La fête musulmane de Maouloud se sera singularisée cette année par une tournure pour le moins spectaculaire et inédite, dictée selon toute évidence par l’air du temps : l’atmosphère préélectorale qui prévaut à quelques encablures de la fin d’un quinquennat mitigé au Mali. Les calculs et chocs de stratagèmes qu’elle impose intègrent de plus en plus ouvertement la donne religieuse, un terrain que se disputent les prétendants putatifs, avec une âpreté qui s’accommode de moins en moins de la pudeur politique. Après les fréquentations nocturnes de mosquées par certains acteurs, les largesses faites au détour de certaines occasions, les supplantions à peine voilées du politique par le confessionnel sur la scène publique, etc., venu le moment d’ôter définitivement les masques. C’est ainsi qu’Ibk, le président de la République, a sorti la semaine le grand jeu, au risque même de s’être livré à un jeu trouble. Voulant se distinguer par plus d’ardeur dans la bousculade pour faire bonne figure aux yeux du monde religieux, les nouveaux seigneurs de la scène publique malienne, le chef de l’Etat sortant n’a pu se suffire d’une présence déjà si blâmable au Stade du 26 Mars, pour la clôture du Maouloud traditionnel officié par le ´gourou’ des ´Ançar’.
Accompagné du ministre en charge des Affaires foncières Mohamed Ali Bathily – le même qui avait consenti à l’arrêt de la démolition à Soulemanebougou sur sollicitation du leader d’Ançardine – , IBK a annoncé la cession d’un espace de 150 hectares à Haïdara. Motif apparent : solutionner par la délocalisation l’encombrement qu’occasionne dans la capitale le rendez-vous annuel des ouailles du charismatique prêcheur. Mais, dans la tête de nombreux observateurs, le geste du chef de l’Etat est plutôt clairement motivé par la quête de refuge politique auprès d’une célébrité religieuse qui ratisse plus large que les partenaires politiques et dans un contexte où les entrées semblent se refermer tant du côté du Cherif de Nioro que du président du HCIM.
Par ailleurs, la partie a tout l’air d’un marché de dupe entre IBK et le leader des Ançar. Et pour cause : rien n’indique que la gratification est accordée au second contre un gage de renoncement à l’organisation du Maouloud dans la capitale, tandis que les connaisseurs s’interrogent sur la possibilité pour le premier de tenir parole en dénichant dans la ceinture de Bamako autant d’espace sans un coûteux empiétement sur les domaines privés.
C’est ainsi que l’annonce n’a de cesse d’alimenter supputations et polémiques. Incrédules devant une prodigalité aussi fabuleuse, d’aucuns soutiennent par exemple que l’offre du chef de l’Etat a trait à la satisfaction d’une convoitise de titre longtemps exprimée par le prêcheur sur l’une de ses attributions domaniales.
Quoi qu’il en soit, Cherif Ousmane Madani Haïdara devra dans le pire des cas s’en tirer à meilleur compte qu’IBK, à en juger du moins par le lever de boucliers suscité par une mesure majoritairement perçue comme une dérive foncière à dimension étatique. En raison notamment de considérations et anomalies suivantes : proportion inégalée de la générosité de l’Etat, frustrations et injustice à l’égard de propriétaires et exploitants fonciers stigmatisés par le département de tutelle, entre autres. En vertu de quelle utilité publique, par ailleurs, un seul individu – fut-il pour le compte d’une association – est gratifié d’un domaine aussi spacieux là où l’Etat est souvent contraint d’en racheter avec les particuliers pour ses programmes immobiliers, s’interrogent à juste titres certains envieux ? Ce ne sont là que les hostilités les plus visibles puisque se tapissent certainement dans l’ombre d’autres vagues de frustrations logiquement occasionnées par la préférence ouvertement faite à Haïdara, rival déclaré de la tendance dominante au sein du Haut conseil islamique. IBK risque en définitive de se retrouver dans la nasse de son jeu trouble : le dilemme entre un soutien hypothétique d’Ançar Dine et l’adversité quasi certaine du camp . Or, à moins de déroger à ses principes pour une si alléchante promesse foncière, Cherif Ousmane Madani dit à qui veut l’entendre qu’il n’accepte jamais d’engagement et de connivence avec un homme politique.
xxxx
« S’il le faut nous renoncerons aux 150 hectares», dixit Chérif Ousmane Madani Haidara
C’était à la faveur de la traditionnelle conférence de presse qui sanctionne la fin de la célébration du Maouloud. En effet, à l’instar des autres associations religieuses à travers le pays, les Ançar ont célébré l’anniversaire de la naissance du Prophète Mohamed (PSL), à travers l’organisation de grandes nuits de prêche au Stade du 26 Mars. Comme chaque année, les disciples du guide spirituel Chérif Ousmane Madani Haidara ont afflué de nombreux à travers le monde, pour renforcer leurs fois religieux. Le milieu religieux étant devenu un terrain ou s’exprime de plus en plus les politiques en quêtent de Koulouba, la communion a également drainé de grandes célébrités comme le président de la République IBK en personne ou encore du chef de file de l’opposition Soumaìla Cissé. On note aussi des ministres, des députés, des hauts cadres et des hommes d’affaires qui occupaient les premières loges.
Impressionné ou dépassé par la mobilisation, le président, a satisfait à une vieille sollicitude de Chérif Ousmane Madane Haidara en annonçant la mise à la disposition de sa confrérie une superficie de 150 ha pour servir d’espace de prêche et d’accueil des invités du Maouloud. Puisqu’aux yeux d’IBK, le Stade du 26 Mars devient de plus en plus petit pour contenir les disciples d’Ançar Dine. Et depuis, cette générosité du chef de l’Etat alimente les débats. On se demande où va-t-il trouver ces 150 ha dans les environs de Bamako ?
S’exprimant sur l’octroi des 150 h, le guide spirituel a laissé entendre que si la polémique persiste, son association renoncera à ce cadeau, avant de préciser que, le président IBK serait prêt à payer personnellement pour le terrain qui, a-t-il expliqué, ne sera pas au nom de Haidara mais des Ançar ainsi que de tous les musulmans du Mali.
Il a en profité également pour revenir sur l’une de ses phrases adorées : « je n’ai jamais demandé un franc ou un mettre carré à un politique malien…tout ce que je possède c’est grâce aux fidèles d’Ançar-Dine».
A la question de savoir si les 150 hectares vont peser sur la voix des Ançar à la présidentielle de 2018, le Cherif dira que ce don du président est son droit en tant que citoyen malien, avant d’expliquer que seul IBK peut dire si c’est pour bénéficier des faveurs. Pour savoir si je vais donner de consigne de vote, il faut attendre de 2018, a- t-il indiqué. Le Cherif a exprimé le vœu, en revanche, que les élections débouchent sur le choix d’un «président en mesure d’apporter la paix et la réconciliation et de booster l’économie malienne pour le bonheur des populations, quelle que soit sa croyance»
Sur la personne d’IBK, c’est après l’attaque de Konna, quant j’ai vu ce monsieur pleurer, que j’ai compris qu’il aime son pays et son peuple.
S’exprimant sur la situation actuelle du pays, il a pointé le doigt la corruption. Selon le Guide, quand une seule personne mange la part de milles autres, ce pays s’en sortira difficilement.
Et pour conclure, il a expliqué que la fête du Maouloud est un rituel, un espace de communion avant de se réjouir d’avoir mobilisé 86 156 pèlerins dont 41 944 femmes. Et que 1449 prêcheurs ont assuré 35 938 prêches pour un nombre total de 130 262 Bayats.