Pour ce 100ème numéro de votre journal préféré, nous sommes allés à la rencontre d’un joueur qui a marqué de son talent l’histoire du football malien : Cheick Fantamady Diallo. Notre choix sur lui se justifie par le fait qu’il était un joueur très talentueux. Il avait le don des dribbles, de l’efficacité et surtout une précision dans les frappes. Cheick Diallo dédie sa réussite au Stade malien de Bamako, club dans lequel ses débuts ont coïncidé avec la maturité du jardin d’enfants, sinon la pépinière constituée à l’époque de Mamadou Keïta dit Capi, Drissa Coulibaly, Oumar Bah, Moussa Fané, Issa Yattassaye, Moussa Traoré dit Gigla, Siré Diallo. L’histoire retient également qu’il fait partie des professionnels maliens, à l’image de Salif Keïta dit Domingo, Karounga Kéïta Bakoroba Touré, Moussa Traoré dit Gigla, Cheick Fantamady Keïta, qui ont permis au Mali de tutoyer l’élite africaine.
Au-delà de sa carrière de footballeur, l’enfant de Mopti a toujours été pour son club, le Stade malien de Bamako, un entraineur pompier avec des coupes et des titres de champion. Aussi, il a contribué à redorer le blason des sélections nationales des catégories de jeunes comme encadreur des Aiglonnets et des Aiglons, qu’il a fait qualifier à des Can et coupes du monde. Aujourd’hui Cheick Diallo est l’un des patriarches de la grande famille du Stade malien de Bamako. L’Etat malien lui a manifesté sa reconnaissance en l’élevant à la dignité de Grand Officier de l’Ordre du Mérite. Dans ce numéro 100, Cheick Diallo parle de tout : son enfance à Mopti, sa carrière, sa retraite.
Natif de la cinquième région administrative du Mali et surnommé dans l’enfance « Sékou bandi » pour son caractère belliqueux, Cheick Fantamady Diallo a été un excellent footballeur.
La révélation du marabout
Cheick Fantamady Diallo : Le talent au service du football
Cheick Fantamady Diallo lors de son jubilé à Bamako en décembre 1983 avec le gardien de Troyes Guly Formessi
Il est né avec le don du football, à telle enseigne qu’il sortait par la fenêtre de la classe pour aller jouer au ballon. Mieux, il demeurait l’éternel réfugié chez sa grande sœur, mariée non loin de la grande famille. Parce que chaque fois que ses parents l’envoyaient en commission, il trouvait les moyens de disparaître. Au risque d’une flagellation, il abandonnait la famille en attendant que la tension baisse. Mais, un jour il sera pris. Heureusement pour lui, un vieux marabout touareg en transit dans la famille Diallo, plaida pour sa cause. L’homme de Dieu révélera par la même occasion que le bonheur de Cheick Diallo réside dans football. Cette prédilection du vieux marabout n’est pas tombée dans l’oreille d’un sourd car depuis ce jour, le jeune Cheick Diallo est dispensé de toute mission aux heures d’entrainement ou de matches.
Après quelques temps de démonstration dans le quartier, il rejoint le Bani Club de Mopti. Il a 15 ans. Son gabarit, son talent et sa vivacité lui permettent déjà de défier les Grands. Son club s’impose dans le championnat régional. En 1970, au lendemain d’un premier saut en équipe nationale (à l’occasion du Tournoi triangulaire Mali-Guinée-Sénégal à Bamako), son grand frère le recommande au Comité exécutif du Stade malien de Bamako, qui décide de l’enrôler. Mais, le tournoi triangulaire a déjà déclenché des sollicitations de toutes parts. Les dirigeants du Djoliba et de l’AS Réal effectuent des déplacements à Mopti pour convaincre les parents du jeunot Cheick Diallo de revoir son transfert au Stade malien. Mais au finish, Cheick Diallo évoluera au Stade malien de Bamako. Etait-ce son choix ? Notre héros affirme que lors de sa première sélection en équipe nationale, l’accueil à lui réservé par les joueurs stadistes à l’internat l’a beaucoup marqué et venait renforcer le choix des parents.
Nouvellement transféré, Cheick Diallo a eu la drôle chance de faire chemin avec les fruits du centre de formation du club, comme évoqué plus haut. Avec comme entraineur Ben Oumar Sy, cette génération du Stade malien a joué les premiers rôles au Mali avec à la clef une coupe du Mali et trois titres de champions inter ligues. Le jeune Cheick Diallo émerveillera également par sa technicité dans les éliminatoires de la Coupe d’Afrique des Clubs Champions en 1971. Les ainés se souviendront de son nom, à chaque fois qu’on parlera de ces deux rencontres contre le Djaraaf de Dakar et l’Asec d’Abidjan. Après avoir éliminé les Sénégalais, le Stade rencontra en quart de finale les Mimosas. Par sa dextérité, Cheick Diallo créa la panique dans la défense ivoirienne et permit à Doudou Diakité d’égaliser pendant que le Stade était mené 2-1. Mais à la surprise générale, l’arbitre central refusa le but au motif qu’il avait sifflé la fin du match. Une décision qui élimina le Stade malien tenu en échec à Bamako (2-2).
Un buteur-né dans l’Hexagone
Le destin de Cheick Diallo bascule en juin 1974 quand il décroche un contrat et s’envole pour la France. Les prédictions du marabout touareg se confirmaient. Dans quelles circonstances ? L’enfant de Mopti se souvient du détail près pour son premier contrat en Europe : « Tout d’abord, je tiens à remercier les dirigeants du Stade pour le respect de leur promesse parce qu’ils n’ont posé aucun problème pour mon départ en France. Cela a d’ailleurs été rendu possible par le canal d’un Français du nom de Clisson, qui travaillait à Mali Optique. Celui-ci était un grand supporter du Stade. Un jour, il m’a contacté pour me faire la proposition de jouer en France. Je n’attendais que de telles opportunités. Mon accord et celui des parents n’ont fait l’objet d’aucune ambiguïté. Au niveau de mon club d’origine, le sens élevé de la responsabilité et la civilisation ont pris le dessus sur la passion. Donc j’ai pris l’avion pour la France ».
Une fois dans l’Hexagone, Cheick Diallo signe à l’AS Cannes. Sur la Côte d’Azur, il marque 17 buts en 28 matchs de championnat et de coupe nationale et tape dans l’œil des dirigeants de Troyes qui l’enrôlent lors de la saison 1975-1976.
En Aube Champagne, il évolue pendant trois saisons et constitue avec feu Moussa Traoré dit Gigla et Issa Yattassaye le noyau des trois Maliens de Troyes. Pendant trois saisons, il est meilleur buteur de son club avec respectivement 13 buts en 31 matchs en 1975-1976, 15 buts en 36 matchs en 1976-1977 et 14 buts en 32 matchs en 1977-1978.
Au terme de la saison 1977-1978, il pose son baluchon en Lorraine, au FC Metz et constitue une des pièces maitresses du dispositif du coach Jean Snella. C’est au cours de son passage au FC Metz qu’il devient coéquipier de l’ancien coach des Aigles du Mali, en la personne de Henry Kaspercsak. Ce dernier, en fin de carrière, est promu au poste d’entraîneur, après le décès de Jean Snella.
Après deux ans passés en Lorraine, il signe au Stade lavallois du légendaire Michel Le Milinaire et n’y reste qu’une saison, le temps de marquer 7 buts en 26 matchs.
Sa sélection en équipe nationale en 1971, malgré le fait qu’il évolue dans une région, met en évidence sa valeur intrinsèque. Et c’est à juste titre qu’il est l’un des acteurs de la qualification des Aigles à la CAN de Yaoundé 1972. Dommage ! Aujourd’hui l’enfant de Mopti est toujours traumatisé par l’échec de l’équipe nationale du Mali. Et pour cause ! A l’avant-veille de la compétition, il a été blessé lors d’un match amical. A l’époque, l’entraineur Allemand Karl Heinz Weigang avait tout fait pour qu’il fût évacué en Allemagne. Salif Keïta dit Domingo avait aussi demandé sa prise en charge à l’extérieur. Malheureusement, aucune disposition ne fut prise dans ce sens. Il traîna cette blessure jusqu’à la CAN où il ne joua qu’un seul match, sinon une seule mi-temps, un 28 février 1972 contre le Cameroun.
A la question de savoir pourquoi il reste toujours sous le coup d’un échec après 45 ans ? Cheick Diallo soutient que la défaite de la CAN de Yaoundé le traque toujours moralement parce qu’il est convaincu que l’équipe nationale du Mali était de loin l’une des meilleures d’Afrique et lui Cheick Diallo était au sommet de son art peu avant l’événement. Mais l’ingérence politique dans la sélection et dans les classements a pollué l’atmosphère et l’irréparable s’est produit.
Deux coups durs en deux ans !
Une fois la page de la CAN de Yaoundé tournée, l’enfant de Mopti participe avec les Aigles aux éliminatoires des Jeux olympiques de Munich 1972 et des Jeux africains de Lagos 1973. Le 29 avril 1973 à Bamako, il réussit un triplé face à la Sierra Léone dans le cadre des éliminatoires de la CAN 1974.
En août 1973, il fait partie de la sélection africaine coachée par Charles Kumi Gyamfi et Rachid Mekhloufi, qui participe aux Jeux afro latinos américains de Guadalajara, au Mexique.
Deux ans après, à l’issue du match des Aigles contre les Black Stars du Ghana, le 13 avril 1975, où il a marqué deux buts, il est exclu de l’équipe nationale avec ses camarades, feu Moussa Traoré dit Gigla, Issa Yattassaye et Oumar Bâ. Cette décision radicale les a frappés pour la simple raison qu’ils détiennent une double nationalité. Premier coup dur ! Pour cette affaire, Cheick Diallo explique : « Le match aller s’est soldé par une victoire du Mali, 3 buts à 1. L’entraineur à l’époque, Karounga Keïta dit Kéké, m’a demandé de rester à Bamako jusqu’au match retour. Je lui ai dit que je suis sous contrat et un tel comportement de la part d’un professionnel n’est pas décent. Il n’a pas digéré ma décision. Je suis retourné en France au sein de mon club. Au match retour, les Ghanéens se sont imposés par 4 buts à 0. Et par la suite, on m’annonce que je suis exclu de l’équipe nationale parce que le Mali ne reconnait pas la double nationalité. Je pense que si j’avais accepté la proposition de Kéké, je n’aurais pas été sanctionné ».
Cheick Diallo sentira le deuxième coup dur le jour où on lui demanda de payer un ticket pour assister à la rencontre Mali-Côte d’Ivoire, le 18 juin 1977 à Bamako. Il paya pour lui et toutes les personnes qui l’accompagnaient. Cheick confie qu’il était déjà habitué à financer ses billets d’avion pour répondre à l’appel du pays. Entre le prix d’un billet d’avion Paris-Bamako-Paris et celui d’un ticket d’entrée à un match de football, le fossé est quand même large.
Cheick Diallo ne signera son retour en équipe nationale qu’après l’arrestation de Tiécoro Bagayoko le 28 février 1978. Depuis, il répond à tous appels de la Nation.
En avril 1981, lors des éliminatoires de la CAN de 1982, l’enfant de Mopti crée la sensation et convainc du coup le coach ukrainien, Nikolaï Golovko, que ses kilos en plus n’ont eu aucune incidence sur son rendement technique.
En 1982, l’Allemand Steve Manfred le convoque pour le match retour des éliminatoires de la CAN 1984 contre le Maroc à Bamako. Malgré l’élimination du Mali, Cheik Diallo contribue à la victoire des Aigles 2-0 et fait étalage de toute sa classe.
Il profite de la fin de cette rencontre pour faire ses adieux au public sportif du stade omnisports. Il quitte définitivement les Aigles, le 03 juillet 1983 à Banjul, à l’occasion de Gambie-Mali, soldé par le nul d’un but partout. Par la même occasion, Cheick Diallo a prend sa retraite. Il joue son Jubilé en décembre 1983.
Entraîneur de circonstance, entraîneur de tous les jours !
Approché par l’Association des joueurs professionnels en France afin de prendre des cours d’entraineur pour matérialiser sa reconversion, Cheick Diallo décline l’offre. Pourquoi ? Notre héros avance ses raisons : « Au cours de ma carrière de joueur, j’ai été témoin de certaines décisions injustes au Mali et en France. Ces faits m’ont tellement déçu que j’avais décidé de ne pas être entraineur. Mais l’avenir décidera autrement. Les dirigeants du Stade m’ont approché en 1986 à la suite d’un incident avec l’entraineur titulaire, Molobaly Sissoko. Je devrais juste terminer la saison et finalement j’ai fait trois ans ».
Ce premier essai a fait de lui le coach pompier du club. Autrement dit, à chaque fois que la situation est confuse dans la famille blanche, les responsables lui font appel pour sauver les meubles. Parallèlement à sa carrière d’entraîneur au Stade, il entraîne l’équipe nationale espoir en 1995, les cadets en 2000-2001 (CAN et Coupe du monde), les juniors en 2003 au Burkina Faso et en 2011 en Afrique du Sud (CAN juniors) et en Colombie (Coupe du monde juniors). Il a aussi été adjoint de Henry Kaspercsak en équipe nationale lors de la CAN 2002 au Mali, d’Henri Stambouli en 2004 en Tunisie et d’Alain Giresse lors des éliminatoires de la CAN 2012.
En plein entretien avec notre héros, sa petite-fille Assou Fofana (l’enfant de sa fille mariée au fils d’un ancien stadiste, Mady Fofana) nous interrompt. La jeune fille revenait du salon en prélude à la fête du 31 décembre passé. Très sûre d’elle-même et dans une démarche qui rappelle celle des « Miss Ortm », Assou voulait juste avoir l’appréciation de son « époux ». Malheureusement, ce dernier lui asséna la réponse contraire à celle à laquelle elle s’attendait. Cheick Diallo continuait l’entretien et la fille de dire qu’elle n’avait pas le temps de notre héros.
Après cet intermède, actualité du moment oblige, nous demandons à Cheick, ses relations avec l’ancien président, ATT ? L’ancien attaquant des Aigles révèle ce que beaucoup de gens ne savent pas : « ATT est mon ainé d’un an. Nous avons fait l’enfance ensemble à Mopti et son père Toumani Touré était le premier vice-président du Bani Club dont j’étais la vedette. Son père me dorlotait beaucoup, parce que j’étais son enfant chouchou. C’est pourquoi ATT dit à qui veut l’entendre que je suis l’ami de son père et non de lui-même ».