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Désespéré, un jeune Malien se jette sous un train en région parisienne
Publié le mardi 2 janvier 2018  |  infomigrants.net
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son inscription en CAP a été refusée en raison d’un souci administratif.
Sur la photographie au centre de l’article du Midi Libre annonçant sa mort, Kantra a l’air d’un adolescent heureux. Vêtu d’un t-shirt blanc et d’un short noir, il est entouré de deux des trois enfants de Solène Bourgouin, psychologue auprès d’enfants et d’adolescents, et de son mari. Par le biais d’une association, Kantra était devenu leur filleul et, ce jour-là, la famille était allée passer la journée à la plage de Beauduc, au sud d’Arles.

Peu avant Noël, le jeune homme, désespéré, s’est jeté sous un train en région parisienne. Il venait d’avoir 18 ans. Quelques jours plus tôt, l’assistante sociale qui suivait son dossier lui avait annoncé qu’un souci administratif l’empêchait de signer son contrat de CAP cuisine avec le restaurant qui était prêt à l’embaucher.

Arrivé en France à l’âge de 15 ans, Kantra n’avait été reconnu officiellement mineur qu’en août 2017. Pris en charge par l’Aide sociale à l’enfance (ASE) du Gard, il était alors hébergé au foyer Monjardin, à Nîmes et passait ses week-ends et ses vacances dans la famille de Solène.

"Ce que nous ressentons aujourd’hui, c’est beaucoup de tristesse, de la tristesse d’avoir perdu un être cher", confie la psychologue à InfoMigrants.

"Il faisait partie de la famille"

Kantra et la famille Bourgouin ont fait connaissance au printemps 2017 grâce à l’association Ados sans frontière, fondée en 2016, qui parraine une soixantaine de jeunes mineurs étrangers isolés dans le Gard.

"Quand on l’a rencontré, la première mois, je me suis dit que ça n’allait pas être facile. Il était très introverti, il avait du mal à nous parler de son histoire", se souvient Solène. Mais rapidement, Kantra prend confiance et le courant passe bien. La famille l’invite à se joindre à toutes ses activités.

La mère de famille décrit Kantra comme un jeune homme très sensible et empathique envers les autres, "toujours à demander s’il pouvait aider".

Le jeune Malien et le fils aîné de 13 ans de Solène se lient d’amitié. Les deux garçons jouent au foot et s’échangent des magazines "Sciences et vie". "Mon fils était très intrigué par le parcours de Kantra qui a quitté le Mali à peu près à son âge. Il disait qu’il voulait écrire son histoire", raconte Solène. "On regardait souvent sur des cartes où se trouvait son village et par où il était passé durant son parcours à travers l’Algérie, la Libye, la Méditerranée et l’Italie", ajoute-t-elle.

Cet été, la famille avait emmené Kantra avec elle en vacances dans l’Allier. "On rigolait beaucoup parce qu’on se baignait souvent dans des cours d’eau mais Kantra avait toujours un petit peu peur qu’il y ait des crocodiles", se souvient Solène.

Pour Kantra, c’est le temps du bonheur et de l’insouciance après des années de procédures difficiles. En octobre, le jeune homme entre en CAP cuisine et trouve un patron de restaurant qui accepte de l’embaucher pour deux ans. Le jeune homme est aux anges, la famille le voit déjà faire sa vie en France.

Désillusion

Mais quelques jours avant ses 18 ans, il apprend qu’un problème administratif l’empêche de signer son contrat. Selon son assistante sociale, il aurait dû étudier ou travailler six mois en France avant ses 18 ans. Un détail que Solène ignorait.

Pour le jeune homme, c’est la déconvenue de trop. "Le jour de ses 18 ans, le 14 novembre, on ne l’a plus reconnu. Il délirait à moitié. Il disait qu’il était maudit", détaille la psychologue. Quelques jours plus tard, il est mis à la porte de son foyer. Le 20 novembre, Solène lui parle une dernière fois au téléphone : "Je lui ai dit qu’il fallait qu’il sonne à notre porte s’il était à la rue. Je n’ai plus eu de nouvelles après cela".

Kantra a alors quitté le Gard pour rejoindre un oncle installé en région parisienne. Il a mis fin à ses jours le 21 décembre. Son oncle, s’inquiétant de ne pas le voir rentrer, a appris son décès par des photos que les policiers lui ont montré au commissariat.

"Je ne comprends pas pourquoi on nous a fait y croire jusqu’au bout"

Solène est en colère que les choses se soient passées ainsi. "Si on avait su qu’il n’y avait pas d’espoir on l’aurait accompagné psychologiquement vers l’idée d’un retour au Mali, explique-t-elle. Je ne comprends pas pourquoi on nous a fait y croire jusqu’au bout".

Aujourd’hui, la psychologue n’est pas prête à endosser de nouveau le rôle de marraine pour un mineur isolé, du moins pas pour le moment. "C’est trop frais, je fais encore mon deuil. Demain nous avons une réunion entre parrains, et marraines à l’association. Tout le monde sera accompagné de son filleul mais Kantra ne sera pas avec moi", glisse-t-elle, émue.

Marqués par le décès de Kantra, les bénévoles de l’association souhaitent se réunir pour savoir comment mieux préparer les jeunes dont ils s’occupent au cap de leur 18 ans. Solène, elle, désire appeler la mère de Kantra au Mali et lui envoyer un album photo des moments passés ensemble "pour lui montrer qu’il n’a pas eu que des moments de tristesse en France".


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