La préoccupation constante des autorités par rapport à l’accès, à la gestion de l’eau potable et de l’énergie est consécutive à l’importance des deux ressources. C’est pourquoi l’Etat, en plus de l’appui régulier des Partenaires Techniques et Financiers consent chaque année des crédits budgétaires importants pour le développement de ces secteurs. Ces ressources sont gérées par la Dfm du département. De 2012 à 2015 les dépenses engagées par l’Etat s’élèvent à 20,53 milliards de Fcfa. Celles des PTF ont atteint les 31,97 milliards Fcfa. Avec de tels investissements, l’inspection du Vérificateur se justifie. A tel enseigne qu’elle a permis de relever des dysfonctionnements dans l’application des textes d’organisation et de fonctionnement et dans l’exécution des dépenses. Les irrégularités financières relevées, portant sur la fraude et la mauvaise gestion au cours de la mission du Végal s’élèvent à 336 millions Fcfa. Comment ces irrégularités ont été constatées ?
La Direction des Finances et du Matériel (Dfm) du Ministère de l’Energie et de l’Eau ( MEE) ne dispose pas de manuel de procédures contrairement à l’Instruction n°00003/PRIM-CAB du 21 novembre 2002 du Premier Ministre relative à la méthodologie de conception et de mise en place de système de contrôle interne faisant obligation à tous les services publics d’élaborer et de mettre en œuvre un tel manuel. L’absence de ce manuel peut occasionner un manque d’efficacité et d’efficience dans la réalisation des activités de la Dfm.
En plus, la Dfm ne procède pas à un archivage régulier des dossiers. En dépit de la mise en place d’un Centre de documentation et informatique, la vérification a relevé que des dossiers de marchés ne sont pas régulièrement conservés. Cette mauvaise conservation ne permet pas de s’assurer de la bonne exécution de la commande publique.
Les Régisseurs de la Dfm tiennent une comptabilité irrégulière. En effet, au lieu d’enregistrer chronologiquement les opérations d’entrée et de sortie de fonds permettant de dégager le solde, ils se limitent à transcrire les opérations par bordereau détaillé après justification des mandats au Trésor. Cet enregistrement dans le registre intervient plusieurs mois après le paiement des dépenses.
La non-tenue d’une comptabilité régulière ne permet pas de retracer l’enregistrement chronologique des opérations comptables effectuées et de disposer d’informations financières fiables en temps réel sur la gestion de la régie.
Les Régisseurs de la Dfm ont effectué des achats en l’absence de décision de mandatement. Le Régisseur de la Dfm a payé 33 factures avant la date de signature des décisions de mandatement et celui chargé des projets de la Direction Nationale de l’Hydraulique (Dnh) a payé 629 factures avant la date d’établissement des décisions de mandatements. Cette pratique irrégulière ne permet pas de s’assurer de la sincérité.
Des failles dans l’exécution des dépenses
Le Ministère de l’Énergie et de l’Eau a irrégulièrement imputé une dépense sur la redevance de concession du service public de l’électricité de la société Edm-sa. Suite à un processus d’avis d’appel d’offres international relatif à la fourniture et à l’installation de 250 lampadaires dans la région de Koulikoro pour un montant de 206,83 millions de Fcfa sur financement extérieur, l’entreprise adjudicataire, après avoir indiqué dans son offre technique des lampadaires d’une marque avec des caractéristiques données et obtenu l’accord de la société qui les fabrique, a changé de fabricant. Ce changement a conduit au non-respect des caractéristiques des équipements devant être fournis et installés. Le bailleur de fonds, qui devait assurer la prise en charge totale du marché, s’est alors retiré et a demandé sa résiliation. Malgré la non-conformité des matériels acquis, le ministre de l’Energie et de l’Eau a conclu un avenant et réglé le marché sur la redevance de concession publique de l’électricité, sans autorisation préalable du ministre de l’Economie et des Finances et en l’absence de texte affectant cette redevance à un usage précis. L’affectation de la redevance de concession du service public de l’électricité à une telle dépense par le ministre de l’Energie et de l’Eau est une violation des dispositions des textes relatifs aux finances publiques, à la comptabilité publique et un manquement aux procédures d’exécution du budget d’Etat. Le directeur des Finances et du Matériel a passé des contrats simplifiés avec des fournisseurs n’ayant pas fourni des pièces requises. Dans le cadre de la conclusion des contrats simplifiés, la Dfm a exigé que les candidats fournissent dans leurs offres le quitus fiscal, la carte d’identité fiscale, l’attestation fiscale. En dépit de cette exigence, les dossiers des fournisseurs retenus ne comportent pas lesdites pièces.
L’absence de documents demandés dans les propositions fournies ne permet pas de s’assurer de l’égalité de traitement des candidats. La Dfm a conclu des contrats simplifiés ne comportant pas des mentions obligatoires. A titre d’illustration, elle a passé des contrats simplifiés relatifs à l’achat de moto et de pneus n’indiquant pas la domiciliation bancaire, les modalités de paiement et de règlement des litiges. L’absence de mentions obligatoires sur un contrat ne permet pas de s’assurer des capacités des attributaires et peut entraîner des litiges pouvant compromettre les intérêts de l’Etat.
La Dfm du M.E.E. ne respecte pas les procédures d’exécution des dépenses publiques. Des fournitures de bureau, des carnets de commande et des produits alimentaires ont été livrés avant même l’établissement des bons de commande, des bons d’achat et des contrats simplifiés.
Usage de faux cachets
L’exécution des dépenses publiques sans acte d’engagement contrevient aux procédures d’exécution des dépenses publiques et peut entraîner des acquisitions de biens non conformes.
Le directeur des Finances et du Matériel a ordonné, en 2012 et en 2013, le paiement de dépenses non éligibles. Ces dépenses ont concerné des travaux de construction, de menuiserie et de peinture réalisés au domicile du ministre de l’Energie et de l’Eau. Il a, en outre, autorisé le paiement d’un contrat simplifié relatif à la construction de fosses septiques étanches au M.E.E. pour le compte de la Dfm. Toutefois, cette dernière prestation a été réalisée sur un site différent du M.E.E. et sur lequel aucun de ses services ne s’y trouve. Ces dépenses non éligibles s’élèvent à 31,12 millions de Fcfa.
Le directeur des Finances et du Matériel a ordonné le paiement de marchés et de contrats simplifiés revêtus de faux cachets justifiant la perception des droits d’enregistrement et de redevance de régulation.
Ces pratiques ont privé l’Etat de la perception d’un montant de 25,26 millions de Fcfa au titre des droits d’enregistrement et 7,35 millions de Fcfa au titre de la redevance. En outre, il a également été constaté l’absence de cachet de paiement de la redevance de régulation concernant 19 marchés qui ont pourtant fait l’objet d’exécution et de règlement. Le montant de la redevance ainsi compromis est de 37,24 millions Fcfa. Ce qui porte le montant total de la redevance de régulation éludée à 44,59 millions de Fcfa.Le directeur des Finances et du Matériel n’a pas reversé au Trésor Public les produits de la vente de Dossier d’Appel d’Offres (DAO). Le montant non reversé s’élève à 120,20 millions de Fcfa.
En effet, dans plusieurs cas, une même facture a servi à justifier deux transactions différentes. Ils ont ainsi décaissé indûment un montant de 368 770 Fcfa dont 82 600 Fcfa sont imputables au Régisseur de la Dfm et 286 170 Fcfa à celui chargé des projets de la Direction nationale de l’Hydraulique. Le Régisseur de la Dfm n’a pas justifié des avances reçues. Il n’a pas fourni un bordereau détaillé au titre de 2013. En outre, il existe un écart entre le nombre de bordereaux détaillés remis à la mission et celui des mandats payés au nom du régisseur dans le système PRED.
Le montant total de ce bordereau détaillé s’élève à 2,53 millions de Fcfa.
Des comptables-matières du M.E.E. n’ont pas justifié l’existence des biens acquis. Des objets d’arts, des matériels informatiques, des matériels et mobiliers de bureau, de quincaillerie et autres matériels achetés n’existent dans aucun des services destinataires. En effet, les bordereaux de livraison, les procès-verbaux de réception et les attestations de “service fait” mentionnent l’ensemble des matériels acquis comme ayant été livrés. Toutefois, le contrôle physique effectué n’a pas permis de les identifier. En outre, des équipements ont été facturés sur des sources de financement différentes pour les mêmes matériels, quantités et prix, à moins de 10 jours d’intervalle.Le montant total de ces irrégularités s’élève à 112,12 millions de Fcfa.