L’affaire Ras Bath, du nom du célèbre chroniqueur radio, si tant elle en était une, a connu, hier, son dernier acte. Faut-il du moins l’espérer. Par un coup d’éclat ! Non, par une renonciation, un abandon des poursuites par le même ministère public qui les avait requises l’année dernière, contre toute attente. Parce qu’on est tenté de dire : tout ça pour ça !
Victoire de la liberté de la presse ? Consécration de l’indépendance de la justice ? Simple esquive face à la pression montante de toutes parts ? L’office du magistrat debout, dans cette affaire Ras Bath, alimentera longtemps les chroniques autres que correctionnelles.
Le reporter retiendra, par élégance, que la Cour dans sa sagesse a choisi d’abandonner les poursuites et a blanchi le confrère. Ceux qui, vents debout contre le régime, pour de bonnes raisons ou d’insoupçonnables agendas, avaient planifié d’en découdre vont encore prendre leur mal en patience. La reculade du Ministère public, édictée ou non d’en haut, moquée par allégorie en sursis, report, abandon… est de bonne augure. Elle apaise un climat déjà tendu au sein de l’Exécutif qu’une condamnation éventuelle aurait sonné comme une injustice et vite fait de propager dans le landerneau politique et dans le bas peuple qui a adopté Ras Bath comme son « apôtre ».
Parce qu’ils étaient tous là les agitateurs de la République, des politiciens désabusés, désenchantés et désappointés qui rêvent de prétexte, de revanchards enrobés des vertueux manteaux d’amis et de défenseur de la presse, aux vrais activistes connus et reconnus des réseaux sociaux… comme avec ses attentes à travers une communion circonstancielle.
Ras Bath la cause commune ? Pas si évident.
En refusant de faire de la justice cette forme endimanchée de la vengeance, la Cour d’Appel de Bamako s’est rappelé qu’un jugement trop prompt est souvent sans justice. Comme le dirait l’autre, elle a fauché l’herbe sous les pieds de ceux voulaient prendre comme alibi Ras Bath pour assouvir leurs desseins. Dommage…
Impunité et licence d’impertinence accordées aux journalistes et à tous les activistes tapis les rangs de l’opposition ? Le « repli stratégique » dans l’affaire fera sans nul doute jaser, piailler, geindre ou gémir les adversaires de Ras Bath et les partisans de l’autorité sans concession de l’État, mais le vin est tiré.
Pour les professionnels des médias que nous sommes, c’est un happy end. Quel que soit ce qu’on peut reprocher à Mohamed Youssouf Bathily alias Ras Bath, tant qu’il aura un micro entre les mains, il est et sera de cette famille qui croit, juste et légitime, que la liberté d’expression n’a de sens que lorsque celui qui détient entre ses mains la plume ou le micro peut dire aux gens ce qu’ils n’ont pas envie d’entendre.
Pour les partisans du « choquer pour informer », il ne doit y avoir rien de sacré, tout doit pouvoir se dire. À l’école de Ras Bath, «la liberté de tout dire n’a d’ennemis que ceux qui veulent se réserver la liberté de tout faire. Quand il est permis de tout dire, la vérité parle d’elle-même et son triomphe est assuré» ?
La République permet-elle une liberté d’expression absolue ? En d’autres termes, en République, chacun a-t-il le droit d’offenser et d’être offensé ? Suivant Georges Washington, nous disons simplement que «si la liberté d’expression nous est enlevée alors, muets et silencieux, nous pourrons être conduits à l’abattoir comme des brebis.»
Pour nous ici à Info-Matin, un journaliste est un journaliste. La défense du droit à la liberté de presse et celle d’expression ne peut être limitée aux seules idées et opinions qu’on approuve. Au contraire, c’est même pour les idées qu’on trouve offensantes que ce droit doit être défendu le plus vigoureusement.
En effet, selon le prince du reportage et auteur de « Terre d’ébène », Notre métier n’est ni de faire plaisir ni de faire du tort. Notre rôle n’est pas d’être pour ou contre, il est de porter la plume dans la plaie. Le Quotidien des sans voix s’est sien cette conviction.