Aux Etats-Unis, au Canada, en Europe et dans de nombreux pays développés, au moment où les consommateurs se ruaient dans les magasins pour les dévaliser à l’occasion du Black Friday (Soldes du lendemain de Thanksgiving), l’Egypte, elle, vivait un "vendredi noir", au propre, avec 235 morts dans la pire attaque jamais survenue au pays contre une mosquée.
Des terroristes lourdement armés qui encerclent la « Maison de Dieu » pendant la grande prière de vendredi, y balancent une bombe et tirent dans la foule des fidèles, à l’aveuglette, comme dans un jeu. Quelle horreur insoutenable ! Aucun mot dans aucune langue n’est suffisamment fort et explicite pour exprimer ma condamnation de ce crime odieux, ma colère, ma révolte, mon indignation et aussi, malheureusement, ma résignation. Si l’ampleur du massacre dépasse tout entendement, il faut cependant se résoudre à constater ou admettre que la mort se banalise dans de nombreuses régions du monde.
On compte les victimes : 1, 10, 20, 100, 200… On tourne la page et on passe à autre chose en oubliant, peut-être, que chaque vie compte, que chaque mort est une mort de trop et surtout que nul n’a le droit d’ôter la vie à son prochain. Donner la mort ne peut pas être un jeu d’enfant. C’est inadmissible. Quelles que soient les raisons invoquées, rien ne justifie un tel carnage, une telle boucherie, un tel massacre.
Je suis d’autant plus choqué et indigné que ceux qui se rendent coupables de cette monstruosité prétendent le faire au nom de l’Islam. Je voudrais demander à tous les théologiens et érudits musulmans de me montrer, dans le Saint Coran, un seul passage qui autorise, recommande et légitime le massacre, la barbarie et l’horreur.
Qu’ils arrêtent d’instrumentaliser la religion et qu’ils se présentent, s’ils ont une once de courage, sous leur vrai visage : des terroristes assoiffés de sang, des criminels obscurantistes et des illuminés qui iront pourrir en enfer. Il est temps que nous quittions nos égoïsmes et notre hypocrisie pour sonner la charge contre le terrorisme, tous les terrorismes, ainsi que leurs complices. Nulle part au monde, les terroristes et ceux qui les inspirent, les encouragent et les financent ne devraient trouver de refuge.
Ceux qui endeuillent au quotidien les familles et les Etats au Burkina Faso, au Mali, au Niger, au Nigéria, au Tchad, au Cameroun, en Somalie, en Egypte, en Syrie, en Irak, en Afghanistan, aux Philippines… ne méritent aucune clémence. Ce sont des bêtes fauves qui doivent être traitées comme telles et éradiquées comme de la vermine.
Je n’ai certes aucune prétention, ma voix ne portant pas au-delà de la colonne d’un journal qui n’est lu que par quelques privilégiés, mais j'en appelle à un sursaut mondial, à une coalition internationale contre le terrorisme avec des objectifs clairs : débusquer toutes les personnes convaincues de terrorisme ainsi que leurs complices, actifs et passifs, pour les soumettre à la justice des hommes dans toute sa rigueur. Si nos enfants et petits-enfants grandissent dans un tel environnement international où la mort se banalise, il est à craindre que, avec l’effet voyeuriste de certains médias à sensation et des réseaux sociaux, nos sociétés soient condamnées à reproduire la violence.
Ce serait notre perte, l’enclenchement du processus de notre déshumanisation qui bénéficierait de particules d’accélération que sont la misère, la pauvreté, l’injustice, les frustrations de toutes natures… A propos du massacre de Bir al-Abed, dans le Sinaï, j’ai lu des tonnes de tweets de condamnation des dirigeants du monde entier, écouté des réactions de colère, de condamnation et d’indignation. Mais combien parmi ceux qui nous gouvernent soumettront-ils à leurs pairs un agenda international crédible pour aller dans le sens d’une coalition mondiale contre le terrorisme ?
Combien seront-ils à se déplacer en Egypte, au Mali, au Nigeria… pour exprimer soutien, compassion et solidarité aux peuples et autorités de ces pays qui sont constamment dans l’œil du cyclone ? Combien serons-nous à renoncer à nos plans de weekend par solidarité avec le peuple d’Egypte ? Il ne faut surtout pas culpabiliser. Vous n’y êtes pour rien ! Les Egyptiens comme les Maliens, peuples meurtris par la violence terroriste aveugle, savent se défendre, avec les moyens qui sont les leurs. Mais je doute fort que nos Etats cloisonnés soient en mesure d’apporter la réponse adéquate au terrorisme.
Ils n'y sont pas convenablement préparés et la colère perceptible dans la voix d'Abdel Fattah al-Sissi, appelant l'armée et la police à la vengeance, est la pire des options. Le phénomène pourrait connaître son âge d’or dans les prochaines années même si, il faut s’en réjouir, l’Etat Islamique au Levant, a été défait. Mais alors, que ceux qui sont prompts à donner la leçon ne viennent pas nous dire que l’Afrique ne fait rien contre le terrorisme quand, à l’origine, ce sont leurs services secrets qui ont recruté, formé et armé les mentors des poseurs de bombe d’aujourd’hui. Au nom de la communauté de destin et des valeurs de civilisation qui nous sont communes, il est temps d’agir pour enrayer le cancer du terrorisme.