Après son incapacité notoire à relever le défi sécuritaire quand il était au département de la Défense et des Anciens combattants, le ministre de l’Administration territoriale, Tièman Hubert Coulibaly, se trouve encore dans l’impossibilité de tenir les scrutins du 17 décembre prochain. Il est non seulement inquiété par des irrégularités dans le projet de convocation de collèges, mais aussi par des groupes de pression : le Crnop, la CMA et ses camarades de la CMP.
Le report des élections locales, régionales et du district de Bamako du 17 décembre prochain est imminent. Même si cette date paraissait tenable pour certains, quelques observateurs sceptiques avaient estimé la position du gouvernement unilatérale, et relevé des irrégularités dans le fond.
En effet, le ministre de l’Administration territoriale Tièman Hubert Coulibaly s’est permis de proposer au gouvernement, qui les ont adoptés au Conseil des ministres du 5 octobre 2017 quatre projets de décret de convocation de collèges pour le même dimanche 17 décembre 2017 : des élections de conseillers communaux, de conseillers de cercle, de conseillers régionaux et de conseillers du district de Bamako.
Ces décrets ont été entérinés par le président IBK. Les observateurs de la scène politique avaient dénoncé des illégalités et de nombreuses autres irrégularités qui ne sauraient aucunement servir de fondement juridique régulier à une élection démocratique.
De plus, le collège électoral en ce qui concerne les membres des Forces armées et de sécurité n’est pas convoqué le dimanche 17 décembre 2017, du fait du décalage légal du vote des membres des Forces armées et de sécurité qui précède d’une semaine celui du reste du corps électoral. «Il aurait fallu, en application de l’alinéa 2 de l’article 87 de la loi électorale, annoncer dans les décrets de convocation des collèges électoraux, la date anticipée d’une semaine en ce qui concerne le vote des membres des Forces armées et de sécurité. Les listes électorales et d’émargement et dans quels bureaux de vote spécifiques les membres des forces armées et de sécurité vont voter», dénonçait Dr. Bréhima Fomba.
Le dernier alinéa de l’article 87 de la loi n°2016-048 du 17 octobre 2016 portant loi électorale a comme implication logique et naturelle à la charge du gouvernement, la mise en œuvre obligatoire des alinéas 3, 4 et 5 de l’article 39 relatifs à la révision exceptionnelle des listes électorales, afin d’identifier dans le fichier électoral et les en extraire, les électeurs membres des Forces armées et de sécurité. «En introduisant le vote intuitu personae par anticipation des seuls électeurs membres des Forces armées et de sécurité, le législateur a de ce fait, indirectement condamné le gouvernement à une révision exceptionnelle des listes électorales qui aurait dû intervenir depuis le 17 octobre 2016. Faute d’une telle opération qui n’a jamais eu lieu, il n’existe pas de listes électorales ni de listes d’émargement pour les membres des Forces armées et de sécurité qui ne peuvent en conséquence voter par anticipation. Il est impossible d’envisager dans ces conditions la création de bureaux de vote devant recevoir leur vote anticipé…», avait-il ajouté.
«Les conditions légales du vote par anticipation des membres des Forces armées et de sécurité ne sont donc pas réunies et le gouvernement ne peut aucunement organiser un quelconque scrutin au Mali sans priver de leur droit constitutionnel de vote, les électeurs membres des Forces armées et de sécurité. Jusqu’à ce jour, il se trouve qu’aucun décret relatif à ce vote par anticipation des membres des Forces armées et de sécurité n’a été adopté par le gouvernement. Le couplage de scrutins est régi par le dernier alinéa de l’article 88 de la loi électorale qui dispose ainsi qu’il suit : en cas de couplage de scrutins, les modalités du déroulement des opérations de vote, de dépouillement et de centralisation des résultats sont déterminées par décret pris en conseil des ministres sur proposition du ministre chargé de l’Administration Territoriale…».
Pour le constitutionnaliste, ces graves irrégularités qui, sans doute par pur opportunisme, ne semblaient pourtant guère émouvoir outre mesure la classe politique, constituent une véritable négation de la démocratie. Face à cette situation de déni d’Etat de droit, toute la question maintenant est de savoir quelle va être l’attitude exacte de la CENI dans laquelle sont injectées de faramineuses ressources publiques.
En plus de ces observations, des groupes de pression s’étaient fait entendre notamment le Collectif des régions non-opérationnelles et la Coordination des mouvements de l’Azawad (CMA). S’agissant de la question des régions non-opérationnelles, le ministre de l’Administration territoriale, Tiéman Hubert Coulibaly, a proposé un nouveau calendrier pour les localités de Koutiala, Bougouni, San, Nioro du Sahel, Dioïla, Nara, Bandiagara, Douentza et Kita, sur trois ans. Cette proposition a été rejetée par le Collectif des régions non opérationnelles. Lequel exige l’opérationnalisation de toutes les régions avant les élections régionales de décembre.
«Nous ne pouvons plus attendre. Nous voulons l’opérationnalisation simultanée de ces neuf régions vu que l’article 4 de ladite loi est épuisé. Nous rejetons le calendrier du ministre et exigeons la nomination des gouverneurs desdites régions d’ici les élections régionales de décembre. Faute de quoi, il n’y aura pas d’élections dans ces localités», avait prévenu Mamba Coulibaly, président du Cernop, juste après l’interpellation du MAT à l’Assemblée nationale.
D’ici là, le Collectif, qui a déjà fait le tour de toutes les localités concernées, projette une marche de protestation contre le calendrier du MAT. «Nous marcherons le 18 novembre prochain, à Bamako, pour exiger l’opérationnalisation de nos régions. Les coordonnateurs et les chefs de village viendront de toutes les localités concernées pour prendre part à la marche», avait annoncé Mamba Coulibaly.
Le Crnop n’est pas seul. La Coordination des mouvements de l’Azawad (CMA) s’est fait entendre. Dans un communiqué publié, la CMA a informé l’opinion nationale et internationale que, depuis le samedi 21 octobre, date de la rencontre des parties signataires de l’Accord issu du processus d’Alger en présence des membres de la mission du Conseil de sécurité de l’ONU à Bamako, il avait été identifié un ensemble de points prioritaires qui handicapent la mise en œuvre dudit accord. Ces points ont également été portés le 24 octobre à la dernière session du Comité de suivi de l’Accord (CSA) afin de les inscrire dans un chronogramme consensuel réalisable, qui serait discuté entre les parties maliennes.
Au même moment, le gouvernement persiste dans la logique unilatérale d’organiser les élections communales et régionales en convoquant le collège électoral sans discussions préalables avec les parties signataires. Au regard de cette situation, la CMA s’oppose à l’organisation des élections dans les régions de l’Azawad sans une prise en compte des aspects politiques inscrits dans l’Accord pour la paix et la réconciliation, notamment l’opérationnalisation des Autorités Intérimaires, l’organisation du retour des réfugiés/déplacés, la révision des listes électorales, la relecture des lois portant libre administration et codes des Collectivités Territoriales et bien d’autres aspects y afférents. «La CMA demande au Gouvernement du Mali de surseoir à la tenue de ces élections jusqu’à la mise en place des conditions optimales, idoines et transparentes pour la tenue de ce rendez-vous décisif pour l’ensemble des populations et ce, sous l’égide de la Communauté Internationale… ».
Malgré ces observations, le ministre de l’Administration territoriale affiche sa volonté de tenir les élections des conseillers communaux, des conseillers de cercle, des conseillers régionaux et des conseillers du district de Bamako, le 17 décembre 2017.
De son côté, le questeur de l’Assemblée nationale, l’honorable Mamadou Diarrassouba, vient de souhaiter le report de ces élections. Ce député de la majorité demande le report au nom de l’unité nationale. Le député élu à Dioïla, sous les couleurs du parti présidentiel, Mamadou Diarrassouba, 1er questeur de l’Assemblée nationale, s’inquiète de la partition du pays si le scrutin n’était pas inclusif.
Réputé pour sa fidélité au président de la République Ibrahim Boubacar Kéita, l’honorable Diarrassouba craint un scrutin non inclusif pouvant renforcer la position des séparatistes. «Si on ne fait pas attention, on risque d’aller à la division du pays sans le vouloir», prévient-il.
Il fonde son raisonnement sur le fait que 59 communes ne pourront pas participer aux élections. Du coup, explique-t-il, elles manqueront ainsi à trois scrutins majeurs : les communales du 20 novembre 2016 mais aussi les locales et régionales, et surtout le renouvellement du Haut conseil des collectivités.
En s’entêtant à organiser ces élections, le ministre de l’Administration territoriale, Tièman Hubert Coulibaly, court derrière son deuxième échec cinglant, après son passage éphémère au ministère de la Défense en 2015.