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Dans la clinique de prévention contre le VIH où les homos du Mali trouvent refuge
Publié le jeudi 30 novembre 2017  |  www.neonmag.fr
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Prévention, écoute : la clinique des Halles de Bamako offre un répit bienvenu aux homosexuels encore rejetés par la société malienne. Reportage.

Quand un contact Facebook lui donne rendez-vous pour un plan drague, Diarra, 30 ans, ne se méfie pas. “On sait qu’on est tous les deux homos.” Sauf que Diarra tombe dans un guet-apens. Arrivé sur place, son rendez-vous entre dans un commissariat de Bamako au prétexte de récupérer une pièce d’identité, puis l’incite à le suivre. Les policiers le bouclent en garde à vue toute une nuit, sans aucun motif. “J’ai été enfermé en prison à cause de mon orientation sexuelle, résume le jeune homme. J’ai pleuré, beaucoup. Ils ont appelé ma nièce qui a prévenu ma mère, mes frères ; c’est comme ça qu’ils ont appris que j’étais homo”.

Diarra finit par être relâché contre une extorsion financière. Depuis, il se sait discrètement écarté des fêtes de famille. “Si je viens, je salis ma maman, constate le jeune homme, lunettes Aviator sur le nez. Quand elle me clashe sur l’homosexualité, je ne réponds pas. Il n’y a que mon père qui me soutient.”

Il n’y a pas beaucoup d’endroits au Mali où un homo peut se raconter de la sorte. C’est possible dans cette longue pièce impersonnelle, au bout d’un local difficilement identifiable de l’extérieur. Diarra, Keita et Kamarra travaillent à la clinique des Halles de Bamako, un organisme de lutte contre le VIH ouvert de 16 heures à minuit. Située dans un quartier populaire, à côté d’une énorme halle qui fait office de squat et où les bordels sont nombreux, la clinique cible les prostituées et les hommes qui couchent avec les hommes. Dans le jargon sanitaire, on les appelle des “populations clés”, celles qui sont les plus exposées au VIH, et aussi les plus oubliées par les autorités.

Le docteur Coulibaly coordonne les activités de la clinique, créée en août 2010 dans le cadre de l’association Arcad, qui lutte contre le VIH dans tout le Mali. “Vous n’avez pas besoin d’être parfait” peut-on lire dans son bureau, sur une affiche punaisée derrière lui. Le médecin raconte : “Avant la création du centre, on a mené une enquête qui nous a convaincus du manque d’infos chez les HSH (hommes qui ont des rapports sexuels avec des hommes, ndlr). Ils pensaient être protégés du VIH en raison de leur homosexualité… Vu qu’en 2004 les campagnes de prévention ne visaient que les hétéros !”


© NEON
13% des homosexuels au Mali sont séropositifs, contre un peu plus de 1% de la population générale. Il y a donc urgence. Dans le centre, les 700 visiteurs réguliers (dont 130 homos) peuvent se dépister, s’informer, récupérer du lubrifiant ou des préservatifs. Mais aussi trouver écoute et soutien. Dans ce pays francophone d’Afrique de l’Ouest à majorité musulmane, l’homosexualité n’est pas officiellement illégale comme en Ouganda ou au Nigeria. Mais quand on demande aux trois jeunes hommes si la vie est difficile en tant que gay ici, ils rient nerveusement tant la réponse leur paraît évidente, et la question bête.

“La religion pense que tu es maudit, la culture malienne dit que c’est immoral, éclaire Keita, lucide. Quand on découvre l’homosexualité dans ta famille, il faut la quitter. Dans les établissements scolaires, si on le sait tu es foutu, tu seras indexé “ah voilà le pédé”. C’est pourquoi beaucoup d’homos abandonnent leurs études. Et séropo, c’est plus fort que tout, tu es banni de la société, c’est la mort pour toi.”

Illustration de la persistance du stigmate : une écrasante majorité des gays au Mali sont mariés à une femme. “Moins de 2% des homos que je connais sont sortis du placard et acceptés par leur famille l’accepte », estime le directeur du centre.

Comment faire des rencontres quand la stigmatisation pèse si lourd ? Les pages privées Facebook permettent d’échanger discrètement, cachés derrière de faux profils. Kamarra tente des posts de sensibilisation au VIH sur ces pages, faute de pouvoir faire venir les principaux concernés à la clinique. « Beaucoup de gens ne veulent pas aller dans un endroit gay. » Les tentatives ne sont pas toujours gagnantes. « On se prend quelques insultes de ceux qui cherchent des plans cul, et pas de la prévention », admet-il.

Dans une société encore profondément homophobe, la clinique des Halles a du pain sur la planche. Même le corps médical demeure hostile à l’idée de traiter les homos. Le docteur Coulibaly cite un grand ponte de la gynécologie, entendu la veille : “Il m’a dit : « c’est du gaspillage ta clinique. Il faudrait donner ces moyens pour soigner les enfants. Si tu me donnais le pouvoir, ça n’existerait pas, je les emmènerais à la police pour qu’ils les mettent en prison.” Ce prof dit ça alors qu’il lutte contre le sida ! Ca veut dire que les élèves qui l’écoutent ne voudront pas prendre en charge un HSH puisque le grand professeur dit que c’est contre nature.”

Aujourd’hui encore, il n’est pas imaginable au Mali de montrer des rapports entre hommes dans le cadre d’une campagne de sensibilisation. « Les gens croient qu’on devient homo pour avoir un copain blanc et partir à Paris, déplore le dr Coulibaly. Pour nous la sexualité devrait permettre de s’épanouir ! Il faut l’accepter. »

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