre du monde qui garantisse la survivance de son modèle.
Aujourd’hui, les réseaux sociaux sont le canal par lequel nos esprits sont préparés au pire à notre insu. On nous oriente vers des moulins à vent comme jadis Don Quichotte. Nous brassons beaucoup d’air mais nous restons assis devant nos claviers. La réalité se joue ailleurs. Qui a compris le rôle des réseaux sociaux dans ce que l’on a appelé les « Printemps arabes » avec le résultat que l’on peut observer maintenant, pourra comprendre ce qui est en cours en Afrique. Hélas, il sera toujours difficile dans le chaud de l’action de poser un discours allant à l’encontre de la machine de propagande qui est derrière le formatage de l’opinion.