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Minusma et Barkhane : Des forces d’occupation ou d’invasion ?
Publié le jeudi 23 novembre 2017  |  L’aube
Mali
© Autre presse par DR
Mali : un camp de la Minusma pris pour cible par des tirs d’obus à Gao
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La MINUSMA et Barkhane ne sont ni des forces d’occupation militaire, ni des forces d’invasion militaire, mais ce sont des forces armées étrangères dites d’ « intervention sollicitée », qui tombent sous le coup de la légalité internationale. Analyse du Dr Salifou Fomba, professeur de droit international à l’université de Bamako.
En effet, comme la Cour Internationale de Justice l’a clairement dit en 2005, pour que la présence militaire étrangère soi licite, il faut qu’elle réponde aux critères suivants : 1-la demande d’assistance de la force étrangère doit avoir été faite expressément par le Gouvernement malien ; 2-l’habilitation donnée à la force étrangère ne doit pas avoir été retirée par le Gouvernement malien ; 3- l’habilitation ne doit pas avoir vu son terme, fixé au préalable, arrivé à échéance. Rien n’empêche donc le Mali de réagir si les forces armées étrangères sollicitées venaient à se comporter mal au regard du droit international.



A-Nature juridique de Barkhane

Une distinction technique doit être faite entre deux notions, à savoir d’une part l’ « occupation militaire», et d’autre part l’ « invasion militaire». Un territoire est considéré comme « occupé » militairement lorsqu’il se trouve placé de fait sous l’autorité de l’armée ennemie. Un territoire est considéré comme « envahi » lorsque les forces armées ennemies y stationnent ou y combattent et que l’autorité de l’ennemi n’y est pas encore établie. Barkane n’est ni une force d’occupation militaire, ni une force d’invasion militaire, même si par sa présence et ses activités, elle porte certainement atteinte à l’exercice exclusif des compétences de l’Etat Malien. Mais puisque cela se fait avec le consentement explicite ou implicite de l’Etat malien, il n’y a donc pas d’illégalité. Cela étant dit, il est important de savoir que si l’Etat malien estimait que, dans la gestion du problème du Nord, la France a violé sa souveraineté et son intégrité territoriale, il pourrait parfaitement, c’est son droit et même son devoir, protester auprès de l’Etat français, et si cela ne suffisait pas, il pourrait porter l’affaire devant la Cour Internationale de justice de la Haye, si les conditions techniques en étaient remplies. Il faut savoir ici, et cela est très important que le Mali est le parfait égal de la France en droit international et devant le juge international. La Cour de la Haye dira si oui ou non, l’Etat français a commis un fait internationalement illicite, c’est-à-dire violé une obligation internationale due à l’Etat malien, et dans quelle mesure la France doit mettre fin à ce fait illicite s’il est continu, et/ou en réparer les conséquences dommageables. Pour ce faire, le Mali a à sa disposition un guide pratique, à savoir les projets d’articles sur la responsabilité internationale de l’Etat, adoptés par la Commission du droit international de l’ONU et transmis à l’Assemblée générale à New York en 2001. L’Etat malien pourrait également, il en a le droit en vertu de sa souveraineté, demander à la France de mettre fin à l’Opération Barkane et de retirer ses soldats, s’il estimait que cela serait politiquement, militairement et stratégiquement opportun. On sait que des rumeurs les plus folles et insensées ont pu circuler comme quoi : 1-c’est la force française Serval ou Barkane qui aurait empêché l’armée et l’administration maliennes d’entrer dans Kidal ; hypothèse qu’un juriste internationaliste a beaucoup de mal à imaginer, car cela reviendrait ni plus ni moins à admettre : a-que la force française s’est transformée d’une force sollicitée par le Mali en une véritable force d’occupation militaire au sens juridique du terme ; b- que la France s’est ainsi rendue coupable d’une violation flagrante du droit International, sans être inquiétée le moins du monde ; c- que le Gouvernement malien a pu curieusement cautionner une telle attitude, en laissant agir la force française comme elle veut ; d- que l’Etat malien , en ne protestant pas vigoureusement et en ne rappelant pas la France à l’ordre a purement et simplement démissionné de ses fonctions d’Etat souverain et indépendant, et failli à son devoir d’exiger le respect du droit international à son égard ; 2- C’est la France qui aurait soutenu ou continuerait de soutenir les rebelles ; hypothèse qui, si elle était vérifiée prouverait à suffisance : a- que la France aura tenu un double langage en voulant une chose et son contraire ; c’est-à-dire défendre l’intégrité et l’unité du Mali, et dans le même temps contribuer à la remise en cause de ces principes existentiels fondamentaux de l’Etat malien ; b- que la France aura flagramment violé les prescriptions de la résolution 2 625 de l’Assemblée générale des Nations-Unies relative aux principes du droit international touchant les relations amicales et la coopération entre les Etats du 24 octobre 1970, à savoir : i- ne pas intervenir directement ou indirectement, pour quelque raison que ce soit, dans les affaires intérieures du Mali ; qu’il s’agisse d’une intervention armée ou de toute autre forme d’ingérence dirigées contre le Mali ; ii- s’abstenir d’organiser, d’aider, de fomenter, de financer, d’encourager ou de tolérer des activités armées subversives ou terroristes destinées à changer par la violence le régime politique du Mali ; iii- ne pas intervenir dans les luttes intestines du Mali ; 3- Ce sont les soldats français de Barkane qui auraient procédé à l’exploitation dans la région de Kidal, de gisements d’or et même d’autres matières, hypothèse qui, si elle était fondée, prouverait clairement : a- que de telles ressources minières existent effectivement, b- qu’elles sont exploitables à ciel ouvert et à l’abri des regards, c- que cela ne peut donc se faire que soit à l’insu des autorités maliennes, soit avec leur complicité, d- qu’en tout état de cause, du point de vue juridique, cela constitue indéniablement une flagrante violation par la France du principe de la souveraineté permanente du Mali sur ses ressources naturelles, solidement consacré par le droit international coutumier.

B- Nature juridique de la Minusma

La Minusma n’est ni une force d’occupation militaire ni une force d’invasion militaire, ni une mission d’administration intérimaire au Mali ; même si sa présence et ses activités portent atteinte à l’exclusivité de la compétence territoriale de l’Etat malien. Mais dès lors que cela se passe conformément à la Charte des Nations-Unies, aux résolutions pertinentes du Conseil de sécurité, et aux termes de l’accord spécial conclu entre l’ONU et l’Etat malien, il n’y a pas d’illégalité. En principe, les soldats de l’ONU : 1- s’interdisent toute ingérence dans les affaires intérieures du Mali et ; 2- ne mettent pas en question le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes.

Dans les faits, les forces des Nations-Unies peuvent : a- par leur seule présence, geler la situation politique sur le terrain, b- avoir pour mandat de faciliter un règlement politique entre les factions nationales, tel est le cas au Mali, c- très exceptionnellement, comme ce fut le cas en 1961 dans l’affaire du Congo, recourir à la force armée pour empêcher la guerre civile, et obtenir le retrait des forces étrangères y compris les mercenaires. Si l’argument de triple inopportunité-politique, militaire et stratégique-était avancé et justifié à propos de la Minusma : 1- l’Etat malien pourrait demander à l’ONU le retrait de ses soldats du territoire national ; 2- l’ONU serait obligée de se plier à la volonté de l’Etat malien, souveraineté oblige ; 3- étant entendu que si les conditions de retrait étaient précisées dans l’accord spécial ONU/Mali, les deux parties devraient en respecter les termes ; 4- en tout état de cause, il appartiendra à l’Assemblée générale et au Conseil de sécurité d’apprécier les conséquences du retrait pour le maintien de la paix. On peut citer un exemple concret : en 1967, l’Egypte a demandé à l’ONU le retrait de la FUNU I ; confronté à une telle demande, le Secrétaire général de l’ONU s’est incliné, tout en considérant que, pour les Opérations de maintien de la paix décidées et dirigées par le Conseil de sécurité, seul ce dernier pouvait imposer le retrait de la force. Si l’Etat malien estimait : 1-que l’ONU, à travers la Minusma, a commis un fait internationalement illicite qui lui est imputable en vertu du droit international ; 2- que ce fait a lésé individuellement l’Etat malien ; ce dernier pourrait : a- invoquer la responsabilité de l’ONU, b- notifier à l’ONU sa demande, en précisant notamment : i- le comportement que devrait adopter l’ONU pour mettre fin au fait illicite si ce fait est continu, ii- et la forme que devrait prendre la réparation du préjudice. Pour la gouverne de l’Etat malien, il peut utilement se référer au projet d’articles sur la responsabilité des Organisations internationales, adopté et transmis par la Commission du droit international de l’ONU à l’Assemblée générale à New-York en 2011.

Dr Salifou FOMBA

Professeur de droit international à l’Université de Bamako ; Ancien membre et vice-président de la Commission du droit international de l’ONU à Genève ; Ancien membre et rapporteur de la Commission d’enquête de l’ONU sur le génocide au Rwanda ; Ancien conseiller technique au Ministère des Affaires étrangères.

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