Si vous êtes un lecteur assidu de cette chronique, vous avez sûrement parcouru, la semaine dernière, les lignes qui annonçaient déjà les rétrospectives de fin d’année. C’est un exercice passionnant dont aucune rédaction ne peut se passer puisque, comme je l’écrivais, il permet de faire des piqures de rappel de ce que fut l’année dont on feuillette les toutes dernières pages, de planter des balises et des repères pour le grand saut dans l’inconnu de l’année qui s’annonce et surtout de faire ou prendre de bonnes résolutions.
Ah, les bonnes résolutions ! Qu’elles sont bonnes quand on les réussit ! Mais quand on ne peut pas atteindre les objectifs qu’on s’est fixé soi-même, malgré la dose d’impondérable liée à leur réalisation, au moins on est tout furax et au plus on développe un sentiment de culpabilité. Pour certains, cela peut se traduire par une crise plus grave de perte d’estime de soi.
On est en plein doute et on se dit : « Pourquoi tout réussit aux autres et pas à moi ? ». N’Tji vient de construire une nouvelle maison ; N’Golo s’est acheté une grosse cylindrée de telle marque de voiture ; Karitio vient d’être promue Directrice Générale de tel service avec, à la clé, des avantages sans limites ; Ousmane flambe de l’argent comme s’il en pleuvait dans sa maison ; Ibra a réussi à se faire élire, haut la main, aux dernières élections législatives et peut rouler des épaules… Mais pourquoi pas moi ! Qu’Il est injuste Dieu du Ciel dont on dit pourtant qu’Il est Miséricorde et Amour ! Que celui dont l’esprit n’a jamais été traversé par ce genre de pensée lève la main et je lui offrirai, en cadeau, les trésors cachés du Bouré et du Bambouk.
Pourtant, à regarder de près, ce n’est ni de l’envie ni de la jalousie encore moins de la méchanceté de se demander pour quelles raisons on ne peut se hisser au même niveau de réussite que les autres. C’est humain, c’est normal et c’est d’ailleurs le contraire qui serait révélateur d’un manque d’ambition dans la vie. Et comme me disait mon arrière-grand-père, la vie d’un homme s’arrête le jour où il cesse d’être ambitieux. De l’ambition, nous devrions en avoir, à en revendre même, pour nous-même, pour nos proches, pour notre pays et pour toute l’humanité. Pour le Mali de 2018, quelles pourraient être les ambitions-plancher ?
C’est d’abord implorer le Très Haut pour qu’aucune catastrophe de quelque nature que ce soit ne nous accable. Si nous obtenons cette faveur du Ciel, privilège qu’on peut raisonnablement considérer comme acquis, alors nous pouvons faire face aux autres défis pour lesquels pouvoirs publics et simples citoyens se font du sang noir. Vous allez sûrement contester la hiérarchie des défis que je vais soumettre à votre sagacité, mais ils me paraissent, en l’état, les meilleures résolutions que l’on pourrait prendre pour 2018. J’ai un faible pour les chiffres ronds, je bats ma coulpe, ce qui m’amène à vous exposer les dix bonnes résolutions que chaque malienne, chaque malien devrait porter dans ses prières pour 2018.
1. Réussir le cycle des élections générales : c’est un impératif qui conditionne toutes les autres résolutions. Si le pays sort indemne et soudé de ces élections aux enjeux importants à la fois pour les individus et les pour formations politiques, alors il aura réussi un pari majeur et donné un gage d’honorabilité à l’ensemble de ses partenaires. Tous, nous devrions travailler à cela dans la complémentarité des synergies.
2. Aboutir le processus de réconciliation : il n’échappera à personne que le processus d’Alger sera long, pénible et plein d’embûches. Mais si les filles et les fils du pays se parlent en toute honnêteté, jouent cartes sur table en ne dissimulant pas des agendas particuliers, alors la paix et la réconciliation seront à portée d’ambition.
3. Obtenir d’excellents résultats dans la lutte contre le terrorisme : à défaut de l’éradiquer définitivement, on pourrait raisonnablement espérer que le Mali sera, en 2018, le « bolibana » du terrorisme. Les efforts nationaux, régionaux et internationaux qui concourent au maillage total des différents théâtres d’opération porteront, sans nul doute, l’estocade finale à ce phénomène d’importation.
4. Remettre l’école en marche pour coller aux meilleurs standards internationaux : là-aussi, c’est un impératif. Nos aînés nous racontent que les écoles maliennes étaient des fabriques d’excellence et les élèves et étudiants maliens à l’étranger caracolaient en tête du peloton. Depuis trois décennies, cette école est devenue l’ombre d’elle-même, pour ne pas dire qu’elle est notre honte et notre échec collectif. Il faut la remettre sur le droit chemin.
5. Fixer la jeunesse : qu’elle soit rurale ou urbaine, cette jeunesse a besoin de perspectives. L’impératif est de créer, partout dans le pays, des pôles d’emplois et de croissance de façon à ce que les prairies prétendument vertes d’ailleurs ne soient plus ces mirages qui attirent et déciment la crème de notre société.
6. Rendre la Justice juste : là-aussi, c’est un impératif. Notre système judiciaire est au cœur de toutes les contestations et sa crédibilité vouée aux gémonies. Si le citoyen ne peut faire confiance en sa justice, il ne lui reste plus qu’à en appeler à la justice divine s’il ne règle pas, lui-même, ses comptes selon ses propres codes.
7. Moderniser notre administration : elle est probablement l’une des plus inefficaces de l’Afrique. Plusieurs de ses segments se complaisent malheureusement dans cette médiocrité propice à la corruption, aux abus et à la fainéantise. Il faut la secouer pour la remettre au travail en lui donnant les outils du moment. Et, surtout, ne pas hésiter de la débarrasser de tous les poids morts qui la tirent vers le bas
8. Consolider les résultats macroéconomiques : le piètre économiste que je suis sait quand même qu’il faut maintenir une cadence en cette matière de façon à consolider les grands équilibres. Il faut inlassablement travailler à une croissance robuste qui permette au pays d’investir dans le bien-être de sa population.
9. Travailler à l’émergence d’un nouveau type de citoyen malien : ce pourrait être la première résolution, la résolution transversale. Si nous nous ne faisons rien pour transformer chaque malien en citoyen malien, tous nos efforts seront vains. Il est urgent de ressusciter en chaque malien le patriotisme, le courage, le goût de l'effort, l'honnêteté, la solidarité, etc. Toutes ces valeurs que nous avons héritées du Soudan et dont nous étions fiers et que, malheureusement, nous avons perdues en cours de route. Cette résolution annonce la dernière qui vise à s’attaquer à un mal typiquement malien.
10. Tuer en chacun de nous le manque d’ambition, la fatalité et l’indifférence : dans de nombreux segments de notre société, on a définitivement perdu le goût de se battre, d’aller au charbon, d’avoir le « gnac » ou la « grinta ». Tout se passe comme si l’individu n’avait plus aucune prise sur le cours de son destin. On reste indifférent à tout, autour de soi, s’imaginant que les droits, c’est pour soi, et les devoirs pour les autres. La religion devient un refuge et l’effort personnel l’exception. Il faut rompre ce cycle de la fatalité qui pave le chemin de l’échec et de la descente aux enfers.
Je souhaite vivement que Dieu nous accorde longue vie, en tout cas jusqu’en 2019, pour vérifier le taux de réalisation de ces résolutions qui me paraissent de bon augure pour notre pays.