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Exploitation forestière dans la zone de Kita : Des voix s’élèvent pour demander le respect de la biodiversité locale
Publié le samedi 30 decembre 2017  |  Aujourd`hui
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De nos jours, des ressortissants de Kita résidant à Bamako se plaignent de plus en plus des coupes abusives de bois d’œuvre dans leur localité, au profit des négociants chinois travaillant en sous main pour des multinationales. Si l’on n’y met pas un terme, avisent-ils, cela risque de porter un coup à la biodiversité de la localité.

Bakita est un petit village situé dans la commune de Gallé dans le cercle de Kita. Cette zone, faut-il le rappeler, est située non loin de la frontière guinéenne. Trois activités principales occupent le quotidien des jeunes : l’orpaillage, le jardinage et la coupe de bois d’œuvre sur demande des exploitants forestier. Cependant, c’est la coupe de bois qui est l’activité la plus rentable comme nous a confié un jeune bucheron rencontré sur place.



Plus de 10 000 Fcfa pour chaque arbre coupé

“Je suis un bucheron, je vis bien de cette activité depuis des années. Nous coupons seulement les bois d’œuvre sur recommandations des exploitants forestiers. Pour que nous puissions couper un arbre, il faut qu’il soit d’abord un bois d’œuvre, qu’il mesure 2,5 mètres et ayant aussi un diamètre de 30 cm2 “ nous a confié le jeune bucheron. A notre question de savoir avec quelle autorisation procèdent-ils à ces coupes ? Notre interlocuteur de répondre en ces termes : “C’est vrai, les Eaux et forêts exigent toujours à ce que ces coupes de bois soient faites dans le cadre d’un plan d’aménagement, mais certains respectent ces consignes comme d’autres peuvent les enfreindre. Mais une chose est sure, du fait que pour chaque arbre coupé je gagne au minimum 10 000 Fcfa, vous comprendrez aisément que je vais privilégier le panier de ma ménagère au détriment des consignes des eaux et forêts”.

Un autre bucheron trouvé sur place nous a révélé que, de nos jours, suite aux nombreuses coupes, les bois d’œuvre se font de plus en plus rares dans cette zone. “Nous sommes obligés d’aller maintenant jusqu’à la frontière guinéenne afin d’avoir les bois que les exploitants forestiers nous réclament “, a ajouté un autre bucheron sous couvert de l’anonymat pour des raisons de sécurité.

Il nous revient que ce sont surtout les coupes anarchiques opérées par ces bucherons sans plan d’aménagement qui agacent ces ressortissants du cercle de Kita.

“Ils ont pillé toutes nos forêts au profit des Chinois et cela au su et au vu des agents des Eaux et Forêts qui les laissent faire. Imaginez, sur ce tronçon qui va de la commune de Gallé à Kita, on peut compter par jour une dizaine de camions, tous remplis de bois qui sortent impunément de nos forêts pour Bamako. C’est pourquoi, nous avons décidé que cela ne peut plus continuer ainsi. Si les autorités ne sont capables de freiner cette déforestation, nous allons prendre notre responsabilité car c’est notre terroir et ce sont nos parents et nos petits enfants qui vont en faire les frais. Aussi, les exploitants forestiers et les agents des eaux et forêts sont-ils en train de s’enrichir sur le dos de notre forêt” a regretté un responsable des ressortissants de Kita.

Pas d’inspection sérieuse au niveau des forêts

Selon lui, il n’y a jamais eu d’inspection sérieuse de leurs forets par les services des Eaux et forêts. “Votre venue a coïncidé avec une inspection venue de Bamako avec certains partenaires pour constater l’état des forêts. Bien avant la venue de cette mission, ce sont les agents des Eaux et Forêts mêmes qui ont prévenu les bucherons de cesser toute activité durant 10 jours. Ce sont ces pratiques qui nous confortent pleinement dans notre position que les Eaux et Forêts sont complices de ces bucherons et des exploitants forestiers” a ajouté notre interlocuteur. Comment ces chargements d’arbre sont-ils transportés jusqu’à Bamako et à qui ces cargaisons de bois sont-elles destinées ? Selon un exploitant forestier : “Nous transportons ces bois de Kita à Bamako, mais avec surtout beaucoup de tracasseries car sur le tronçon entre Kita et la capitale, nous avons au moins 5 postes forestiers et à chaque poste nous payons au moins 150 000 Fcfa à 250 000 Fcfa aux agents des Eaux et Forêts et cela sans reçu. Une fois sur place, nous vendons la cargaison pour la transformation afin que ce bois serve à faire des tables-bancs, des armoires, des lits… “.

Approché par nos soins, Mme le Chef de Cantonnement de Kita, la capitaine Fatoumata Traoré, a dévoilé les efforts que son service et les plus hautes autorités sont en train de faire pour la préservation de nos forêts. Elle a surtout rappelé que l’exploitation forestière n’est pas interdite, mais qu’elle doit se faire en fonction d’un plan d’aménagement. A cet égard, précise-t-elle, elle regrette certaines pratiques qui consistent pour des élus, en l’occurrence des maires, à délivrer des permis de coupe de bois à l’insu des Eaux et Forêts.

“Le plus souvent, ils pensent qu’avec la décentralisation, ils ont le droit d’user des ressources forestières. Ce qui n’est pas le cas pour le moment. Seul l’Etat détient ce pouvoir” a-t-elle précisé.

Pour ce qui est de “l’arrangement aux postes” des Eaux et Forêts, la cheffe de Cantonnement dit ne pas être au courant de cette pratique. D’ailleurs, elle la juge illégale. “Nous n’avons donné mandat à aucun agent de prendre de l’argent avec le conducteur d’un camion contenant des bois illégaux. Pour la petite histoire, tout Kita est au courant que, l’année dernière, toute notre cour était envahie par des camions saisis. Même avant de répondre à vos questions, j’étais au niveau de la justice où nous avons introduit une affaire” a-t-elle précisé. Mais elle a reconnu aussi l’immensité de la forêt par rapport aux agents. ” Pour une commune, il n’y a qu’un seul agent des Eaux et Forêts. C’est très difficile d’avoir ainsi un regard sur tout ce qui se passe dans la forêt ” a fait savoir la cheffe de Cantonnement. C’est pourquoi, elle a invité les communautés à collaborer pour lutter contre ceux qui font ce travail d’exploitation de façon anarchique. “Ce sont ces mêmes communautés qui leur donnent gîtes et couverts” a-t-elle ajouté.

Pas question d’arrêter l’exploitation forestière

Quant au président de la coopérative nationale des exploitants forestiers du Mali, Moussa Koné, il précise que l’exploitation forestière se fait dans notre pays dans les règles. “Pour faire une exploitation forestière, il faut faire un plan d’aménagement et c’est que nous exigeons à tous nos membres qui évoluent dans ce secteur. Mais dans toutes choses ou entreprises humaines il y a des brebis galeuses. Si de tels cas existent, je ne suis pas au courant, mais une chose est sure. Nous exigeons à tous nos membres de travailler en fonction du plan d’aménagement et il nous arrive souvent de faire des missions d’inspection de la forêt pour se rassurer du respect de ces plans d’aménagements “ a souligné M. Koné.

Selon lui, pas question aujourd’hui d’arrêter l’exploitation forestière. “Primo, l’exploitation forestière est un métier comme tout autre et le bois d’œuvre qui fait l’objet de votre enquête, si on ne le coupe à un certain stade, il tombe de lui-même. Il vaut mieux le valoriser et qu’il soit utile à la société et au pays, sinon on n’aura pas de tables-bancs, de portes, de meubles, d’armoires et bien d’autres biens mobiliers dans nos maisons. Secundo, nous avons obligé certains de nos membres à s’investir financièrement dans la réalisation de plan d’aménagement “ a soutenu le premier responsable des exploitants forestiers.

Il a surtout porté un démenti catégorique concernant la vente des bois d’œuvre à l’état brut aux Chinois. “Nous sommes contre le fait que nos produits soient vendus à l’extérieur bien avant leur transformation. Je suis formel là-dessus, nous vendons directement nos produits aux menuisiers qui peuvent les transformer en bancs ou chaises. Donc juste vous dire que conformément au souhait de nos plus hautes autorités, nos produits sont d’abord transformés ici, même s’ils sont exportés, c’est après transformation” a précisé M. Koné.

Mais la question qui continue de tarauder les esprits, c’est de savoir où se trouvent autant de menuisiers en mesure de consommer cette énorme quantité de bois provenant de nos forêts. La question reste entière.

Kassoum THERA
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