Les élections pourront-elles avoir lieu en juillet prochain au Mali ? La communauté internationale met la pression sur les autorités maliennes pour engager le pays dans un processus électoral. L'Etat malien aura-t-il les moyens d'affronter aussi rapidement un tel défi ?
Le Premier ministre de la transition du Mali, Dioncounda Traoré, l’a lui même avoué : « C’est un défi colossal ». Vendredi dernier, lors d’une réunion du « comité de suivi » des soutiens du Mali - ONU, Union africaine (UA), Communauté économique des Etats d’Afrique de l’Ouest (Cédéao), Union européenne (UE) -, tout le monde s’est voulu raisonnablement optimiste. « Ce sera dur mais les élections auront lieu », disait-on en substance. En fait, la pression de la communauté internationale, et particulièrement de la France, est très forte : « Il faut en finir avec cette transition. Il faut des institutions légitimes au Mali pour reconstruire ce pays ». Mais le plus dur est à faire.
La sécurité est-elle suffisamment assurée ?
Deux changements sont d’ailleurs à noter. Les autorités maliennes ne donnent plus de date. On ne parle plus du 7 et du 21 juillet. On nous dit que les élections doivent avoir lieu « avant fin juillet ». Et pour certains, vendredi dernier, dans les couloirs, à Bamako, l’important était que ces élections aient lieu « avant la fin de l’année ». D’autre part, on ne parle plus que de « l’élection présidentielle ». Les législatives seront organisées « plus tard ». Ce serait, selon certains, « ingérable » d’organiser les deux en même temps. On avance aussi les moyens colossaux à mettre en œuvre en un temps très court. Au demeurant, la sécurité est-elle suffisamment assurée dans les régions du nord pour imaginer de faire voter les gens dans de bonnes conditions ?
Le Premier ministre malien s’est récemment rendu à Gao tout comme le médiateur de l’UA, Pierre Buyoya. Tous deux semblent convaincus que oui... Mais la situation à Kidal reste une sacrée épine dans le pied des autorités maliennes. Comment vont-elles gérer l’affaire ? D’ici juillet prochain, un dialogue politique avec les groupes armés est-il possible au point d’imaginer l’ouverture de bureaux de vote dans cette ville sous contrôle du Mouvement national de libération de l’Azawad (MNLA) ? Ou bien l’armée malienne va-t-elle intervenir d’ici-là et réussir à désarmer le Mouvement ?
Un fichier électoral a finalement été retenu
De plus, il y a la question du retour de l’administration, qui ne s’est pas redéployée au Nord. Les moyens de travail ont été saccagés dans bien des localités. Or, tout le monde a conscience à Bamako que l’on ne peut pas organiser des élections en négligeant le Nord. « Ce serait catastrophique », avouait un confrère malien.
Le chronogramme électoral n’est toujours pas publié mais il y a des signes encourageants : un fichier électoral a finalement été retenu, le Recensement administratif à vocation d’état civil (Ravec). Il a le mérite d’exister, et les partis politiques ont donné leur aval. Mais il est imparfait. Il oublie beaucoup de Maliens vivant à l’étranger et les 350 000 jeunes qui auraient dû s’inscrire sur les listes cette année ne pourront pas voter. Par ailleurs, le marché de l’impression des fameuses cartes biométriques Nina qui seront à la fois cartes d’électeurs et document d’identité des électeurs vient d’être attribué. Mais il faudra imprimer tout le matériel électoral puis le distribuer, former les agents chargés du vote et les déployer sur l’ensemble du territoire. Et boucler le budget électoral - qui s’élève à 64 milliards de francs CFA.
Le vote des réfugiés et des déplacés
La question du vote des Maliens réfugiés dans des camps dans les pays voisins et des déplacés à l’intérieur du Mali est aussi posée. Les déplacés, c’est-à-dire tous ceux qui ont abandonné leur habitation au Nord mais qui sont restés dans le pays, sont évalués à 282 000 personnes. Ils seront invités à rejoindre leur région d’origine si les conditions sécuritaires le permettent. Pour les autres, le schéma retenu est le suivant : les listes électorales seront publiées dans chaque commune et les électeurs qui vivent loin de chez eux seront invités à faire le nécessaire auprès des mairies pour changer de bureau de vote et voter sur leur lieux de résidence actuel. C’est ce qui a été retenu !
Pour les réfugiés - on estime leur nombre à 175 000, dont près de 76 000 en Mauritanie -, l’idée est de les faire voter dans les camps où ils ont trouvé refuge. Il y a d’autres exemples dans le monde où ce choix a été fait en coordination avec les agences des Nations unies, et notamment le Haut commissariat pour les réfugiés (HCR). Il faut toutefois que les autorités maliennes passent un accord avec chacun des pays où sont implantés les camps : Mauritanie, Burkina Faso, Niger. Une fois que les Etats auront accepté de laisser s’organiser des élections sur leur territoire, la mise en place des opérations électorales se fera avec le HCR. Tous les réfugiés déjà inscrits sur les listes du Ravec pourront voter, mais les autres ne le pourront pas.
Des élections en juillet, c’est enfin des élections en plein hivernage, avec le risque de routes impraticables mais aussi d’une moindre mobilisation en raison des travaux des champs. Juillet, c’est aussi le mois du ramadan cette année… Bref, les défis à relever sont nombreux. Mais il en va aussi de la crédibilité des autorités de transitions. Les ministres concernés sont entièrement dévoués à la tâche : une cellule spéciale a été mise en place à Koulouba sous la houlette du secrétaire général de la présidence. Mais cette organisation reste, quoi qu’on en dise, un pari qui est loin d’être gagné.