La crise qui secoue le Mali depuis le 17 janvier 2012 a eu au moins le mérite de révéler à la nation malienne les nombreux défis auxquels elle devra se préparer à relever. Parmi ceux-ci, l’état de déliquescence des forces armées et de sécurité semble aujourd’hui la situation qui a le plus surpris et choqué le citoyen lambda. L’absence de soldats maliens à Kidal accentue cette amertume chez le peuple malien.
Au sortir de cette énième crise, suite aux rébellions à répétition depuis l’indépendance jusqu’à nos jours et toujours dans la seule et unique partie septentrionale du territoire, le Mali doit impérativement se doter d’une armée nationale forte et performante pour récupérer sa position d’antan de pays de guerriers intrépides.
En effet, les épreuves de la vie doivent permettre de tirer tous les enseignements possibles afin de s’en prémunir de façon efficace. Depuis la nuit des temps jusqu’au milieu des années 1970, l’armée malienne était considérée à juste raison comme la véritable héritière des vastes et puissants empires qui se sont succédés dans cette région ouest-africaine jusqu’à la conquête coloniale.
A ce sujet, on peut citer, entre autres, l’empire de Ouagadou avec les Almoravides, ceux du Manding, du Wassoulou, du Songhay et autres royaumes du Macina, de Ségou, du Kénédougou, etc. L’histoire contemporaine de notre continent retient que c’est effectivement dans cette partie de l’Afrique que les colons français ont été confrontés à la plus farouche des résistances dans leur pénétration vers l’intérieur des terres à partir des côtes occidentales de l’océan Atlantique.
Le régime des pères fondateurs de la toute nouvelle République du Mali, proclamée le 22 septembre 1960 suite à l’éclatement de la Fédération du même nom, se sont assignés comme tâche de pérenniser et de perpétrer cette vieille réputation du peuple malien. Un peuple travailleur, fier de son histoire et de sa culture. Un peuple courageux et foncièrement attaché à ses valeurs sociétales d’honneur et de dignité. Un peuple qui préférait la misère dans la dignité à l’opulence dans le déshonneur et l’humiliation, entre autres.
Cette fibre patriotique s’est allègrement fondue comme beurre au soleil au fil des ans. De génération à génération, le Malien, dans notre grande majorité, est devenu n’importe qui, donc capable de n’importe quoi. Petit-à-petit, la notion et le sens du patriotisme ont disparus de la société. Seule valait désormais la course effrénée à la réussite sociale et économique.
Tous les moyens étaient bons pour y parvenir, des plus condamnables aux plus déshonorantes et humiliantes. Aucune bassesse, aucune perversion ni compromission n’était désormais interdite pour atteindre »le sommet » de la société. Comme une pieuvre de mer, le mal a étendu ses tentacules jusqu’aux moindres tréfonds de la vie nationale tout en s’accaparant de l’intégralité de nos comportements individuels au quotidien.
Malgré tout, le Malien avait une confiance inouïe à la limite de l’aveuglement dans son armée nationale. C’est pourquoi, hormis quelques observateurs avertis, la majorité de nos compatriotes ne pouvaient imaginer le drame de la débâcle de nos soldats d’abord à Andéraboukane, Aguelhok, Tessalit, Tinzawaten, Kidal, Tombouctou et Gao à la vitesse de l’éclair comme ce fut le cas en moins de 45 jours entre mars et avril 2012. Tout a été dit et écrit ou presque à ce sujet. Cependant, comme le dit bien l’adage, »à quelque chose malheur est bon », pourvu que l’on sache en tirer toutes les leçons.
Malheureusement, à la lumière de tous les scandales financiers qui font la une des journaux ces temps-ci, notamment ceux relatifs à l’équipement et à l’amélioration des conditions de vie et de travail de nos forces armées de défense et de sécurité, n’incitent pas à l’optimisme. Les Maliens sont perplexes et sceptiques quant à la volonté réelle de changement à laquelle chaque citoyen devrait parvenir à la suite de cette grave crise qui a provoqué l’effondrement systématique de ce qui constituait le socle de notre dignité et de notre fierté nationales.
Les troupes tchadiennes font aujourd’hui la fierté de l’ensemble du continent africain pour avoir tenu tête et vaincu les terroristes à égalité d’efficacité avec celles de la grande France dans l’Adrar des Ifoghas. Malgré la détermination de l’adversaire, les terroristes retranchés dans la vaste vallée d’Imettitaï, ont été combattus et vaincus. Parallèlement au déploiement de troupes au Mali dans le Nord du Mali, le Tchad parvient aujourd’hui sans grande difficulté à sécuriser ses frontières avec l’ensemble de ses pays voisins dont la Libye et le Soudan. Cela dénote simplement des enseignements que ce pays frère a su tirer de son passé tumultueux marqué par des coups d’état à répétition et des rebellions à multiples relents idéologiques, culturelles et souvent ethniques ou régionalistes.
Comme le dit cet autre adage »c’est au bout des épines que se cueillent toujours les roses ». Dans cette vie, rien ne se fait au hasard et encore moins gratuitement. C’est dans l’effort, la rigueur, le sérieux, le sens de la responsabilité, de l’honneur et de la dignité que l’homme atteint de la hauteur.
A l’instar donc du Tchad, du Niger et de bien d’autres pays, faisons de sorte que le Mali soit désormais à l’abri d’une telle catastrophe. Pour ce faire, reconstruisons une armée digne de nos ancêtres et grands-parents ! Faisons tout pour préserver ce maillon essentiel de la nation de nos travers et de nos faiblesses individuelles et collectives !
Bâtissons l’armée à la dimension des défis actuels et futurs auxquels notre nation doit faire face pour exister, survivre et vivre en paix et en parfaite harmonie avec elle-même ainsi qu’avec le reste du monde ! C’est une ambition qui n’est heureusement pas au-dessus de nos moyens. Pourvu qu’on s’y mette tous entièrement corps et âmes !
Le Mali mérite au moins ça de la part de chacun de ses fils et filles.
Bréhima Sidibé