À l’opposé de la rubrique, «Ces champions de la récré» pour les élections de 2013, animée par votre journal Le Reporter, fidèle à son mandat public et à son devoir citoyen, voici pour vous une nouvelle rubrique. Elle porte sur ceux dont la candidature mérite respect et intérêt. Pour nous, en tout cas. Par cette rubrique, nous souhaitons partager avec vous, votre enthousiasme de voir ces gentlemen sur le départ de la compétition électorale de 2013.
Notre conviction est établie. D’abord notre pays vient de loin. De très loin même. L’état de la Nation aujourd’hui empêche le repos des martyrs de 1991. Les démocrates sincères et convaincus sont passés par là. À leur suite, les partisans de la démocratie de consensus se sont installés. Après plus de vingt ans de démocratie, le Mali se retrouve dans un trou, savamment creusé par ces deux courants. Et, voici ensuite le Mali en crise. La pire que le pays ait connue de toute son histoire. Une crise qui interpelle chaque Malienne et chaque Malien. Et qui affecte chaque citoyen d’une manière ou d’une autre.
Une crise qui met en cause la survie de la Nation et de la République, marquant du coup l’effondrement des certitudes tant celles instaurées par les démocrates sincères et convaincus 10 ans durant. Celles établies par les promoteurs de la démocratie consensuelle, 10 ans après. Enfin, le Bon Dieu aime le Mali, se plaisait à dire F. Djéliba Baba Sissoko.
Dans sa clémence, la crise malienne est en passe de trouver un heureux dénouement, ouvrant ainsi le chemin à des élections pour un nouveau départ. L’annonce de l’imminence des élections aiguise déjà les ambitions des hommes et des partis politiques. Mais attention ! Pour des raisons précitées et comme le dit l’autre, on ira chercher Koulouba à Koulouba.
Point de tapis rouge pour qui que ce soit. La compétition électorale à venir alignera bien peut-être deux profils de candidat : celui des restaurateurs de l’ordre ancien et celui des forces acquises au changement. La rubrique «Ceux qui vont compter en 2013» vous entretiendra des candidats qui veulent marquer des points. Des candidatures qui peuvent faire date. Et cela, de quel que courant que ce soit !
Cheick Modibo Diarra est le premier de cette rubrique. Bien sûr qu’il n’a rien encore dit, mais la liste de la compétition électorale sera incomplète sans le nom de Cheick Modibo Diarra. En effet, déjà candidat en 2012, nommé ensuite Premier ministre de la transition avec pleins pouvoirs, contraint enfin à démissionner. Mais, CMD remettra ça. Pas pour le refrain, jamais deux sans trois, mais pour réaffirmer son engagement et son ambition pour ce pays qu’il dit avoir tant aimé.
Cheick Modibo Diarra, parmi ceux qui vont compter ?
Son passé récent plaide pour lui. Son parcours le met en dehors de ceux qui ont pillé ce pays, durant les 20 années passées, l’ex-PM, Cheick Modibo Diarra, puisque c’est de lui qu’il s’agit, sera l’une des grosses pointures à l’élection présidentielle de 2013, s’il se présentait.
Primo, nommé Premier ministre avec pleins pouvoirs le 17 avril 2012 pour conduire la transition au Mali, Cheick Modibo Diarra, aura réussi à afficher une certitude, à savoir, une constante dans sa volonté à mener le bateau de la transition malienne à bon port. Et cela, avec une présence effective, garnie d’un caractère trempé, propre à lui, salué par certains, agaçant pour d’autres au service de la réalisation des deux missions de la transition selon l’accord-cadre que sont la récupération du nord Mali et l’organisation des élections transparentes et libres.
C’est que CMD, Bakoroba, pour les intimes, a surpris plus d’un. Qu’on l’aime ou qu’on ne l’aime pas, il est évident qu’en cette période de troubles au Mali, on peut en effet jurer de ne pas voir CMD, mais de ne pas entendre parler de son nom, relève d’une surdité hypocrite. Oui, l’homme s’est imposé. «Je croyais bien faire, mais je me suis trompé», dira-t-il. Sauf que de tels propos avaient été déjà traduits par un journaliste de la place dès le départ et en ces termes : «CMD pense bien, mais le dit mal».
Candidat déclaré à la présidentielle de 2012, venu aux affaires sur proposition des militaires putschistes, Bakoroba débuta, sans état de grâce. Perçu au départ de son action sans présomption comme «un homme dépassé par la situation», CMD entame sa mission avec un paradoxe. Le chef d’accusation ou de paradoxe se résume à ceci: «Cheick Modibo Diarra est l’homme des militaires. Hautain, il n’a pas de respect pour les partis politiques et n’en fait qu’à sa tête Il n’est pas démocrate et s’évertue du reste à restaurer l’ordre ancien». Ce paradoxe et ses intrigues auront le dessus sur son premier gouvernement.
Secundo, à la Primature, CMD entend mener à bien la transition. Fondé qu’il est un Premier ministre, pleins pouvoirs, décidé à l’exercer pleinement, l’hostilité de l’environnement ne le distrait pas. Bakoroba a sa vision, portée par une méthode débordante. «Notre pays, force est de le constater, a souffert d’un déficit de gouvernance et d’une insuffisance de capacité d’anticipation. Un rapide survol de l’état des lieux offre le panorama d’un État affaibli et ébranlé, d’une Nation humiliée et éparpillée, d’une terre divisée et occupée. Toutes les options sont envisageables, en premier lieu, celle de la négociation. Oui, chers compatriotes, nous négocierons parce que nous haïssons la guerre : la guerre qui fait de l’enfant un orphelin, la guerre qui fait d’une femme une veuve, la guerre qui détruit et qui livre nos villes et nos campagnes à la désolation, la guerre qui souille le sol du sang des enfants innocents».
Des propos non partagés, dans lesquels ne se retrouvent pas tous les acteurs de la transition. Mieux, ce sont les hommes politiques et au pire, les militaires en quête de nouveau protecteur et décidés à rester maîtres dans un jeu institutionnel, interdit à eux par l’accord-cadre. Un dialogue de sourds s’installe. L’ex-PM devient pour sa vision et sa méthode l’ennemi public commun à éliminer. Un mot d’ordre partagé par tous est lancé : mettre hors circuit CMD.
Tertio, Cheick Modibo Diarra, qualifié depuis d’être un « homme dépassé par la situation», aura su «maîtriser la situation» au point de susciter de la sympathie populaire nationale et d’obtenir la mobilisation de la communauté internationale pour le Mali. Un succès manifesté par un plaidoyer à la tribune de l’Onu, des visites dans des pays amis et des entretiens avec les amis et partenaires du Mali. Le plaidoyer de CMD à la tribune des Nations Unies a été un déclic à la résolution de la crise sécuritaire au Mali. Puisque c’est à l’intervention de celui-ci que les Nations Unies ont adopté la Résolution 2071 consacrant l’autorisation de l’envoi de troupes étrangères sur le sol malien. Les visites et autres entretiens ont permis au Premier ministre de parvenir à faire entendre la voix du Mali dans les instances internationales.
Du reste, les observateurs s’accordent sur un bilan positif de son passage à la Primature. Ils évoquent comme preuve, le sentiment de satisfaction générale nationale et surtout internationale, exprimée suite à l’intervention de la France, le 10 janvier 2013. Bakoroba aura marqué son passage à la Primature par son engagement pour le Mali. CMD a fait ce qu’il a pu dans un environnement hostile. De cela, il aura été traité de tous les noms d’oiseaux. Son départ de la Primature a été une mission pour d’autres. Départ, du reste forcé par les militaires qui, pour se donner bonne conscience, se sont livrés à une opération de haine.
Pourtant et à en croire les observateurs, CMD n’a pas démérité, lui qui croyait si fort que «Unis nous gagnerons, désunis nous perdrons», aura su placer le Mali au-dessus de tout durant son passage à la Primature. Ainsi, affirmait-il : «Face à nos amis de par le monde et face à l’histoire, nous affirmons solennellement que notre ambition est de parvenir, à l’issue de la transition, à remettre le bâton témoin à une autre génération de Maliens, une génération exorcisée et libérée du complexe de la honte et de l’humiliation, une génération aguerrie par les épreuves et les défis, une génération bouillonnant d’impatience de construire un nouveau Mali: un Mali uni, prospère et développé. Nous souhaitons ardemment que ce vœu soit exaucé».
Reviendra-t-il pour travailler à ce que ce vœu soit exaucé ? Le drame, commente un observateur, est de ne pas voir CMD au-devant de la scène politique dans les années à venir. S’il reste discret depuis son départ de la Primature, une certitude demeure cependant : le natif de Ségou, Bakoroba, a appris à se battre.
Bambana dans l’action, Américain dans la réflexion, c’est ce qui lui octroie une force de rebondissement. Il est difficile de considérer CMD comme non partant pour la compétition électorale en 2013. Et dans ce cas, il sera parmi ceux qui compteront.
Bacha Ky