Avec 100 millions d’euros, l’Arabie saoudite est de loin le principal contributeur financier.
Avec 100 millions d’euros, l’Arabie saoudite est de loin le principal contributeur financier de la force militaire conjointe du G5 Sahel (Mauritanie, Mali, Burkina Faso, Niger, Tchad). Cette force en cours de structuration est destinée à lutter contre les terroristes islamistes dans la zone sahélienne, aux côtés de la force française Barkhane.
Emmanuel Macron s’était présenté en leader de ce projet lors de la réunion à Bamako du 2 juillet dernier et se faisait fort d’entraîner derrière lui l’Union européenne et la communauté internationale. Cela ne fut pas le cas et seule la moitié des fonds nécessaires a été réunie pour pouvoir démarrer. L’Arabie saoudite veut désormais jouer un rôle à la hauteur de sa contribution et a exprimé le souhait d’organiser, en janvier à Riyad, une nouvelle réunion pour aller plus loin, avant de nouvelles réunions à Paris et Bruxelles pour boucler définitivement le budget. En partant du principe, jamais démenti, selon lequel c’est celui qui paye qui commande, on peut dire que le leadership a changé de camp et que c’est l’Arabie saoudite qui est en train de prendre la main.
Celle-ci n’étant pas un pays philanthrope, ses objectifs paraissent assez clairs.
D’abord, tenter de lever le soupçon de financement du terrorisme qui lui colle à la peau comme, par exemple, son rôle dans la fourniture à l’État islamique d’armement en provenance des Balkans. Il lui faut montrer un engagement à combattre le terrorisme et l’extrémisme. Les dirigeants saoudiens sont conscients depuis longtemps des risques occasionnés par les mouvements islamistes violents transnationaux depuis qu’Al-Qaïda a commencé à attaquer le pays en 2003. Le futur jeune roi, Mohammed ben Salmane, se présente comme le champion d’un islam modéré, tolérant et ouvert sur les autres religions, et vient de lancer une coalition militaire de quarante pays musulmans en jurant d’« effacer l’extrémisme de la surface de la Terre ». Dans la continuité, Mohammed ben Salmane souhaite lutter contre l’obscurantisme et moderniser son pays afin de le faire entrer dans le concert international, en se rapprochant des États-Unis et de l’Union européenne avec l’aide de son nouvel ami Emmanuel Macron.
Ensuite, il s’agit pour l’Arabie saoudite de contrer le Quatar, son éternel rival, qui est, lui, accusé d’avoir financé le terrorisme au Nord-Mali et qui commence à sérieusement le devancer dans la zone. L’enjeu est donc de consolider son influence au Sahel, une région dans laquelle les Saoudiens investissent depuis une quinzaine d’années dans des mosquées, des projets sociaux, des fondations, des dispensaires, des écoles coraniques, au point de se substituer aux politiques publiques, comme par exemple au Burkina Faso. Il s’agit d’une logique d’expansionnisme wahhabite pour contrer le soufisme, courant mystique de l’islam répandu dans l’Afrique sahélienne, en finançant une forme de radicalisation de la société. Sa participation envisageable au volet « développement » du G5 Sahel pourrait lui permettre d’accentuer encore cette influence en exigeant des contreparties.
Par son initiative sur le financement de la force conjointe militaire du G5 Sahel et en faisant ostensiblement appel à l’Arabie saoudite, Emmanuel Macron a donc introduit le loup dans la bergerie avec une naïveté certaine. Sur le long terme, cette opération aura pour effet pervers d’aggraver le risque majeur de développement d’un islam wahhabite en Afrique sahélienne et en Afrique de l’Ouest dans son ensemble. Les pays du Sahel ne sont certainement pas dupes de ce risque. Alignés derrière la coalition menée par l’Arabie saoudite dans le cadre de la lutte internationale contre le terrorisme, il reste à savoir jusqu’où ils sont prêts à l’accepter.