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Aliou Diallo et Wassoul’Or : La justice enquête sur une mystérieuse mine d’or d’Airbus au Mali
Publié le mardi 9 janvier 2018  |  Farafinet
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Airbus Group est cité dans une enquête judiciaire pour escroquerie sur une mine d’or malienne en dépôt de bilan, dont les actionnaires ont été ruinés. Le projet d’investissement du géant de l’aéronautique dans cette mine, dirigée par un proche du pouvoir malien, semblait destiné à dégager des fonds occultes pour faciliter l’obtention de marchés militaires dans le pays.





C’est une nouvelle affaire très embarrassante pour Airbus Group, l’ex-EADS. Selon nos informations, le géant franco-allemand de l’aéronautique et de la défense est cité dans une information judiciaire pour « escroquerie et abus de confiance », ouverte le 3 mars par le parquet de Paris. L’enquête, confiée à la brigade financière, porte sur l’homme d’affaires franco-malien Aliou Diallo et sa société Wassoul’or, qui contrôle la mine d’or de Kodiéran, au sud du Mali.

La société, en dépôt de bilan depuis deux ans, n’a quasiment jamais rien produit. D’où la plainte déposée par la société allemande Pearl Gold, qui détient 25 % de Wassoul’or et dont les actionnaires ont perdu la quasi-totalité de leur mise. Ils sont d’autant plus remontés que Diallo a bénéficié, par le biais d’une opération financière trouble, d’un pactole de 60 millions d’euros en actions, qui n’a à ce jour pas été remboursé.

Là où le dossier se corse, c’est qu’Airbus Group a négocié, en 2012, son entrée au capital de Pearl Gold. L’investissement prévu s’élevait, selon nos informations, à plusieurs millions d’euros. Mais qu’est donc allé faire le constructeur des Airbus et de la fusée Ariane dans cette galère minière entachée de soupçons d’escroquerie, aux antipodes de son activité ? C’est ce que la justice va devoir vérifier. Selon des documents confidentiels recueillis par Mediapart, cet investissement ressemble fort à une opération façon Pieds nickelés, destinée à dégager des fonds occultes pour conclure des contrats de matériels militaires avec le Mali.

Les hommes qui ont conduit l’opération malienne chez Airbus Group étaient en effet membres de la Strategy & Marketing Organisation (SMO). Ce service commercial ultrasensible, chargé de décrocher les contrats à l’export, était le seul habilité à valider et rémunérer les intermédiaires utilisés par l’ensemble du groupe. Récemment démantelé par le PDG d’Airbus à la suite de plusieurs affaires de commissions occultes présumées, le SMO a été perquisitionné en février dans l’enquête pour corruption sur le Kazakhgate (lire ici). Au sein de ce service, l’opération malienne était « un dossier sensible », confie une source informée.

Par ailleurs, dans la foulée de ces discussions pour investir dans la mine, Airbus Group a fait au printemps 2013 une offre commerciale au Mali pour lui vendre des hélicoptères et des avions militaires, qui a été couronnée de succès deux ans plus tard. Coïncidence : l’État malien détient 20 % de la mine de Kodiéran. Et l’actionnaire majoritaire, Aliou Diallo, est un très proche du pouvoir et de l’actuel président, Ibrahim Boubacar Keïta.

Il y a enfin l’atmosphère digne du secret défense qui entoure cette opération. Joint par Mediapart, Laurent Mischler, le cadre du SMO d’Airbus en charge du dossier, a laissé son téléphone tourner sans dire un mot pour laisser croire à un problème technique, puis a prévenu sa hiérarchie dès que nous avons raccroché. Airbus Group s’est refusé à tout commentaire, nous faisant simplement savoir que les cadres que nous avons tenté de joindre ne nous rappelleraient pas. Tandis qu’Aliou Diallo a refusé de nous dire s’il avait servi de « facilitateur » pour le géant de l’aéronautique au Mali.

Reste à savoir si Airbus Group a bien investi, pour quel montant, et où a atterri l’argent le cas échéant. La tâche s’annonce complexe pour les enquêteurs, puisque les actions destinées à Airbus ont fait l’objet de transactions obscures opérées entre plusieurs sociétés offshore contrôlées par un financier proche du patron de Wassoul’or.

Tout commence donc avec l’homme d’affaires franco- malien Aliou Diallo, 56 ans. Fils de cheminot malien formé en Tunisie et en France, il est présenté par la presse locale comme l’un des hommes les plus riches du pays. Mais ses deux principales sociétés connues, spécialisées dans l’exploration minière et pétrolière, n’ont jamais réalisé de production industrielle.



La première, Wassoul’or, détient la concession du gisement d’or de Kodiéran, à 300 km au sud de Bamako. Pour construire les équipements de la mine, Aliou Diallo commence en 2005 par collecter de l’argent via un fonds canadien, Mansa Moussa Gold Fund. Il tentera en 2008 d’obtenir 200 millions de dollars auprès d’un homme d’affaires suisse, qui se rétracte au dernier moment. Furieux, Diallo engage, sans succès, des poursuites judiciaires contre un banquier de BNP Paribas qui lui avait servi d’intermédiaire (lire ici, là et là).

À la suite de cet échec, Aliou Diallo change de tactique et décide de lever des fonds en Bourse. En 2010, il transfère les 25 % détenus dans Wassoul’or par Mansa Moussa Gold Fund (MMGF) à une société allemande, Pearl Gold, cotée sur le marché libre à la bourse de Francfort, dont la direction et le conseil de surveillance sont contrôlés par lui et ses proches.

Aliou Diallo s’appuie sur un homme de l’ombre qu’il a installé au conseil de Pearl Gold : Olivier Couriol. Selon un connaisseur du dossier, Couriol est « le conseiller financier de monsieur Diallo, son arrangeur de fonds et de montages internationaux ». Ce financier français, qui vit entre la Suisse et les Émirats arabes unis, est un spécialiste des sociétés offshore. Selon nos informations, il a été entendu le mois dernier par la justice suisse dans le scandale Patrice Lescaudron, un gérant du Crédit suisse qui a fait perdre des dizaines de millions d’euros à des clients de la banque. Couriol et Lescaudron sont soupçonnés d’avoir touché des commissions illicites au détriment des clients du Crédit suisse, transférées vers un compte aux Émirats.

Dans l’opération malienne, c’est Olivier Couriol qui met en relation Pearl Gold avec Airbus Group en janvier 2012. Selon un mail de Couriol, son contact au sein du géant de l’aéronautique, Laurent Mischler, a un profil très particulier : il travaille sous les ordres d’Olivier Brun, l’homme chargé, au sein du service SMO, d’élaborer les complexes montages offshore par lesquels transitent les commissions versées aux intermédiaires d’Airbus Group pour les contrats export ! Dans un mail, Couriol précise que Mischler « ne sera pas prêt avant la mi-mars parce qu’il monte un fonds luxembourgeois ».

Le directeur du business development d’Airbus Group est en tout cas très intéressé. Le 17 janvier 2012, Laurent Mischler rencontre l’avocat allemand Lutz Hartmann, mandaté par Pearl Gold et qui deviendra, deux mois plus tard, le coprésident de la société. « Je pense qu’il vous fera un debriefing et nous pourrons commencer à planifier un plan de travail », écrit le cadre d’Airbus le jour même au financier Olivier Couriol (voir ci-dessous).

60 millions d’euros d’actions à Ras Al- Khaïmah

Dès lors, tout va très vite. Les 9 et 10 février 2012, Mischler se rend au Mali pour visiter la mine de Kodiéran. Le 16 février, le patron de Pearl Gold envoie le questionnaire détaillé qu’Airbus Group lui a demandé de remplir dans le cadre des vérifications (les due diligences) liées à l’investissement.

Dix jours plus tard, les installations flambant neuves de la mine, dont le Mali est actionnaire à 20 %, sont inaugurées en grande pompe. Un premier lingot d’or est coulé pour l’occasion et mis entre les mains du président de la République, Amadou Toumani Touré. Lequel annonce qu’il va décerner à Aliou Diallo la médaille d’officier de l’Ordre national du Mali (voir la vidéo ci-dessous).

Le problème, c’est que cet or n’était peut-être que de la poudre aux yeux. Selon trois attestations réalisées par des salariés de la mine, que Mediapart a consultées, l’usine de traitement n’était « pas opérationnelle », et il était donc « impossible » que le lingot ait été fondu avec de l’or issu du sol de Kodiéran. Aliou Diallo dément et affirme que le minerai était issu de « l’usine pilote » qui a précédé la « grande usine ».

Un mois après l’inauguration, le Mali bascule dans le chaos. Le 21 mars, le président malien est renversé par un coup d’État des militaires, qui dénoncent le manque de moyens de l’armée face aux attaques des rebelles islamistes du nord. La situation ne se calmera que l’année suivante, à la suite de l’opération militaire Serval menée par l’armée française, et de l’élection du nouveau président Ibrahim Boubacar Keïta.

Malgré ce contexte très agité, Pearl Gold, forte de son premier lingot, affiche son optimisme. En Bourse, le cours s’envole et dépasse les 13 euros. De nouveaux investisseurs se laissent séduire. La société prépare son transfert en septembre vers le general standard de la bourse de Francfort (l’équivalent du second marché à Paris), bien plus réglementé et prestigieux que le marché libre.

C’est dans ce climat d’euphorie qu’Aliou Diallo concocte une opération extrêmement avantageuse pour lui. En mars 2012, il obtient, par le biais d’une augmentation de capital, 5 millions d’actions Pearl Gold, d’une valeur de 60 millions d’euros, sans débourser un centime. Il a en effet payé ces titres avec une créance de 1,5 tonne d’or, d’une valeur équivalente, que Wassoul’or devra livrer à partir de la fin de l’année, lorsque la production atteindra son rythme de croisière.

Selon plusieurs sources, ce sont ces actions qui devaient, pour partie, être vendues à Airbus Group. Les discussions par mail se poursuivent d’ailleurs jusqu’en septembre avec Laurent Mischler, le cadre d’Airbus, à la fois sur les vérifications administratives et la situation de l’entreprise. Mischler se rend une seconde fois à Kodiéran, le 19 septembre 2012, en compagnie d’Olivier Couriol, le financier de Diallo, cinq jours avant le transfert de Pearl Gold au second marché de Francfort.

En parallèle, un montage financier offshore se met en place autour de 5 millions d’actions Pearl Gold obtenues par Diallo. À peine ses titres en poche, il les transfère, en avril 2012, sur un compte suisse de la banque Sarasin ouvert au nom de Martagon Investments Limited (voir notre document ci-dessous). Cette société, immatriculée à Ras Al- Khaïmah, un paradis fiscal des Émirats arabes unis, est contrôlée par… son financier, Olivier Couriol.

Dans les mois qui suivent, on observe d’étranges mouvements boursiers autour du titre. Dans la plus totale opacité, puisque aucune déclaration de seuil

n’est obligatoire sur le marché libre. Le cours de Bourse, qui avait été divisé par deux après l’augmentation de capital, rebondit brutalement à partir du mois de juin, pour dépasser les 10 euros. Fin août, la bagatelle d’1,3 million d’actions change de mains en deux semaines, vingt fois plus que le volume de transactions habituel.

Le résultat de cette frénésie apparaît le 25 septembre, lorsque la cotation au second marché force les gros actionnaires à se déclarer. Résultat : Martagon, la société de Couriol, qui détenait les 5 millions de titres de Diallo, n’en a plus qu’1,2 million. Mais 3,3 millions d’actions ont été acquis par deux sociétés immatriculées aux îles Vierges britanniques, Matterhorn Fund et Sequoia Diversified Growth Fund… elles aussi gérées par Olivier Couriol.

En clair, le financier de Diallo semble avoir orchestré des mouvements de titres sur le marché et entre les sociétés offshore qu’il contrôle, lorsque le cours était au plus haut. Qu’est devenu l’argent lié à ces opérations ? Ont-elles permis à Airbus Group d’entrer au capital de façon masquée ou de générer des flux financiers opaques ? Le géant de l’aéronautique n’a pas souhaité nous répondre. « À ma connaissance, aucune transaction n’a été finalisée avec Airbus Group », se borne à déclarer Aliou Diallo, sans plus de détail. Il affirme que ses 5 millions de titres ont été vendus au fil du temps sur le marché par Olivier Couriol. À cause de la chute du cours qui a suivi, il assure n’en avoir tiré que 15 millions d’euros, investis dans la mine.

« Nous ne pouvons pas le dire au monde extérieur »

Quoi qu’il en soit, Aliou Diallo, Olivier Couriol et Laurent Mischler, le cadre d’Airbus, ont continué à entretenir de très bonnes relations dans les mois qui ont suivi. Le 14 avril 2013, Couriol prévient Mischler que le rendez-vous prévu la semaine suivante à Casablanca va être annulé : « J’ai eu Aliou et il pense que ça ne va pas être possible… J’ai proposé Genève dans la semaine du 22 avril… A+. »« Dommage, je serais bien allé chez Benis aux Habous pour me faire quelques petites cornes de gazelle. Alors Genève ? » répond le cadre d’Airbus.

Coïncidence : un mois plus tard, le « Monsieur Afrique » d’Airbus Group, Jean-Philippe Gouyet, part en mission commerciale à Bamako. Comme l’a révélé la Lettre du continent, il propose au président malien par intérim, dans la foulée de l’opération Serval, trois hélicoptères Super Puma et trois avions de transport militaire. Cette campagne se révélera victorieuse grâce au nouveau président, Ibrahim Boubacar Keïta, dit IBK, qui, en mai 2015, débloque les fonds pour les hélicoptères, et commande l’un des avions en février dernier.

Or, le patron de la mine de Kodiéran, Aliou Diallo, est un très proche d’IBK. L’homme d’affaires a créé le parti ADP-Maliba, fort de quatre députés, qui soutient le chef de l’État. Selon le site Africa Intelligence, c’était aussi « l’un des principaux sponsors » de la campagne d’IBK en 2013. Aliou Diallo a-t-il mis son influence au service d’Airbus ? Il n’a pas souhaité nous répondre.

Quoi qu’il en soit, l’or s’est finalement changé en plomb pour les actionnaires de Pearl Gold. Fin 2013, la mine de Kodiéran est mise à l’arrêt, et les salariés licenciés. Wassoul’or dépose le bilan. Mais la société parvient, après une bataille juridique, à échapper au redressement judiciaire, au profit d’une simple procédure de sauvegarde. Le cours de l’action Pearl Gold s’effondre, passant de 10 euros à 30 centimes.

Furieux, de gros actionnaires parviennent à prendre le pouvoir chez Pearl Gold, et installent à la tête de la société l’un des leurs, Michael Reza Pacha. Il commence par poursuivre Diallo au Mali. Mauvaise pioche : alors que les actionnaires de la société ont perdu leur chemise dans l’opération, un tribunal de Bamako condamne Pearl Gold à verser 38 millions d’euros à Diallo et aux entreprises qu’il contrôle. D’où le fait que Pearl a saisi la justice française début 2015, à travers une plainte simple, puis une seconde avec constitution de partie civile. Ce qui a abouti, un an plus tard, après quelques péripéties procédurales, à l’ouverture d’une information judiciaire.

Dans sa plainte, que Mediapart a pu consulter, Pearl affirme que la mine n’a produit que 170 kilos d’or. Elle dénonce l’opération qui a permis à Diallo de s’approprier pour 60 millions d’euros d’actions sans bourse délier. Et soupçonne le patron de Wassoul’or de ne pas avoir investi dans la mine la totalité des quelque « 150 millions d’euros » levés auprès des investisseurs.

Pearl accuse enfin Aliou Diallo d’avoir escroqué les actionnaires en leur mentant sur l’état réel de la mine. Tout au long de l’année 2012, la société avait assuré que l’usine produirait à 100 % de ses capacités d’ici la fin de l’année. Mais des documents internes confidentiels font au contraire état de grandes difficultés.

Des attestations de salariés indiquent qu’en février 2012, l’usine « n’a jamais été mise en production […] de façon continue » et avait de « nombreuses pannes ». En mai, la société canadienne Bumigeme, qui a construit l’usine, se plaint par mail que « Wassoul’or a accumulé plus de 1,6 million de dollars en factures impayées », et propose un plan d’action pour atteindre la pleine production en 17 semaines… si les fonds sont débloqués. Aliou Diallo a choisi de se séparer de Bumigeme, moyennant le paiement d’un million d’euros, et a embauché d’autres experts.

Mais le 24 septembre 2012, l’un de ses financiers évoque par mail « les nombreux problèmes qui nous empêchent encore de produire de l’or en quantités dignes de pouvoir être dévoilées ». Trois jours plus tard, l’un des responsables de la mine écrit que les teneurs en or du concentré issu de la mine sont « ultra basses ». « Nous ne pouvons pas le dire au monde extérieur car personne n’essaiera de récupérer de l’or […] avec des teneurs initiales aussi basses », s’inquiète-t-il. Le mail est daté du 27 septembre, deux jours après la cotation triomphale de Pearl au second marché de la bourse de Francfort.

Contacté par Mediapart, Aliou Diallo réfute catégoriquement ces accusations (lire l’intégralité de ses réponses sous l’onglet Prolonger). Les soupçons de détournement de fonds ? « Je n’ai pas pris l’argent de Wassoul’or pour injecter dans la politique ou autre chose. Au contraire, je prenais l’argent de mes autres projets pour faire tourner Wassoul’or », s’était- il défendu dès 2014. Les comptes de la société, qu’il nous a fournis, font état de 240 millions d’euros investis. Il ajoute avoir abandonné 142 millions d’euros de créances en 2015 dans le cadre de la procédure de sauvegarde.

Les difficultés de la mine ? Il affirme que c’est le « départ prématuré » de Bumigeme qui a créé un « problème d’opération de la carrière et de l’usine ». Il ajoute que « la faiblesse de concentration d’or était plutôt liée aux problèmes d’opération de l’usine », et pas à la teneur en minerai. Il assure enfin avoir parfaitement informé de la situation les actionnaires, dont Pearl Gold. « Il y avait des problèmes, mais je pouvais constater aussi des progrès, et les experts sur le terrain nous disaient qu’ils seraient résolus », ajoute l’ancien coprésident de Pearl, Lutz Hartmann, qui a démissionné en 2014 à la suite de gros désaccords avec Aliou Diallo, notamment sur sa gestion « trop autoritaire, sans prise en compte des avis des experts extérieurs et de Pearl Gold ».

Sur le front judiciaire, l’homme d’affaires malien se dit confiant. «Pearl Gold a déjà initié au Mali, où Wassoul’Or a son siège social, de nombreuses procédures judiciaires qu’elle a toutes perdues. Elle vient de perdre également un procès en Allemagne », indique-t-il. Malgré cette sérénité apparente, Diallo a tout de même musclé sa défense : en plus de son avocat habituel, Éric Turcon, il a fait appel au célèbre pénaliste Pierre Haïk, défenseur de Serge Dassault et de Nicolas Sarkozy, alias Paul Bismuth.

L’affaire n’a pas non plus ébranlé son indéfectible optimisme entrepreneurial. Aliou Diallo affirme que la mine, toujours à l’arrêt depuis près de trois ans, sera pleinement opérationnelle dès la fin 2016. Il tente aussi de développer par le biais de sa seconde société, Petroma, un gisement d’hydrogène à 50 km de Bamako. Le 22 février dernier, il a eu droit à une interview dans Le Figaro pour vanter son nouveau projet. Manifestement, Diallo cherche des investisseurs pour passer à la phase industrielle. Avis aux amateurs.

Boite noire

Airbus Group n’a pas souhaité faire de commentaire, non plus que les trois cadres du groupe liés à l’opération malienne que nous avons identifiés et contactés. Le financier Olivier Couriol a refusé, lui aussi, de nous répondre. Aliou Diallo a pour sa part refusé de nous parler, mais a accepté de répondre à nos questions par mail (voir sous l’onglet Prolonger), à l’exception de celle portant sur la nature de ses relations avec Airbus au Mali.

Prolonger

À la suite de notre première demande d’entretien par mail, Aliou Diallo nous a envoyé la réponse suivante, avec copie à ses avocats :

« Bonjour Monsieur Philippin,
J’ai bien reçu votre e-mail ci-dessous.

Je sais qu’une plainte contre X a été déposée en mars 2015 par Pearl Gold AG, auprès du Parquet financier de Paris. Je sais aussi que cette plainte a été classée sans suite mais qu’elle a été redéposée à l’identique en 2016 afin qu’elle puisse être instruite.

Pearl Gold AG a déjà initié au Mali, où Wassoul’Or SA a son siège social, de nombreuses procédures judiciaires qu’elle a toutes perdues. Elle vient de perdre également un procès en Allemagne où Pearl Gold AG a son siège social, la Cour régionale de Francfort ayant annulé le vote de confiance au président du directoire en débarquant tous les membres du conseil de surveillance.

Je constate également que le Parquet financier de Paris n’a pas cru bon de se saisir de la plainte de 2015 dont je n’ai jamais eu connaissance. J’ignore si je suis visé et je ne vois pas très bien le lien avec votre pays.

Dans ces conditions et tant que je n’aurai pas connaissance de son contenu et donc pu en estimer les conséquences éventuelles, j’ai décidé de ne pas m’exprimer au sujet de ce dossier.

Je suis sûr que vous me comprendrez et je vous demande de ne pas insister.

Mes conseils nous lisent en copie. »

Malgré cette réponse, nous nous sommes permis d’insister en envoyant à Aliou Diallo des questions précises, auxquelles il a fait par mail les réponses suivantes :

Quel a été le montant total des fonds levés, à votre initiative, via Mansa Moussa Gold Fund (MMGF) puis Pearl Gold ? En sus de ces fonds levés sur le marché, M. Diallo a-t-il injecté des fonds personnels dans la mine ? Combien d’argent a été réellement investi, au total, dans les équipements de la mine de Kodiéran ?

« Tout d’abord, avant même la création de Mansa Moussa Gold Fund en fin décembre 2004, le total du bilan de Wassoul’Or SA Fin 2004 était de 26.220.803.846 FCFA soit 39.973.357 EUR. Les fonds levés par Mansa Moussa Gold Fund de 2005 à 2009, sont d’un total d’environ 19.678.710.000 FCFA, soit environ 30.000.000 EUR.

Le total du bilan de Wassoul’Or est passé de 26.220.803.846 FCFA soit 39.973.357 EUR en 2004 à 84.936.424.713 FCFA, soit environ 129.484.744 EUR en 2009.

Cet accroissement du total du bilan de Wassoul’Or a été rendu possible par les fonds levés par Mansa Moussa Gold Fund, par l’augmentation de mon compte courant et par des financements bancaires locaux.

Bien sûr que j’ai injecté des fonds personnels dans la mine. Toutes ces informations concernant les fonds personnels que j’ai injectés, l’apport de Mansa Moussa Gold Fund sont vérifiables dans les états financiers certifiés de Wassoul’Or, approuvés par le conseil d’administration et l’assemblée générale

Dans une mine, il n y a pas que des équipements de l’usine, il y a des sondages à faire dans la carrière, des campagnes de recherche géologique et géochimique. Tous les échantillons de recherche doivent être analysés dans des laboratoires certifiés, des fois avec de multiples analyses par échantillon. Il y a également, des études de faisabilité et environnementales à faire, des aménagements de digues pour le parc à rejets, une cité minière, des centrales électriques, des équipements miniers roulants, des bâtiments administratifs, une piste d’atterrissage et une consommation élevée de carburant pour faire fonctionner l’ensemble, sans oublier le personnel local et expatrié avec les différents sous-traitants. Le besoin en fonds de roulement est conséquent.

Dans le cas de Wassoul’Or, comme nous avons voulu une mine très proche des communautés riveraines, des investissements ont également été faits pour faciliter les relations avec ces communautés. Des écoles ont été construites, des centres de soins avec salles d’accouchement. Des routes et des ponts ont été construits. Des digues de retenue d’eau ont été également aménagées pour les éleveurs. Sans oublier les différentes campagnes de vaccination des jeunes, pendant les périodes d’épidémie de méningite. Mettre une mine en production, c’est plus que bâtir une cité. »

Selon nos informations, la mine n’était pas opérationnelle en février 2012 lorsqu’elle a été inaugurée par M. Diallo et le président malien Amadou Toumani Touré.

« Dans ces conditions, d’où venait l’or qui a permis de fondre un lingot pendant cette inauguration ? La mine était bien opérationnelle. C’est le lieu de préciser qu’avant la construction de la grande usine, il y a eu d’abord la construction d’une unité pilote. C’était l’engagement de Mansa Moussa Gold Fund et de Sodinaf. À savoir, construire une usine pilote et la grande usine.

L’usine pilote a été opérée plus d’une année. Nous détenons encore les registres de production de cette unité pilote. Le Minerai qui a été traité à l’usine pilote est bien celui de Kodiéran et l’or qui en a été extrait vient bien du traitement du minerai de Kodiéran. L’or qui a donc été utilisé dans l’inauguration vient bien du traitement du minerai de la mine d’or de Kodiéran par l’unité pilote.

À l’inauguration, la grande usine était bien finie. Le conseil d’administration de Wassoul’Or a d’ailleurs fait un constat de la fin des travaux de la grande usine, en adoptant une résolution sur la finition de celle-ci. L’opérateur était sur place. C’est le commissionning qui devait continuer après l’inauguration du 25 février 2012 et qui a été malheureusement interrompu par le coup d’État du 22 mars 2012, entraînant le départ précipité de l’opérateur, qui n’a pas eu le temps de former le personnel malien, en vue de lui transférer la gestion après 3 ans comme prévu. Donc, l’usine était bien là, finie. Mais l’opérateur n’y était plus.

Ce n’est pas parce qu’on a un permis de conduire qu’on peut s’improviser au volant d’une Formule 1, même si nous sommes propriétaires d’une voiture de Formule 1. »

Selon nos informations, à la mi-2012, M. Diallo disposait d’informations confidentielles issues de Wassoul’or, faisant état de nombreux problèmes liés à la mine (problèmes techniques, fournisseurs impayés, concentrations d’or trop faibles, etc.). Pourquoi ces informations n’ont-elles pas été dévoilées aux actionnaires de Pearl Gold ?

« L’opérateur est parti juste après les événements de Mars 2012. Pearl Gold était bien informée de ce départ prématuré de l’opérateur. D’ailleurs, c’est le président du directoire de Pearl Gold, à l’époque Lutz Hartmann, avec le président de son conseil de surveillance Robert Goninon, qui ont négocié, pour le compte de Wassoul’Or, le contrat entérinant le départ de l’opérateur. Pearl Gold a toujours eu un représentant sur le site, à savoir Robert Goninon, qui était également un de ses représentants au conseil d’administration et à l’assemblée générale de Wassoul’Or.

Robert Goninon, en tant que président du conseil de surveillance de Pearl Gold, devait donner les informations qu’il fallait aux actionnaires de Pearl Gold. C’était dans son devoir.

Wassoul’Or informe ses actionnaires et leurs représentants dans ses réunions du conseil d’administration et de l’assemblée générale.

Le problème que la société a rencontré est un problème d’opération de la carrière et de l’usine. Ce n’est pas la première fois que ce type de problèmes arrive à des sociétés minières au Mali, avant de retrouver le chemin du profit, après la fin du commissionning. C’est l’interruption du commissionning de l’usine de Wassoul’Or qui n’a pas permis de finaliser son paramétrage et de mettre en place une stratégie d’exploitation de la carrière par selective mining.

La faiblesse de concentration d’or était plutôt liée aux problèmes d’opération de l’usine qu’à la qualité de l’usine. Pearl Gold elle-même a mandaté un cabinet international pour faire l’audit de l’usine et qui a conclu que celle-ci était assez bien construite. Les problèmes d’opération de la mine n’étaient pas des problèmes cachés à Pearl Gold, qui était représentée sur le site par son président du conseil de surveillance. »

En mars 2012, M. Diallo obtenait, via une augmentation de capital de PG et sans sortir un euro de cash, 5 millions d’actions PG, d’une valeur d’environ 60 millions d’euros, en échange d’une créance de livraison d’or. Quelle est la justification de cette opération, qui semble avoir été réalisée pour le seul profit de M. Diallo ?

« Pearl Gold a acquis 25 % de Wassoul’Or sans débourser un centime. La transaction consistait à me transférer des actions de Pearl Gold contre 25 % de la mine. Après que Pearl Gold ait acquit 25 % de Wassoul’Or, elle a souhaité en être aussi un des actionnaires créanciers, vu qu’en face ma société Sodinaf avait le contrôle de la mine et détenait la quasi-totalité des créances sur Wassoul’Or sous forme de droits de livraison future d’or.

Comme Pearl Gold n’avait pas d’argent pour me racheter une partie de ces droits de livraison future d’or, elle a proposé de me payer par 5 millions de ses actions. C’est en ce moment qu’un contrat entre Sodinaf et Pearl Gold a été préparé par Lutz Hartmann et signé par les deux parties.

Les actions qui m’ont été livrées contre, dans le cadre de ce contrat, ont été vendues au fur et à mesure sur le marché. Vous pouvez aller sur le site de la bourse de Francfort pour constater le rythme de vente de ces actions qu’on a continué de vendre jusqu’en début 2014 pour financer les investissements et le fonds de roulement de Wassoul’Or. Une bonne partie de ces actions a été vendue autour d’un Euro l’action. Donc détrompez-vous ! Nous n’avons pas levé 60 millions d’Euros, par la vente de ces actions. Nous avons tout au plus levé environ 15 millions d’Euros.

Ces fonds, contrairement à ce que vous insinuez, ont bien été injectés dans Wassoul’Or. Ce qui est vérifiable dans ses états financiers certifiés de 2012, 2013 et 2014 et approuvés par son conseil d’administration et son assemblée générale. La vente de ces actions n’a pas profité à M. Diallo, mais à Wassoul’Or. »

En avril 2012, Sodinaf, la société de M. Diallo, a transféré les 5 millions d’actions PG vers un compte bancaire suisse détenu par la société Martagon Investments Limited, contrôlée par M. Olivier Couriol. Quelle était la finalité de ce transfert, qui semble dépourvu de justification économique ? Que sont devenues ces actions, qui ont par la suite fait l’objet d’opérations entre les différentes sociétés de M. Couriol immatriculées dans des paradis fiscaux ? Quel usage avez-vous fait de l’argent gagné via la vente de ces titres ?

« Ces actions ont été transférées à Martagon en lui donnant un mandat pour les vendre et reverser les produits de la vente en faveur du projet minier au Mali, pour financer les activités de Wassoul’Or. Ce qui est aussi vérifiable sur les états financiers certifiés de Wassoul’Or. »

Entre janvier 2012 et avril 2013, M. Diallo a été associé à l’entrée de la société EADS au capital de Pearl Gold. Quelle était la finalité de cette opération ? EADS a-t-il bien acheté, via les sociétés offshore contrôlées par M. Couriol, une partie des 5 millions de titres obtenus par M. Diallo après l’augmentation de capital de mars 2012 ?

« À ma connaissance, aucune transaction n’a été finalisée avec EADS. »

Pourquoi M. Diallo n’a-t-il pas respecté son engagement de finaliser la construction de la mine de Kodiéran, engagement qu’il avait pris en échange d’une créance de livraison d’or à valoir sur la société Wassoul’or ?

« Contrairement à ce que vous insinuez, la grande usine a été bien finie. Après l’inauguration, le commissionning devait continuer et a malheureusement été interrompu à cause du départ de l’opérateur suite au coup d’État de mars 2012. La finalisation des travaux de l’usine a même été constatée par le conseil d’administration de Wassoul’Or et votée par tous les administrateurs, y compris les représentants de Pearl Gold. »

Pourquoi la mine de Kodieran n’a-t-elle toujours pas redémarré, près de trois ans après l’arrêt des installations ? Où en est votre projet de relance ?

« Tous les investissements nécessaires ont été faits. À la date de l’obtention du règlement préventif, soit en juillet 2015, l’effectif du personnel était 91 personnes. À cette date, l’effectif global est de 525 personnes. Tous les équipements ont été achetés et livrés et sont en train d’être montés sur le site. La mine atteindra bien ses objectifs de production en 2016.

C’est important de noter que lors du procès du règlement préventif en 2015, mes différentes sociétés et moi-même avons abandonné 93 milliards de FCFA de créances sur Wassoul’Or, soit environ 142 millions d’Euros, pour arriver à l’homologation du concordat préventif.

Ces informations vérifiables vous ont été données, sur votre demande, pour vous permettre de faire un travail professionnel et éviter la diffamation. »

Nous avons ensuite demandé à Aliou Diallo s’il avait aidé Airbus Group à décrocher la vente d’hélicoptères et d’un avion militaire au Mali, mais il ne nous a pas répondu.





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