Par une voix très autorisée mais peu convaincante, celle de Moussa Sinko Coulibaly, les autorités l’ont réaffimé devant le Groupe de suivi de la crise sécuritaire, institutionnelle et politique du Mali : l’élection présidentielle, au moins, aura lieu en début de semestre prochain. Les 7 et 14 juillet sont avancés pour, respectivement, les premier et, éventuellement, deuxième tours de la prochaine élection présidentielle. Cette simple assurance a suffi à la classe politique pour qu’elle engage le grand branle-bas de combat.
L’Adema, présumée la plus importante formation politique du pays, a investi son candidat officiel, Dramane Dembélé. Officiel seulement parce que nombreux sont les observateurs qui s’attendent à ce qu’il y ait des candidats officieux, comme dans le bon vieux temps. Il y aura ceux qui vont la jouer en cavalier seul, comme un certain Soumeylou Boubèye Maïga en 2007, et ceux qui vont soutenir d’autres candidats, comme un certain Ibrahima Iba N’Diaye en 2002. Le premier aurait déjà commencé à négocier des postes chez Ibrahim Boubacar Kéita, au cas où le président du Rpm serait élu chef de l’Etat. Le deuxième serait en train d’exécuter les mêmes manœuvres auprès de Modibo Sidibé car, dans son calcul, l’ancien Premier ministre pourrait être le prochain président de la République.
«Au fil de la presse», comme le dirait l’excellent confrère, les annonces sont nombreuses. La famille d’un tel s’agrandit avec l’arrivée massive de tels maires et députés, saignée dans tel parti d’où sont partis plusieurs députés, cadres et maires. Alliance politique entre un tel parti et un tel autre, visite d’échanges de points de vue d’un tel parti à un autre. Au fil des jours, des alliances sont envisagées ou nouées entre différentes familles politiques, des partis politiques et même des candidats déclarés sont sollicités en vue d’une alliance, d’une fusion ou d’une plateforme. L’on ne se soucie plus de sauver les apparences, certes trompeuses, de l’appellation des partis politiques, apparences qui les donnent d’obédience socialiste, marxiste, social-démocrate, libérale ou autres. Nos acteurs politiques, car ce sont des acteurs puisqu’ils sont sur une scène, jouant la comédie, mentant et faisant de fausses promesses, nos acteurs politiques continuent de jouer et ne soucient pas des mésalliances ou des mariages morganatiques.
Ainsi, les prétendus socialistes sont courtisés par les faux libéraux, les faux social-démocrates font les yeux doux aux prétendus communistes. C’est normal, il y a longtemps que nos acteurs politiques ont compris que les Maliens savent qu’ils n’ont aucune conviction ni idéologie politiques. Qu’ils n’ont de valeurs philosophiques et morales que leurs intérêts personnels, individuels et immédiats. Qu’ils ne se servent de la politique que comme ascenseur social ou tremplin afin de grimper au sommet. Or, cette période, que certains appellent «précampagne électorale», est le moment idéal pour les migrations et les transhumances, au gré des intérêts de chacun. Quitte à vendre son âme au diable si celui-ci voudrait bien d’une âme salement amochée.
Les partis politiques, dont nous continuons à entendre de nouvelles créations, ne sont pas les seuls à se positionner pour vendre leur âme au diable le plus offrant, il y a également les associations et clubs de soutien à…, les amis et les fans de…Leurs promoteurs ont compris que venu ce temps béni des élections, ils peuvent arranger beaucoup de leurs affaires. Pas en espérant avoir des postes, ils ne sont que des «militants» de la vingt-cinquième heure, mais en espérant puiser le plus possible dans des fonds de campagne dont ils ne se demandent même pas la provenance. Mais s’ils ne se posent pas de questions, ils savent ou pressentent que cette manne financière n’est pas issue d’un héritage patrimonial ou d’un lot du Pmu, mais des caisses du Trésor public ou des dessous de table octroyés lors d’attributions douteuses de marchés publics. Selon la fortune du jour des candidats, les associations et clubs de soutien à…, les amis et les fans de…migrent et choisissent leur camp.
Cheick Tandina