Décidemment, la comparution de Sanogo devant la justice malienne donnera lieu à des révélations qui feront trembler la République. Parce que l’homme détient des preuves contre certains cadres au haut sommet de l’État. Sinon, pourquoi la justice malienne tarde d’accélérer un dossier aussi important ? Et pourtant, c’est une question essentielle pour réconcilier une grande partie de la grande muette. Le pouvoir a-t-il peur du dossier ?
Certainement que le pouvoir craint pour plusieurs raisons. Parce que l’ex-chef de la junte a toujours de nombreux partisans et sympathisants au sein de la grande muette. Maintenant que Sanogo a maille à partir avec la Justice malienne, cela pourrait créer une onde de choc à laquelle le pouvoir malien ne voudrait certainement pas faire face. Ensuite, on sait que l’homme n’a pas sa langue dans sa poche ; sa comparution devant la Cour pourrait lui donner l’occasion, s’il se sent acculé, de faire des révélations fracassantes qui pourraient embarrasser au sommet de l’État.
De fait, il n’est pas exclu que Sanogo, bien qu’étant un témoin clé dans cette affaire de disparition de 21 bérets rouges, ait toujours préféré protéger certains hauts responsables mis en cause dans cette affaire. On sait du reste qu’il y a des dignitaires du régime actuel dont les noms avaient été cités dans cette affaire. Au total, on peut croire que si Sanogo a été entendu, alors qu’il porte toute la responsabilité morale du drame du 30 Avril, on est face à un traitement de faveur qui n’est pas de nature à déplaire en haut lieu. En plus de tout cela, l’homme est un prisonnier encombrant pour le Mali.
De l’école de la gendarmerie, il a été envoyé plus loin, c'est-à-dire à Sélingué. Une manière pour le régime de l’éloigner de la capitale et l’isoler davantage avec un impressionnant dispositif sécuritaire de la gendarmerie. Cela a servi également de limiter les visites nocturnes sans permis de communiquer que les magistrats ont toujours dénoncé. Au regard de tout cela, on pourrait dire que le procès du général Sanogo nous réserve des surprises. Et ce n’est pas pour rien que l’ADN des spécialistes du FBI à confirmer l’assassinat des 21 bérets rouges disparus. Et ce n’est pas pour rien si le régime et la justice ont convenu de l’ouverture d’un bureau au Mali.
Par ailleurs, les déculottées qu’IBK continue d’essuyer ne surprend guère les analystes froids qui savent bien que son succès à la présidentielle de 2013 n’avait en réalité été qu’une sanction des militaires contre Soumi qui n’avait pas eu le tact de quitter la course avant que celle-ci ne le quitte. Mais dans les lieux de cultes et les cercles des marabouts, l’explication est toute autre : c’est le dossier du général Amadou Haya Sanogo qui pourrait bien avoir donné la poisse à tous ceux qui, de près ou de loin, ont tout fait pour s’en prendre à Sanogo qui a ménagé ceux qui sont aux affaires aujourd’hui au Mali.
Voilà donc IBK qui réalise bien à ses dépens qu’un succès électoral est tributaire de beaucoup de paramètres. Est-ce un hasard si en presque cinq ans, jour pour jour, la superbe d’IBK semble avoir pâli ? Nous sommes des Africains, et nos ancêtres nous ont appris que les causes profondes de nos déboires d’aujourd’hui pourraient provenir de nos propres turpitudes.
En attendant, il y a trop de zones d’ombre dans l’affaire Sanogo. Mais le temps nous en dira plus.
Jean Pierre James