Avec le déclenchement des poursuites contre les auteurs et commanditaires de l’agression du président de la République, l’étau se resserrerait autour de l’Honorable Oumar Mariko. En effet, tête de proue du Mp22 et de la Copam, il serait dans l’œil du cyclone depuis le lundi 21 mai. Plusieurs responsables de son parti et de la Copam ont d’ailleurs été interpellés ou détenus à ce jour. Les jours suivants risquent d’être difficiles pour lui. En tout cas les enquêteurs seraient déterminés à l’entendre pour faire la lumière sur son présumé degré d’implication. Il se dit que la majorité des députés est prête à faire lever son immunité parlementaire.
L’éviction du général Amadou Toumani Touré de la Présidence de la République par une équipe de mutins, le député Mariko en a fait une affaire personnelle. Dès les premières heures du coup d’Etat, Oumar Mariko s’en est réjoui. Il a créé un mouvement pour soutenir les putschistes, le MP22. Comme si cela ne suffisait pas, avec d’autres mouvements pro junte militaire, ils ont créé la Copam, un regroupement voulant que la transition soit assurée par le capitaine Amadou Haya Sanogo. Suite à la pression et à l’intransigeance des médiateurs de la Cedeao, le capitaine a fait machine arrière, renonçant ainsi à présider la transition, tout en reconnaissant le choix porté sur Dioncounda Traoré par les médiateurs.
Malgré cet accord intervenu entre la Cédéao et le Cnrdre, Mariko et ses acolytes ont tenu à organiser une convention nationale, alors que l’initiateur lui-même, le capitaine Sanogo, avait officiellement tourné le dos à son projet. Des appels furent lancés par la fameuse Copam invitant les militants et sympathisants à se rendre au Centre international de conférences de Bamako (Cicb). C’est à partir de ce point de rencontre qu’une marche « improvisée » a été initiée par les responsables de la Copam, en violation flagrante des textes qui régissent la marche. Les marcheurs, avec à leur tête des responsables de la Copam, ont accédé avec une facilité déconcertante au Secrétariat général du Gouvernement. La dite marche a été retransmise en direct sur les antennes de la Radio Kayira dont le promoteur n’est autre que le même Oumar Mariko.
Pourquoi la Radio Kayira a-t-elle pris le soin de faire la narration détaillée de ces événements ? Qui a donné ordre à la radio Kayira de procéder ainsi ? Oumar Mariko ignorait-il que cette station faisait la narration de la marche en direct ? Est-ce que les responsables de la radio de Mariko n’étaient pas informés à l’avance des évènements qui allaient se dérouler le jour de l’agression de Dioncounda Traoré ? Autant de questions auxquelles seuls Oumar Mariko et ses proches peuvent répondre devant les enquêteurs.
C’est dans des conditions troubles qu’est survenue l’agression du Pr Dioncounda Traoré.
A l’ouverture de l’enquête, les limiers se sont intéressés immédiatement aux têtes de proue de la Copam et du Mp22 : Oumar Mariko, député, Hammadoun Amion Guindo, syndicaliste et secrétaire général de la Cstm, M. Boré, président de l’association « Yèrèwolo ton » qui s’est avérée sans déclaration ni récépissé. Est également interpellé, le coordinateur de la radio Kayira. Tous, sauf Oumar Mariko, ont été entendus. Et pour cause : en tant que député à l’hémicycle, Mariko est couvert par une immunité parlementaire, selon les dispositions de l’article 62 de la constitution, qui précise qu’ «Aucun membre de l’Assemblée nationale ne peut être poursuivi, recherché, arrêté, détenu ou jugé du fait des opinions ou vote émis par lui dans l’exercice de ses fonctions. Aucun membre de l’Assemblée nationale ne peut, pendant la durée des sessions être poursuivi ou arrêté en matière criminelle ou correctionnelle qu’avec l’autorisation de l’Assemblée nationale, sauf en cas de flagrant délit. Aucun membre de l’Assemblée nationale ne peut, hors sessions, être arrêté qu’avec l’autorisation du bureau de l’Assemblée nationale, sauf en cas de flagrant délit, de poursuites autorisées ou de condamnation définitive. La détention ou la poursuite d’un membre de l’Assemblée nationale est suspendue si l’Assemblée nationale le requiert».
Convoqué par la gendarmerie nationale la semaine dernière, le secrétaire général du parti Sadi n’aurait pas déféré à la convocation, évoquant son statut de député qui le protège.
Selon plusieurs souces, Mariko ne serait pas allé à Koulouba le jour de l’agression, resté au Cicb. Qu’à cela ne tienne, il est et demeure un responsable du Mp22, dont seraient issus les organisateurs de la marche. Ce qui est clair. Mais les enquêteurs butent contre l’immunité de Mariko. Jusqu’où peuvent-ils aller ? Sommes- nous en face d’un cas de flagrant délit dans cette enquête qui concerne et les auteurs et les commanditaires ? Même si l’article 62 de la constitution accorde une immunité aux députés, il faut comprendre que les constituants maliens ont mis des garde-fous car le député n’est pas au dessus de la loi. Il est acteur de droit comme les autres citoyens. En effet, l’alinéa 4 de l’article 62 du texte suscité prévoit que l’on peut passer outre l’immunité, s’il s’agit d’un cas de flagrant délit. La principale question est de savoir, dans le cas de Mariko, s’il est possible de parler de flagrant délit. La question a toute son importance et il appartient au parquet de se décider à y répondre, les unités d’enquête n’étant pas compétentes à ce niveau.
D’ailleurs, selon nos sources, ce débat peut ne pas avoir lieu car le gouvernement adresserait bientôt une correspondance à l’Assemblée nationale pour demander la levée de l’immunité parlementaire du Dr Mariko. Depuis le coup d’Etat, ses relations avec ses collègues députés seraient devenues exécrables, émaillées de prises de bec avec certains d’entre eux, au point que ces derniers le traiteraient même de ‘’Satan’’. Selon les mêmes sources, ce sont des députés qui auraient demandé au gouvernement de leur adresser cette correspondance.
Et dans ces conditions, si le Gouvernement saisissait les députés, ceux-ci, dans leur majorité, ne s’opposeraient certainement pas à la levée de l’immunité d’un collègue devenu «encombrant» pour eux.