En prélude à l’interpellation du gouvernement, le 30 avril, sur la Feuille de route, notamment les deux axes prioritaires que sont le recouvrement de l’intégrité du territoire du pays et la tenue d’élections libres et transparentes, le Président par intérim de l’Assemblée nationale, Younoussi Touré, a cru bon d’accorder une audience aux deux ministres concernés. Il s’agit du Général Yamoussa Camara, en charge de la Défense et de son homologue et non moins Colonel, Moussa Sinko Coulibaly, responsable de l’organisation des élections. C’était de façon séparée, dans la matinée du lundi 22 avril.
Le jeune ministre Coulibaly a tenté de rassurer Younoussi Touré et ses plus proches collaborateurs en faisant le point des préparatifs de la présidentielle. Tandis que le second est allé au charbon pour essayer de défendre le Premier ministre, à travers ce qu’on peut appeler un mensonge d’Etat. En effet, le Général deux étoiles a expliqué aux parlementaires que c’était bien lui qui avait demandé au Premier ministre, Diango Cissoko, d’annuler l’achat des 200 véhicules, 10 citernes, 10 ambulances, destinés à l’armée sur le fonds d’accès universel, pour 8, 9 milliards de FCFA.
Ce n’est pas tout. Il a ajouté que l’armée n’avait pas besoin de ce matériel roulant et qu’elle n’avait pas été associée à la procédure administrative. C’est très grave comme propos. C’est un mensonge d’Etat. Tenez-vous bien! L’achat du matériel roulant a été annulé le 22 février 2013. Une dizaine de jours après, soit le 5 mars exactement, la Direction de l’Information et des Relations Publiques de l’Armée a tenu une conférence de presse, animée par le Lieutenant Colonel Souleymane Dembélé.
Il a déclaré au cours de cette rencontre, haut et fort, «l’armée malienne n’a pas les moyens d’être à Kidal. Les militaires qui doivent y être sont toujours bloqués à Markala, faute de moyens. Ce manque de véhicules se répercute sur nos troupes déployées sur le terrain. A Gao, nous sommes obligés de patrouiller à pieds. Faute de moyens, nous ne pouvons pas être au même rythme que nos alliés. Nous faisons la politique de nos moyens». Il est donc faux de dire que l’armée n’a pas besoin de ce matériel roulant.
Une preuve supplémentaire, c’est bien les propos du Colonel Major Didier Dacko, Chef des opérations militaires à Gao. Il a déclaré sur l’ORTM (Ligne du front), le 12 mars, soit une semaine après la sortie du Colonel Souleymane Dembélé, au micro de Moussa Hari Maïga: «ce sont les moyens logistiques, notamment les véhicules, qui manquent à l’armée pour s’acquitter de sa mission sur le terrain, comme pour aller à Kidal et même pour assurer les opérations de patrouille».
Dire donc que l’armée n’a pas besoin de ce matériel roulant est inexact. On sait qu’après l’annulation de l’achat des 200 véhicules, la famille Kagnassy, depuis Lomé, et certains concessionnaires ont été approchés pour reprendre la main. Malheureusement pour le duo Diango – Yamoussa Camara, la différence de prix est évaluée à 1,8 milliards de FCFA et le délai contractuel était trop long. Le scenario a capoté et l’on raconte des histoires à dormir debout, telles que «l’armée n’a pas besoin de ces 200 véhicules, 300 véhicules sont déjà commandés, les fonds seront utilisés pour renforcer les capacités opérationnelles des troupes…».
Qui est dupe? 300 véhicules pour une armée en guerre, c’est quoi même? Les rebelles n’ont-ils pas fait transiter 450 véhicules par nos entrepôts du Togo et d’Accra? Pour une armée régulière, en guerre contre des djihadistes pour une durée indéterminée, même un millier de véhicules n’est pas de trop!
Le ministre a menti devant les Honorables de l’Assemblée nationale, il doit démissionner, comme Jérôme Cahuzac, désormais ancien ministre du Budget de la France. Il doit partir, en même temps que Diango d’ailleurs, pour avoir dit aussi des contre-vérités dans le bureau du Président par intérim de l’Assemblée nationale, en affirmant que son département n’avait pas été associé aux procédures administratives de l’achat avorté des 200 véhicules.
Nous détenons la preuve écrite que son département y a bel et bien été associé, du début jusqu’à la fin. Au besoin, nous publierons la correspondance relative aux caractéristiques techniques des véhicules, des citernes et des ambulances, rédigée par le Colonel Moustapha Drabo et approuvée par le chef d’Etat – major général des Armées, le Général de Brigade Ibrahima Dahirou Dembélé, dès le début de la procédure administrative, mi février. La fin de celle-ci a été la désignation par ce même Général, le 4 mars dernier, des trois officiers devant se rendre à Amsterdam, aux Pays-Bas, pour l’inspection du matériel avant son embarquement.
Il s’agit du Commandant Mamourou Togo, du Capitaine Adama Maïga et du Lieutenant Sidy Coulibaly. Avec tout cela, on ne comprend pas que le Général Yamoussa Camara continue de dire que son département n’a pas été impliqué dans le dossier. Peut-être que nous ne parlons pas la même langue de Molière? Où bien, s’agit-il seulement de l’absence de son département dans les négociations financières avec le fournisseur? Cela relève exclusivement du ministère des Finances, dont les techniciens ont pleinement joué leur partition.
En définitive, le ministre de la Défense, Yamoussa Camara, doit rendre son tablier, parce qu’il a tenu des propos non fondés et surtout, parce qu’il n’a pas comblé les attentes. L’armée malienne n’arrive toujours pas à patrouiller dans les villes secondaires du Nord et à reprendre Kidal, faute de moyens logistiques. Cela est inadmissible. Il doit partir et, avec lui, son Premier ministre, Diango Cissoko, complaisant jusqu’au bout. A suivre.
Chahana Takiou